Selon certains, la France serait un « pays sous-peuplé ». D’après sa superficie, par rapport à d’autres pays européens, elle aurait du atteindre entre 110 et 150 millions d’habitants en 2017. Calcul hasardeux, quand on considère la progression de l’artificialisation des sols en France : le progrès se mesure-t-il au nombre de mètres carrés bétonés ?
Certains avancent qu’au vu de sa superficie, la France « devrait compter deux fois plus d’habitants » qu’elle n’en a actuellement. Parlant de « retard démographique » relatif à ses voisins européens, notre pays devrait aider à limiter le déclin de la population européenne en se repeuplant.(4) Est-ce réaliste ?
Deux millions d’hectares de terres agricoles ont été perdus entre 1980 et 2010, ce qui représente la superficie cumulée des Landes et de la Gironde. Les sols artificialisés continuent depuis de s’étendre, avec 490.000 hectares perdus entre 2006 et 2014. Après un pic entre 2006 et 2008, leur progression se stabilise autour de 55.000 hectares par an depuis 2008. Les terrains artificialisés constituent désormais 9,3 % du territoire métropolitain, selon les données officielles.
L’artificialisation des sols en France continue mais moins vite
Les terres artificialisées qui représentent donc presque un dixième du territoire hexagonal sont malheureusement le plus souvent prises sur des terrains en plaine qui sont les surfaces agricoles les plus fertiles.
La dernière édition de l’étude Corine Land Cover, en 2015, fournissait une photographie complète de l’occupation des sols français.(5) Le rythme de croissance de la surface des terres artificialisées en métropole s’établit, entre 2006 et 2012, à +0,49 % par an. Il est inférieur à celui observé entre 2000 et 2006 (+1,30 % par an), mais il serait depuis 2010 de +0,8 % par an selon le gouvernement. La population métropolitaine, en comparaison, croît de 0,53 % par an.
L’artificialisation des sols en France
Le recul permanent des terres agricoles
Les espaces artificialisés augmentent principalement au détriment des terres agricoles, mais aussi des milieux semi-naturels. Cette extension s’est effectuée pour les deux tiers aux dépens des espaces agricoles. Les sols imperméabilisés, bâtis ou non, occupent deux tiers de l’ensemble des sols artificialisés. Près de la moitié des terres artificialisées entre 2006 et 2014 l’ont été pour l’habitat individuel et 16 % pour les réseaux routiers.
En revanche, la part des zones boisées, humides ou en eau reste stable sur le long terme, avec 40 % des sols de métropole.
© Agreste « Utilisation du territoire – L’artificialisation des terres de 2006 à 2014 : pour deux tiers sur des espaces agricoles »
L’artificialisation détruit incontestablement les habitats naturels. À terme, elle réduit également la production agricole en la privant de certaines de ses meilleures terres. Ces grandes perturbations influent significativement sur l’avenir des espèces animales et végétales.
Le phènomène n’est pas que français, il est mondial : partout l’urbanisation est L’une des causes de la disparition des sols fertiles dans le monde. Dans certains pays, on parle même de rapt des sols (« land grabbing« ).
Selon la définition européenne, plus restrictive(3), l’artificialisation des sols s’établit à 5,2 % en France contre une moyenne européenne de 4,1 %.
La grande hétérogénéité des pays liée à leur densité explique les différences entre des pays très artificialisés comme le Benelux (10 %), et d’autres beaucoup moins comme la Bulgarie, l’Estonie, la Lettonie, la Suède ou la Finlande (2 %).
Faut-il donc absolument nous comparer aux pays les plus densément peuplés pour envisager notre développement futur ? On peut en douter : les pays européens les plus peuplés ont une artificialisation des sols supérieure à celle de la France : l’Allemagne (7,2 %), l’Italie (7,0 %) ou le Royaume-Uni (6 %), sans corrélation immédiate avec la prospérité économique.
De quoi sont composés les sols artificialisés ?
- 2,4 Mha de sols revêtus (réseau ferré, routes, autoroutes, aéroports, parkings)
- 1,55 Mha d’espaces verts (jardins publics ou individuels, terrains de sport, etc)
- 800.000 ha de sols construits (maisons, immeubles, usines)
- 144.000 ha de sols arrasés (carrières, mines, …)
- 46.100 ha de sols en zones interdites (militaires)
Ce qui représente environ 800 m2 par habitant. L’île-de-France, le Nord, l’Alsace, le couloir rhodanien et le littoral accueillent les territoires les plus artificialisés.
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