L’agriculture bio en France explose : en cinq ans les surfaces bio ou en conversion ont été multipliées par cinq. Et parmi ces agriculteurs, un petit nombre pousse la logique plus loin et se lance dans l’agriculture biodynamique. Mais quelle différence entre l’agriculture biologique et l’agriculture biodynamique ? Les défenseurs de la méthode répondent aux détracteurs de Steiner.
Est-ce une simple mode, qui permettrait surtout d’augmenter sensiblement le prix de vente, notamment pour les vins ? Est-ce une supercherie imaginée par un « gourou » autrichien qui n’avait pas de connaissances en agronomie ? Que faut-il en penser ? Voici quelques éléments de réflexion.
L’agriculture biodynamique, une mode ?
« Les écrits de Steiner (Rudolf Steiner, créateur de la biodynamie) sont marqués par des contrevérités évidentes, des digressions et d’étranges fantaisies », écrivent Douglass Smith et Jesus Barquin sur le site charlatans.info.
Quelques citations en exemple ?
- « Certains insectes nuisibles sont spontanément créés par des influences cosmiques » ;
- « Manger des pommes de terre rend les animaux et les hommes matérialistes » ;
- « Les plantes ne peuvent pas être malades normalement, sauf si les influences de la Lune sur le sol sont trop fortes ».
Ces auteurs vont jusqu’à parler de « rituels agricoles vaudous » pour certaines pratiques comme la géoponcture qui consiste à planter des pierres debout dans le sol pour « restaurer l’équilibre cosmo-tellurique ».
La charge est sévère. Que répondent les défenseurs de l’agriculture biodynamique ?
En fait, quand on lit les informations sur le site du MABD, le mouvement de l’Agriculture BioDynamique, ou sur celui de la certification biodynamique Demeter, ou encore le Cahier des charges pour la Production animale et végétale, on s’aperçoit qu’on demande simplement aux agriculteurs de respecter les principes et les pratiques de l’agriculture biologique en y ajoutant l’emploi des « préparations » de Steiner, numérotées de 500 à 507, qui sont des émulsions à dose homéopathique de plantes ou de bouse de vache.
Les pratiques énumérées dans le Cahier des Charges(1) font plus penser à des fermes en polyculture à l’ancienne qu’à des temples de l’occultisme :
- respecter l’équilibre naturel des plantes et des animaux,
- pas d’OGM ou d’intrants chimiques,
- désherbage mécanique,
- contrôle strict de la provenance des graines et des plantes, ainsi que des fumiers utilisés,
- favoriser la biodiversité, etc.
Biodynamie – biologique : quelle différence ?
Le vrai problème est de distinguer l’apport spécifique de la biodynamie par rapport à l’agriculture biologique, puisque celle-là suppose déjà celle-ci.
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Malheureusement, il y a peu de recherches scientifiques fiables sur ce point. L’une des mieux connues a été publié en 2002 dans la revue Science(5). L’article conclut à un léger avantage de la biodynamie, mais ses résultats ont été mis en doute par d’autres chercheurs, notamment du fait de la méthode d’analyse utilisée.
Deux autres études dans des journaux scientifiques à comité de lecture ont donné les résultats suivants :
- « Aucune différence n’a été trouvée entre les sols fertilisés avec la biodynamie et les compostes non-biodynamiques. »(3)
- « L’analyse des feuilles [des vignes] ne montre pas de différences entre les deux traitements. Il n’y a pas de différence pour ce qui est du rendement, du nombre de grappes, du poids des grappes et du poids des fruits. »(4)
L’agriculture biodynamique c’est une harmonie
On laissera le mot de la fin à Thomas Dutroux, responsable des vignes au Château Palmer, Margaux, 3e cru classé, qui a expérimenté la biodynamie sur un hectare en 2008, avant de l’étendre à l’ensemble du domaine : « Dans biodynamie, il y a aussi l’idée de dynamie, c’est l’idée d’organisme agricole, d’une entité, d’une ferme qui fonctionne en harmonie, où tous les éléments se complètent les uns les autres et où on fait appel le moins possible à ce qui vient de l’extérieur ».
Illustration bannière : Préparation utilisée dans l’agriculture biodynamique – © FreeProd33 Shutterstock
Références :
- http://www.demeter.fr/professionnels/cahiers-des-charges/ (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Mader et alii, Soil Fertility and Biodiversity in Organic Farming”, 296, 1694-1697 (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Carpenter-Boggs et alii, 2000, Organic and biodynamic management : effects on soil biology, Soil Science Society of America Journal, 64(5), 1651-1659 (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Reeve et alii, 2005, Soil and wine grape quality in bio dynamically and organically managed vineyards, American Journal of Enology and Viticulture, 56(4), 367-376 (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Mader et alii, Soil Fertility and Biodiversity in Organic Farming », 296, 1694-1697 (Cliquez sur cette source pour remonter)