À Rambouillet, les moutons redessinent la forêt : l’ONF mise sur l’éco-pâturage
À Rambouillet, l’Office national des forêts (ONF) relance l’idée d’utiliser des moutons pour défricher et entretenir les milieux forestiers.

L’éco-pâturage renaît dans cette forêt domaniale, preuve que les moutons ne sont pas seulement des herbivores domestiques, mais aussi des gestionnaires naturels des milieux forestiers.
Des moutons dans la forêt de Rambouillet : une expérimentation écolo pendant 15 jours
À l’été 2025, l’Office national des forêts (ONF) a mis en oeuvre une expérimentation inédite : l’introduction de moutons dans la forêt de Rambouillet pour maîtriser la croissance du sous-étage végétal. Dans le cadre de cette opération censée remplacer partiellement les interventions mécaniques, environ 250 brebis ont été mobilisées sur les parcelles 11 et 12 de la forêt domaniale de Rambouillet pendant une quinzaine de jours, pour pâturer sur une zone d’environ 10 hectares. Les moutons choisis proviennent d’un cheptel croisé Limousine-Suffolk, sélectionné pour leur robustesse en conditions forestières.
Pour encadrer leur présence, un enclos électrique temporaire avait été installé, ainsi qu’un abreuvoir alimenté en continu — car le troupeau peut consommer jusqu’à 200 litres d’eau par jour. L’ONF précise que cette méthode douce d’entretien convient très bien pour remplacer ou limiter les traitements mécaniques dans les zones sensibles. Dans le cadre de ce projet baptisé « Pâturage en réserve biologique », l’ONF a également organisé un second pâturage entre le 15 août et le 15 septembre 2025, avec 250 moutons, des clotûres mobiles et des déplacements de troupeaux entre points de pâturage.
L’ONF rappelle que la forêt de Rambouillet compte des milieux ouverts — landes, pelouses, clairières — qui tendent naturellement à se refermer. L’usage de moutons permet de contenir cette fermeture, sans recourir systématiquement aux machines ou aux herbicides. L’expérience vise à préserver des espèces qui dépendent de milieux dégagés, notamment l’alouette lulu et l’engoulevent d’Europe, ainsi qu’une flore fragile comme certaines orchidées ou la Drosera intermedia (rossolis intermédiaire). La forêt de Rambouillet, intégrée au réseau « Natura 2000 », confère à ce procédé une dimension de gestion compatible avec les objectifs de conservation.
Moutons en forêt : une gestion douce et des coûts réduits
Le recours aux moutons permet de limiter les interventions mécaniques coûteuses — débroussaillage, broyage, fauche — particulièrement dans des zones peu accessibles. L’eco-pâturage agit comme un outil régulateur entre espèces végétales concurrentes, réduisant la compétition autour des jeunes arbres. En substituant partiellement les machines, l’emploi des moutons contribue à diminuer la compaction des sols, les émissions liées aux engins forestiers et la perturbation du milieu. Le procédé est qualifié par l’ONF de plus continu, plus respectueux du sol et des espèces.
Les moutons participent par ailleurs à créer ou maintenir des mosaïques paysagères : en ménageant des zones ouvertes au sein du massif forestier, ils favorisent la coexistence d’espèces herbacées, de fougères, de plantes pionnières et d’arbres. Ce contraste spatial est favorable à la biodiversité. Ce mode de gestion peut aussi aider à réguler certaines populations de petits rongeurs (campagnols), qui dans certains contextes interfèrent avec la régénération forestière. De plus, la densité de pâturage peut être ajustée en fonction des observations : les moutons offrent une souplesse opérationnelle pour calibrer leurs effets sans fragiliser la régénération forestière.
Même si les moutons offrent une méthode douce, leur efficacité dépend fortement de la densité de pâturage. Un pâturage excessif pourrait endommager la régénération arborée ou altérer le tapis herbacé. Il faut donc calibrer précisément le nombre d’animaux par hectare, la durée du pâturage et la rotation des secteurs. Dans le cadre de cet essai, les moutons ont brouté sur 10 ha sur une durée de 15 jours.
Faire brouter des moutons en forêt impose également des contraintes
Toujours est-il que l’expérience ne s’est pas passée sans difficultés. Un défi non négligeable est la pression des ongulés sauvages (cerfs, chevreuils, sangliers), qui partagent l’espace végétal et peuvent concurrencer les moutons ou interférer avec le couvert végétal. Il faudra surveiller les interactions et adapter les zones de pâturage à ces contraintes. La logistique — clôtures mobiles, abreuvoirs, soins vétérinaires, surveillance — représente un coût et une complexité.
Si l’expérimentation à Rambouillet s’avère concluante, l’ONF pourrait envisager de généraliser l’usage des moutons à d’autres massifs forestiers. Le retour d’expérience servira à affiner les densités optimales, les périodes de pâturage et les protocoles de suivi botanique et faunistique. Cette approche pourrait s’intégrer à une stratégie globale de gestion forestière durable, combinant sylviculture, interventions mécaniques ciblées — et moutons comme auxiliaires naturels.
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