Dernièrement, nous évoquions une tendance durable pour produire soi-même son propre jardin : le micro-jardin. Aujourd’hui, c’est un autre modèle que nous vous présentons : la micro-ferme. Zoom sur les avantages d’un tel procédé.
Zoom sur la ferme du Bec Hellouin
La Ferme du Bec Hellouin, en Haute-Normandie, a un objectif : prouver que des micro-fermes en permaculture, sans intrants ni pétrole, peuvent garantir une production locale et durable de produits bio de qualité.
L’histoire commence en 2003 par la création d’un potager bio, conçu au départ pour nourrir la famille avec des aliments sains. Puis, Perrine et Charles Hervé-Gruyer accèdent au statut d’agriculteurs bio, sans bagage agricole ni formation. Charles souligne « nous avions un tel niveau d’inexpérience qu’il n’y a pas une erreur que nous n’ayons faite ».
La ferme du Bec Hellouin : composer avec quelques difficultés
L’aventure s’est avérée être un véritable parcours du combattant. Au Bec, le sol est médiocre : une couche de terre arable d’à peine une vingtaine de centimètres recouvre un lit de silex et de graviers.
Mais nul découragement : Perrine et Charles plantent des arbres, creusent des mares, sculptent la terre, s’entourent d’animaux (ânes, poneys, poules, moutons de l’île d’Ouessant).
Puis fin 2008, le couple découvre la permaculture. Une vraie révélation.
À partir de ce moment là, Perrine et Charles s’efforcent d’adapter à leur ferme ces principes créés par Bill Mollison et David Holmgren. Ils s’inspirent des écosystèmes naturels pour concevoir des installations humaines, harmonieuses et durables, économes en énergie et en travail.
La ferme du Bec Hellouin : des résultats probants grâce à la permaculture
Le couple élabore sa propre méthode de maraîchage associant principes de permaculture, technologies modernes de l’agriculture biologique et savoir-faire des anciens.
Et à la ferme du Bec Hellouin, les rendements ne tardent pas à augmenter dépassant ceux des fermiers bio travaillant sur de plus grandes surfaces en agriculture mécanisée.
Le secret, le couple le livre ainsi « choisissez toujours la plus petite parcelle de terre possible, mais cultivez-la exceptionnellement bien ».
Pour enrichir les sols, le couple mise sur un apport massif de fumier décomposé et de compost. Il teste également des solutions innovantes comme le biochar, un charbon de bois microporeux incorporé au sol, associé à des micro-organismes efficaces.
Le soleil est la source d’énergie presque exclusive de la ferme qui n’a plus recours ni aux énergies fossiles ni à aucun intrant biologique extérieur.
Au total, plus de 800 variétés sont cultivées au Bec Hellouin : légumes, fruits, plantes aromatiques et médicinales.
Cette diversification des cultures apporte une sécurité économique plus grande, renforcée par une commercialisation de la production en vente directe, auprès d’AMAP et de restaurants gastronomiques qui assurent au couple un revenu régulier et stable.
La ferme du Bec Hellouin : sous les feux des projecteurs de la recherche
Depuis 2014, des agronomes français et étrangers sont venus visiter Bec Hellouin. Parmi eux, des chercheurs de l’INRA et d’AgroParis Tech qui souhaitent valider scientifiquement l’expérience et tenter de la modéliser.
En résulte un projet de recherche baptisé « Maraîchage biologique en permaculture et performance économique »(1). Démarrée fin 2011, l’étude a pris fin en novembre 2015.
Maraîchage biologique en permaculture et performance économique : les hypothèses à valider ?
Est-ce possible de créer une activité à plein temps en cultivant 1000 m2 en maraîchage bio permaculturel ? Peut-on prouver, à l’encontre de la pensée dominante, que cultiver à la main, sans intrant ni énergie fossile, une petite surface permet de mieux tirer son épingle du jeu qu’à la tête d’une grosse exploitation mécanisée ?
D’après le rapport d’étude, en 12 mois, 1.600h de travail dans les jardins ont généré une production commercialisée de 54.600 euros. ce qui revient à dire :
- 1,6h de travail par an est nécessaire pour cultiver intensément 1m2 de butte permanente (un chiffre qui varie fortement si l’on est débutant, ou au contraire avec de l’expérience).
- Chaque mètre carré peut produire une valeur d’environ 55 euros (avec de l’expérience).
- Chaque heure de travail dans les jardins produit donc un chiffre d’affaire d’environ 34 euros. En ajoutant aux heures travaillées dans les jardins, 50 % de temps supplémentaire pour les autres tâches,chaque heure travaillée génère alors un chiffre
d’affaire d’environ 23 euros.
- Le coût de l’ensemble des outils ayant servi à réaliser cette production (serres, irrigation, outils divers) est d’environ 22.000 euros.
- Une seule personne peut soigner efficacement une surface comprise entre 500 et 1.000 m2.
- À intensité de travail égale, plus la surface est réduite, plus la valeur créée augmente (jusqu’à un certain seuil bien entendu).
Ainsi, les résultat de cette étude sont plutôt encourageants, et permettent de vérifier la viabilité économique et la vivabilité sociale (conditions de travail…) des fermes maraîchères biologiques de très petite taille. De plus, elle a aussi permis de débattre les « façons de faire » et les conditions permettant de rémunérer le travail des maraîchers qui les exploitent.
Ces simples données peuvent faire la différence entre avancer à l’aveugle et être en mesure de concevoir son système cultural de manière plus réaliste. Pour autant, mieux vaut ne considérer ces indications que comme des repères, plutôt que de les prendre à la lettre.
Plus d’infos sur cette micro-ferme : www.fermedubec.com
La Ferme du Bec Hellouin by zabriskieprod
Ce type de micro ferme qui crée de l’humus au lieu de le détruire, stocke du carbone, enrichit la biodiversité tout en embellissant les paysages pourrait donc favoriser l’essor de l’agriculture urbaine et péri-urbaine. Alors, êtes-vous convaincus par le modèle de la micro-ferme ?
Illustration bannière : Produits locaux – © wavebreakmedia Shutterstock