Huiles, laits, viandes : qu’est-ce que l’hexane, ce danger invisible pour la sécurité alimentaire ?

De l’hexane, un solvant d’origine pétrochimique, se cache dans de nombreux produits de consommation courante sans jamais apparaître sur les étiquettes.

Rédigé par , le 6 Oct 2025, à 10 h 24 min
Huiles, laits, viandes : qu’est-ce que l’hexane, ce danger invisible pour la sécurité alimentaire ?
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Utilisé massivement par l’industrie agroalimentaire pour extraire les huiles végétales, il laisse pourtant des traces dans les aliments. Quels risques pour la santé et que peuvent faire les consommateurs face à cette contamination invisible ?

L’hexane, un solvant omniprésent dans la chaîne alimentaire

Depuis septembre 2025, le débat sur l’hexane prend une ampleur inédite en France et en Europe. Ce solvant, largement utilisé dans la production alimentaire, a été retrouvé par Greenpeace France dans des huiles, du beurre, du lait — y compris infantile — et même du poulet. Classé comme substance neurotoxique et suspecté d’être reprotoxique et perturbateur endocrinien, l’hexane interroge. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a d’ailleurs jugé en 2024 que les données actuelles étaient insuffisantes pour garantir son innocuité. Pourtant, il n’apparaît pas sur les emballages et reste inconnu du grand public.

L’hexane est un mélange d’hydrocarbures issu de la pétrochimie. Son principal usage est l’extraction des huiles végétales à grande échelle, notamment à partir de graines de soja, de colza ou de tournesol. Selon Greenpeace France, près de 90 % des graines triturées en France le sont dans des usines utilisant l’hexane. Ce procédé permet d’obtenir jusqu’à 97 % de la matière grasse contenue, contre 89 % avec une extraction mécanique. Si ce rendement séduit l’agro-industrie, il pose un problème sanitaire majeur car des résidus subsistent dans les produits finis.

Les pertes d’hexane ne concernent pas seulement les huiles. Une partie importante se retrouve dans les tourteaux — ces résidus solides riches en protéines qui nourrissent les animaux d’élevage. L’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) a confirmé qu’il existe un transfert de résidus vers les produits d’origine animale comme le lait, la viande ou les oeufs. Une usine du groupe Saipol, filiale d’Avril, a ainsi laissé échapper en 2024 près de 66 tonnes d’hexane dans ses produits finis, dont 91 % dans les tourteaux. Concrètement, les consommateurs peuvent ingérer ces résidus à travers un large éventail d’aliments.

L’hexane, un danger sous-estimé pour la santé

Les risques associés à l’hexane sont documentés depuis plusieurs années. Le n-hexane, son isomère le plus préoccupant, est reconnu comme neurotoxique par l’INRS et suspecté d’être reprotoxique et perturbateur endocrinien. « Le n-hexane est principalement connu pour être une substance neurotoxique et CMR [canrérogène, mutagène et reprotoxique] », rappelle le chercheur Christian Cravotto. L’exposition chronique, même à faibles doses, pourrait altérer le système nerveux ou hormonal.

L’EFSA a jugé en septembre 2024 que les données utilisées pour justifier son autorisation étaient « insuffisantes et inadéquates ». L’agence souligne que les études encore en vigueur datent de 1996 et proviennent d’acteurs industriels. « Cette absence d’informations ne permet pas une évaluation complète du risque posé par l’exposition à l’hexane », précise l’EFSA. De plus, l’hexane peut contenir des impuretés comme le benzène ou le toluène, substances toxiques qui échappent à une réglementation stricte. Pour l’heure, la limite fixée par l’Union européenne dans les huiles raffinées est de 1 mg/kg, mais l’Anses estime que l’hexane pourrait poser un risque sanitaire même à ces niveaux.

Un vide réglementaire qui prive les consommateurs d’information

L’une des principales critiques formulées par les ONG et certains parlementaires tient à l’absence de transparence. En Europe, l’hexane est considéré comme un auxiliaire technologique : il intervient au cours de la transformation mais n’est pas considéré comme un ingrédient. De ce fait, il n’apparaît pas sur les étiquettes. L’industrie agroalimentaire assure que ce solvant ne devrait pas se retrouver dans les produits finis, mais Greenpeace avance qu’« il est techniquement inévitable qu’il en reste des traces ».

Cette opacité empêche les consommateurs de faire des choix éclairés. Huit millions de Français vivent ainsi en situation d’insécurité alimentaire, dont deux millions dépendants de l’aide alimentaire, dénonce Greenpeace France. Ceux-ci n’ont pas la possibilité de se tourner vers des produits bio, les seuls dont la réglementation interdit l’usage de l’hexane. Greenpeace demande donc l’interdiction pure et simple de ce solvant, ainsi que l’obligation d’indiquer les auxiliaires technologiques sur les emballages. En mai 2025, la Commission européenne a saisi l’EFSA pour une réévaluation complète, mais aucune mesure concrète n’a encore été adoptée.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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