Inaction climatique : la Commission européenne freine l’ambition verte
Sous couvert de pragmatisme, la Commission européenne a adopté le 2 juillet 2025 un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 90% d’ici 2040. Mais cette ambition revue à la baisse masque un renoncement stratégique face à l’urgence climatique.

L’UE ouvre désormais la porte à des crédits carbone étrangers et repousse les échéances clefs. Une politique de temporisation qui inquiète, alors que les coûts économiques et environnementaux de l’inaction climatique explosent partout sur le continent.
L’inaction climatique s’installe dans la mécanique de la Commission européenne
Le 2 juillet 2025, la Commission européenne a dévoilé un objectif climatique de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 90 % d’ici à 2040. Ce chiffre, présenté comme un progrès, marque en réalité un net repli. Il se situe au seuil inférieur des recommandations scientifiques, et surtout, il ouvre la voie à une externalisation du problème. Jusqu’à 3 % des efforts pourront être réalisés via des crédits carbone internationaux, un mécanisme contesté qui revient à acheter ailleurs une illusion de vertu.
Ce dispositif permettrait à l’Union de compenser une part de ses émissions en finançant des projets de reforestation ou de transition énergétique dans des pays tiers. En clair, il s’agit de déléguer la réduction d’émissions à l’étranger plutôt que de la mener en interne. L’introduction de cette marge de manoeuvre financière donne l’image d’une Europe plus préoccupée par la flexibilité politique que par l’efficacité écologique.
Le recours aux crédits carbone, même strictement encadré, renvoie à une approche de la transition fondée sur la minimisation des contraintes plutôt que sur l’anticipation des urgences. Ce choix, qualifié de pragmatique dans les documents officiels, trahit une stratégie d’évitement qui affaiblit le signal envoyé à la communauté internationale.
L’inaction climatique sous l’effet conjugué du populisme et des calculs électoraux
Ce glissement n’est pas sans causes. Depuis plusieurs mois, une dynamique politique pèse sur les ambitions climatiques européennes : la montée des partis populistes, la crainte d’une fracture sociale et la perspective des élections européennes de 2026 ont érigé la prudence en doctrine dominante. Des États membres plaident désormais pour un report de la validation des objectifs à 2040. Leur argument : il serait préférable de dissocier cet horizon des négociations sur les engagements climatiques de 2035 prévues par l’Accord de Paris.
Ce report, s’il venait à se concrétiser, fragiliserait non seulement la cohérence de la stratégie européenne mais compromettrait également la position du bloc dans les discussions internationales. L’Union européenne, longtemps pionnière, donne aujourd’hui l’impression de suivre le mouvement au lieu de l’impulser.
Les hésitations actuelles révèlent un paradoxe croissant. Alors que les sondages montrent un fort soutien populaire à des politiques climatiques ambitieuses, les responsables politiques choisissent de temporiser, craignant de s’aliéner des électorats fragilisés par l’inflation, la crise énergétique ou les transitions industrielles mal accompagnées.
Vagues de chaleur, vagues d’indécision : l’inaction climatique face à l’urgence
Alors que la canicule s’intensifie sur tout le continent, les institutions européennes s’enlisent dans les discussions techniques. Les températures dépassent les 40 °C dans certaines villes du sud, les hôpitaux sont sous tension, et les incendies dévastent des milliers d’hectares. Pendant ce temps, à Bruxelles, les réunions s’éternisent, les décisions s’étirent, et l’urgence est reléguée derrière les compromis.
Les désaccords internes au sein de la Commission freinent l’adoption du texte. Des hauts fonctionnaires et certaines délégations nationales freinent des quatre fers, pointant les conséquences politiques et économiques de mesures trop contraignantes. Le calendrier est devenu l’ennemi du climat : reporter l’adoption d’un objectif, c’est retarder les investissements, ralentir la transition et aggraver les impacts déjà visibles.
La logique du « temps politique » entre ainsi en collision frontale avec le « temps climatique ». Et dans ce face-à-face, ce sont les événements climatiques extrêmes – feux, sécheresses, inondations – qui prennent une longueur d’avance. L’Europe se retrouve dans la posture absurde d’un pompier qui hésite à ouvrir la lance parce qu’il craint d’user trop d’eau.
Le prix caché de l’inaction climatique
Ce recul apparent dans la stratégie européenne aura un coût. Et ce coût ne se limite pas aux pénalités symboliques ou à la perte de crédibilité. Il se comptera en euros sonnants et trébuchants. Les désastres liés au climat – vagues de chaleur, crues soudaines, tempêtes – coûtent déjà des dizaines de milliards d’euros chaque année à l’économie européenne. Infrastructure abîmée, productivité en berne, systèmes de santé surchargés : les dommages sont structurels.
Ce que l’Europe refuse d’investir aujourd’hui dans la transformation écologique, elle le paiera demain en réparations, en pertes humaines, en retards technologiques. Chaque euro économisé sur la prévention est un euro perdu dans la gestion des conséquences. Plus encore, ce manque d’audace envoie un message délétère au reste du monde. L’Union européenne, longtemps modèle de gouvernance environnementale, risque désormais de servir de caution à d’autres puissances moins engagées. Le signal donné par l’Europe conditionne la dynamique mondiale : Bruxelles hésite, Pékin temporise, Washington se détourne et Riyad jubile.
Lire aussi
Climat : pourquoi l’Europe se réchauffe-t-elle deux fois plus vite que le reste du monde ?
Abonnez-vous à consoGlobe sur Google News pour ne manquer aucune info !
A lire absolument




























