Les pneus de voiture polluent jusque dans vos assiettes
À défaut d’une stratégie ambitieuse, la pollution liée aux pneus continuera de s’infiltrer dans tous les compartiments de notre environnement.

Le 3 novembre 2025, l’association Agir pour l’Environnement (APE) a publié une enquête inédite sur la pollution provoquée par les pneus de voiture. En France, chaque kilomètre parcouru génère une forme d’abrasion invisible : des particules issues du caoutchouc se dispersent dans l’environnement et contaminent l’air comme les milieux aquatiques. L’étude révèle que ces émissions, souvent oubliées des politiques publiques, représentent désormais l’une des principales sources de pollution automobile.
Pollution : un cocktail chimique inédit dans les pneus de voiture
L’ONG a analysé la composition de pneus issus de six grandes marques : Michelin, Bridgestone, Continental, Goodyear, Hankook et Pirelli. Selon Agir pour l’Environnement, pas moins de 1 954 molécules différentes ont été identifiées dans les gommes testées. Parmi elles, 785 substances présentent des risques graves pour la santé et l’environnement. « Nous avons notamment découvert 111 substances fortement toxiques pour les milieux aquatiques, 85 potentiellement mortelles en cas d’ingestion et 112 molécules cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques », a précisé Stéphen Kerckhove, délégué général d’Agir pour l’Environnement cité par L’Humanité.
Le rapport souligne aussi que 40 à 60 % de ces composés sont des hydrocarbures aromatiques, reconnus pour leurs effets nocifs.Selon l’ONG, deux-tiers des molécules détectées sont potentiellement dangereuses. Ce constat jette une lumière crue sur un secteur industriel encore très opaque. La composition des pneus reste en effet couverte par le secret industriel, un point que dénonce Oliver Charles, porte-parole de l’association : « Les citoyennes et citoyens ont le droit de connaître la composition exacte des produits qu’ils achètent et avec lesquels… ils s’empoisonnent ».
Une pollution insidieuse qui contamine l’air, les sols et les eaux
Selon l’étude, l’abrasion des pneus de voiture engendre chaque année en France 50 000 tonnes de particules fines et de microplastiques qui se dispersent dans l’air, les sols et les rivières. D’autres estimations, comme celle reprise par le Parisien, évoquent même 80 000 tonnes de poussières issues de la gomme qui s’accumulent le long des routes.
Contrairement à la pollution des moteurs, aujourd’hui encadrée par des normes européennes strictes, celle des pneus échappe encore à toute régulation spécifique. Les particules libérées sont si fines que 99,97 % d’entre elles échappent aux systèmes de filtration ou de captation. Ces micro-débris contiennent du zinc, du cuivre, du soufre, du carbone et des additifs chimiques dont plusieurs sont classés dangereux pour la faune et la flore aquatique.
Avec le ruissellement, ces particules finissent par rejoindre les cours d’eau, où elles contaminent la chaîne alimentaire. Des analyses menées sur les sédiments montrent que certains composés issus des pneus sont capables d’altérer la reproduction des poissons et d’affecter la croissance de plantes aquatiques.
L’évolution du parc automobile amplifie le phénomène : les véhicules plus lourds, notamment les SUV et les voitures électriques, accélèrent l’usure des pneus et donc la production de particules. À ce rythme, avertit APE, la pollution due à l’abrasion pourrait bientôt dépasser celle des gaz d’échappement dans les centres urbains les plus denses.
En France, une urgence à encadrer la pollution issue des pneus
Face à ces constats, Agir pour l’Environnement demande une refonte complète du cadre réglementaire. « Il y a urgence à modifier la législation encadrant la fabrication et la commercialisation des pneus afin de limiter les risques pour les écosystèmes et les dangers sanitaires de ces molécules qui n’ont fait l’objet d’aucune évaluation sérieuse », a déclaré Stéphen Kerckhove. L’association plaide pour : la levée du secret industriel sur la composition des pneus ; la création d’un étiquetage européen intégrant les risques chimiques ; l’inclusion de l’usure des pneus et des freins dans le futur règlement Euro 7, en cours de finalisation à Bruxelles.
Les constructeurs, de leur côté, affirment avoir pris la mesure du problème. Michelin a indiqué avoir réduit de 5 % les émissions d’usure entre 2015 et 2020, et travaille sur des matériaux alternatifs moins abrasifs. D’autres fabricants testent des mélanges contenant davantage de caoutchouc naturel ou des polymères biodégradables. Cependant, ces pistes se heurtent à des contraintes de sécurité et de coût.
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