Nuages contaminés : la France sous une pluie de pesticides
Une nouvelle étude scientifique met en lumière un phénomène troublant : au-dessus de la France, il pleut littéralement des pesticides.

Les nuages, loin d’être de simples témoins du cycle hydrologique, pourraient devenir des vecteurs méconnus d’une pollution chimique diffuse.
Une pluie de pesticides au-dessus du Puy-de-Dôme et au-delà
Le 8 septembre 2025, la revue Environmental Science & Technology a publié une étude qui révèle que des quantités significatives de pesticides sont présents dans les nuages circulant au-dessus de la France métropolitaine. Cette pollution atmosphérique implique que même des zones non agricoles pourraient subir une contamination par précipitation.
Les chercheurs ont prélevé six échantillons d’eau de nuage au sommet du Puy-de-Dôme (Auvergne) à différentes saisons, dans le but de tester la présence de molécules phytosanitaires. Ils ont cherché près de 450 substances, et en ont détecté 32 dans les nuages analysés. Dans la moitié des échantillons, la concentration totale de pesticides dépassait 0,5 µg/L, seuil fixé pour l’eau potable en Europe. Même en excluant le 2,4-dinitrophénol (susceptible d’être produit par photolyse), deux échantillons restaient au-dessus de ce seuil.
Les chercheurs estiment que, selon la couverture nuageuse à un instant donné, entre 6,4 ± 3,2 tonnes et 139 ± 75 tonnes de pesticides se trouvent dissous dans les nuages au-dessus de la France. Certaines substances retrouvées sont interdites en France depuis plusieurs années, comme l’atrazine (interdite depuis 2003) ou la carbendazime (arrêtée en 2008). La présence persistante de ces molécules de pesticides atteste de leur capacité à se déplacer sur de longues distances et à se remettre en circulation via les cycles hydriques.
Les pesticides peuvent migrer dans l’atmosphère sous plusieurs formes : en phase gazeuse, adsorbés sur des particules en suspension ou dissous dans les gouttelettes nuageuses. Dans le cas de l’étude du Puy-de-Dôme, les molécules détectées dans les échantillons proviennent principalement d’un transport régional à longue distance, et non d’une pollution locale immédiate. La pluie vient alors « laver » ces molécules dissoutes — c’est un phénomène nommé « washout » — les précipitant vers le sol, où elles peuvent rejoindre les nappes, les sols et les écosystèmes aquatiques. Cette pollution invisible vient s’ajouter aux contaminations déjà bien documentées de l’eau et des sols, mais elle peut aussi alimenter les cours d’eau et les nappes artificiellement via les précipitations.
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Des risques pour la santé humaine et l’environnement
Cette nouvelle est grave dans la mesure où, même à faible dose, l’exposition chronique aux pesticides pose des risques (perturbations endocriniennes, effets neurotoxiques, interactions multiples). Certaines de ces substances sont persistantes, ce qui prolonge leur danger. De plus, la combinaison de plusieurs molécules — le fameux « cocktail chimique » — peut induire des effets synergiques encore non étudiées.
Les gouttes de pluie contaminées peuvent atteindre les organismes aquatiques, les sols micro-organismes, la végétation et, indirectement, l’alimentation humaine et animale. Ces pollutions diffuses élargissent le spectre d’exposition à des molécules toxiques.
L’étude révèle néanmoins une lacune : le glyphosate, pesticide le plus utilisé en France, n’a pas été mesuré dans les échantillons de nuages, faute de méthode adaptée, ce qui pourrait sous-estimer l’ampleur de la pollution. Par ailleurs, la réglementation européenne fixe des normes pour l’eau potable, mais ne prévoit pas de normes dédiées à la pluie ou aux eaux de ruissellement contaminées.
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