Écotourisme : voyager sans nuire, est-ce encore possible ?

Alors que l’industrie touristique tente de se réinventer face aux bouleversements climatiques et sociaux, cette forme de voyage éthique et nature gagne du terrain. Mais derrière ce terme à la mode, que recouvre réellement cette pratique ? Et surtout, comment la mettre en oeuvre sans céder à un simple verdissement de façade ?

Rédigé par , le 26 Apr 2025, à 10 h 00 min
Écotourisme : voyager sans nuire, est-ce encore possible ?
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Chaque déplacement est désormais scruté sous l’angle de son impact écologique. Le voyageur moderne se retrouve à un carrefour. Doit-il continuer à parcourir le monde au prix d’un désastre environnemental ou repenser ses envies d’évasion ? L’écotourisme, longtemps marginal, s’invite désormais au coeur des stratégies politiques, des brochures d’agences et des consciences individuelles. Mais au-delà des slogans éthiques, sait-on vraiment ce que signifie voyager de manière responsable ? Le mot est séduisant, mais la pratique, elle, exige de sortir du confort, de ralentir, d’écouter. Car si l’on peut encore voyager, c’est à la condition de désapprendre le tourisme.

Écotourisme : voyage ou engagement ?

Contrairement au tourisme de masse, l’écotourisme ne se limite pas à cocher des cases sur une carte postale. Il s’agit d’une approche intégrée du voyage, où chaque choix, destination, hébergement, transport, vise à réduire l’empreinte écologique et à maximiser les retombées locales. Comme le rappelle l’Organisation mondiale du tourisme, l’écotourisme consiste à « observer et apprécier la nature ainsi que les cultures traditionnelles […] tout en favorisant la protection des zones naturelles et le bien-être des populations ».

Une orientation claire : la nature n’est pas un décor mais un patrimoine à préserver. Mais comment concrètement pratiquer l’écotourisme ? Il s’agit de privilégier les voyages en petit groupe, les séjours en écolodges, les mobilités douces (vélo, randonnée), les rencontres chez l’habitant et les expériences pédagogiques guidées par des naturalistes. Ce tourisme se vit en immersion, à contre-courant des standards aseptisés et formatés.

Écotourisme et environnement : une réponse à l’urgence ?

En France, l’enjeu est colossal. Selon un rapport de l’ADEME publié en juin 2021, le secteur du tourisme représentait 11,2 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, soit l’équivalent de l’empreinte carbone de 11 millions de Français. Face à cette réalité, le gouvernement a lancé le plan Destination France, doté de 1,9 milliard d’euros, pour faire de la France « la première destination touristique durable d’ici 2030 ».

Objectif : favoriser les projets écotouristiques, développer le cyclotourisme, encourager les petites structures hôtelières responsables, et mettre en place des stratégies de gestion des flux pour éviter la saturation des sites naturels. Car oui, l’écotourisme est aussi une affaire de planification. Il implique les collectivités, les agences locales, les guides, les hôtes. « Le tourisme responsable, c’est créer de meilleures endroits à habiter et à visiter », affirme la Déclaration de Cape Town, citée sur Ecovoyageurs.com. Et pour cela, le rôle du voyageur est décisif.

Écotourisme et communautés locales : qui profite vraiment ?

Le véritable écotourisme ne se contente pas de regarder la nature, il l’habite, la comprend, et soutient les acteurs qui la protègent. Il engage le touriste à sortir de son rôle de consommateur passif pour devenir un voyageur citoyen. Des initiatives françaises en témoignent. L’agence Vision du Monde propose des séjours dans le Parc du Queyras mêlant balades, immersion culturelle et observation de la biodiversité. En Drôme provençale, les voyageurs découvrent la cueillette sauvage ou la vie des abeilles. L’agence Kaouann, quant à elle, privilégie les trajets accessibles depuis une gare et favorise la mobilité douce.

Mais derrière ces expériences, une économie locale se structure. Un écolodge n’est pas qu’un hébergement, c’est un acteur de développement durable, un relais entre patrimoine naturel et retombées sociales. Guides locaux, artisans, producteurs : tous bénéficient, à condition que le circuit soit bien pensé et que les revenus ne soient pas captés par des intermédiaires lointains. Impossible de nier que l’écotourisme séduit. Mais gare aux apparences. L’enjeu, aujourd’hui, n’est pas tant de multiplier les offres estampillées « vertes » que de garantir leur sincérité. Trop souvent, la rhétorique du « tourisme responsable » masque des logiques marchandes inchangées : mêmes circuits, mêmes profits, juste un peu plus de végétation en façade. La vraie rupture repose sur le changement de regard du voyageur.

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Rédactrice dans la finance, l'économie depuis 2010 et l'environnement. Après un Master en Journalisme, Stéphanie écrit pour plusieurs sites dont Economie...

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