Origin’Info, un logo fantôme pour une traçabilité absente

La provenance des ingrédients alimentaires reste majoritairement dissimulée dans les rayons des supermarchés, malgré le lancement en mai 2024 du label Origin’Info, révèle une enquête de l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV).

Rédigé par , le 9 Jul 2025, à 10 h 46 min
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Pensé comme un outil de transparence, ce dispositif s’est révélé inopérant. La majorité des produits de consommation continue d’échapper à toute obligation de traçabilité visible, au mépris des consommateurs.

Une provenance ignorée dans les rayons malgré Origin’Info

Les consommateurs ont beau scruter les étiquettes, la provenance des ingrédients qu’ils achètent reste un mystère dans plus d’un cas sur deux. L’enquête menée en avril et mai 2025 par l’Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) sur 450 produits alimentaires issus de 11 enseignes montre que 52 % des ingrédients principaux affichent une origine inconnue. Et le plus grave n’est pas uniquement cette opacité. C’est l’échec cuisant du label censé y remédier : Origin’Info. Un an après son lancement, ce logo ne figure que sur 2 des 450 produits analysés. Une goutte d’encre dans un océan d’étiquettes.

Selon la CLCV, même parmi les entreprises ayant officiellement signé la charte Origin’Info, à peine 10 % affichent effectivement le logo. Le reste ? Du silence, ou pire : une esthétique trompeuse. Le rapport note que 39 % des produits étudiés arborent un visuel « à la française », souvent agrémenté d’un drapeau ou d’un slogan, sans que l’origine réelle des ingrédients corresponde à cette mise en scène.

Un label censé garantir la provenance, noyé par le marketing

C’est peu dire que les industriels ont torpillé le projet dès sa genèse. Conçu comme un dispositif volontaire, Origin’Info laissait les marques libres de leur engagement. Résultat : elles ont choisi… de s’en passer.

Officiellement lancé en mai 2024 par le gouvernement français et promu sur la plateforme entreprendre.service-public.fr, le logo devait s’appliquer aux principaux ingrédients agricoles des produits transformés. Trois formats étaient proposés : liste, camembert, ou icône-usine. 116 marques avaient signé la charte. Mais entre l’engagement initial et l’arrivée en rayon, c’est la débandade. Le ministère avait évoqué un bilan prévu pour le premier semestre 2025, il est désormais public : Origin’Info est quasi-absent des linéaires.

Derrière cette désertion se cache une réalité commerciale implacable. Afficher l’origine exacte d’ingrédients importés serait un handicap concurrentiel. Un fabricant aura peu d’intérêt à préciser que son blé vient du Canada ou que son sucre provient du Brésil, quand une frise tricolore suffit à flatter le consommateur.

Consulter l’enquête de la CLCV

La provenance réelle masquée par une origine fantasmée

Le plus pernicieux dans cette affaire est l’écart entre ce que le packaging prétend et ce que contient réellement le produit. Le rapport de la CLCV met en évidence des pratiques d’habillage graphique particulièrement sournoises. Un produit sur trois affiche visuellement une origine française alors que la matière première principale ne l’est pas. Ainsi, un plat préparé peut être « fabriqué en France », comporter un drapeau bleu-blanc-rouge, et pourtant contenir des légumes chinois ou de la volaille polonaise. La législation européenne autorise cette mention dès lors que la transformation finale est faite en France. Une subtilité que les services marketing ont transformée en avantage stratégique.

La CLCV réclame une réforme ferme : « Le logo Origin’Info doit devenir obligatoire ». Et surtout, il doit figurer sur l’emballage, et non uniquement en ligne ou via des QR codes, comme le redoutaient déjà les associations de consommateurs dès mars 2024.

La souveraineté alimentaire sans transparence : un leurre ?

Alors que la France affiche des ambitions renouvelées en matière de souveraineté alimentaire, le scandale Origin’Info démontre qu’aucune reconquête ne peut s’opérer sans connaissance de la provenance. Car comment prétendre relocaliser une chaîne d’approvisionnement si l’on ne sait même pas d’où viennent les ingrédients ?

Le fiasco silencieux de ce logo témoigne aussi du poids des lobbies industriels dans les politiques d’étiquetage. L’absence de contrainte, la pluralité des labels, et la peur d’une « saturation visuelle » sont les excuses régulièrement avancées pour ne rien afficher.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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