Glyphosate : une étude majeure discréditée 25 ans après

Vingt-cinq ans après sa publication, l’une des études les plus influentes sur la sécurité du glyphosate vient d’être officiellement rétractée.

Rédigé par , le 8 Dec 2025, à 11 h 12 min
Glyphosate : une étude majeure discréditée 25 ans après
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Soupçons de conflits d’intérêts, soupçons de rédaction fantôme et données internes non publiées bouleversent aujourd’hui l’édifice scientifique qui soutenait depuis des décennies l’innocuité, aux yeux des régulateurs nationaux et européens, du célèbre herbicide.

Glyphosate : une étude-clé bâtie sur des bases fragiles

Le 28 novembre 2025, la revue scientifique Regulatory Toxicology and Pharmacology a annoncé la rétractation d’un article paru en 2000, qui avait été longtemps utilisé pour faire valoir la thèse comme quoi le glyphosate ne présentait pas de danger. Cette décision, fondée sur des manquements éthiques majeurs, relance le débat mondial sur les dangers du glyphosate et sur les pratiques d’influence de l’industrie agrochimique.

Pendant plus de deux décennies, l’étude rétractée a servi de référence majeure dans l’évaluation des risques associés au glyphosate. Elle affirmait que le glyphosate et le Roundup « ne présentaient aucun risque cancérogène, reproductif ou endocrinien pour l’être humain ». Cette évaluation a ensuite été reprise par de nombreuses autorités sanitaires. Pourtant, malgré son aura scientifique, cette étude reposait exclusivement sur des données internes non publiées de Monsanto, sans confrontation avec la littérature scientifique indépendante disponible à l’époque. Ainsi, alors que le glyphosate apparaissait comme un herbicide sûr, les fondations de cette certitude étaient déjà instables.

En outre, les enquêtes menées ces dernières années ont mis au jour des soupçons graves de conflit d’intérêts. Des documents internes ont montré que des salariés de Monsanto avaient probablement participé à la rédaction de l’article sans être mentionnés comme auteurs. Ce procédé de ghostwriting, aujourd’hui reconnu par plusieurs observateurs, remet profondément en cause l’indépendance scientifique de cette étude sur le glyphosate. L’éditeur de la revue a d’ailleurs reconnu l’existence de « préoccupations sérieuses d’éthique concernant l’indépendance des auteurs et l’intégrité académique ».

Glyphosate : un pilier scientifique qui s’effondre

La portée de cette rétractation dépasse largement le simple cercle académique. Elle a été citée plus de 700 fois dans la littérature scientifique. Ainsi, pendant vingt-cinq ans, cette étude a contribué à orienter la perception du glyphosate dans les débats réglementaires, politiques et judiciaires. Chaque nouvelle autorisation du herbicide s’appuyait partiellement sur ce socle scientifique aujourd’hui fragilisé.

Or, cette rétractation met aussi en lumière des omissions majeures. Plusieurs études de toxicité chronique et de cancérogénicité, pourtant disponibles à la fin des années 1990, auraient été écartées sans justification dans l’analyse initiale du glyphosate. Cette sélection biaisée des données pose une question centrale : comment une étude présentant de telles lacunes a-t-elle pu devenir une référence mondiale ? À ce stade, la réponse renvoie moins à la science qu’au poids dans la production du savoir scientifique sur le glyphosate de l’entreprise Monsanto, désormais intégré au groupe Bayer.

Glyphosate et conflits d’intérêts : une onde de choc politique et sanitaire

La rétractation de cette étude n’a pas seulement une portée scientifique. Elle ravive aussi les controverses politiques et judiciaires autour du glyphosate. Depuis des années, des milliers de procédures judiciaires opposent des victimes atteintes de cancers à Bayer-Monsanto, aux États-Unis comme en Europe. L’étude aujourd’hui rétractée avait souvent été mobilisée par la défense pour contester le lien entre glyphosate et cancer. La disparition officielle de cette référence scientifique affaiblit désormais l’un des principaux arguments de l’industriel.

Dans le monde associatif, cette décision est perçue comme un tournant. « Les décennies d’efforts de l’industrie des pesticides pour manipuler la science afin d’augmenter ses profits sont enfin mises en lumière », a déclaré Nathan Donley, directeur scientifique du Center for Biological Diversity. Cette prise de position illustre le basculement du récit dominant sur le glyphosate. D’un herbicide présenté comme sûr et indispensable, il devient le symbole d’une science sous influence, au coeur d’un conflit d’intérêts majeur.

Sur le plan sanitaire, cette rétractation relance aussi la question de l’exposition chronique des populations au glyphosate. Pendant des années, cette étude a été brandie pour rassurer agriculteurs, riverains et consommateurs. Désormais, le doute s’installe sur la solidité des évaluations passées. Les agences sanitaires qui ont autorisé le glyphosate sur la base de ce corpus scientifique se retrouvent aujourd’hui sous pression, sommées de réexaminer l’ensemble des données disponibles à la lumière de cette rétractation historique.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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