Dans le cadre des techniques secrètes pour faire craquer le consommateur, une affirmation remet en cause une grande partie de l’enseignement en économie et en marketing tel qu’il est encore largement pratiqué (et appliqué) de nos jours.
On a longtemps fait le pari, dans les départements marketing et les écoles, que le consommateur exerce ses choix en analysant rationnellement, le mix produit, c’est-à-dire l’offre qu’on lui propose : il n’en est rien !
Non le consommateur n’agit pas rationnellement !
Au fil du temps, les traditionnelles recherches de marché, questionnaires, sondages, groupes de discussion ont montré leur limite. Les questionnaires sont biaisés, le fait même de poser la question, fausse la réponse. Pourquoi ?
Au départ, le marketing conçoit le consommateur à la lumière des connaissances issues de la micro-économie (classiquement vue comme la fonction de maximisation de l’utilité pour le consommateur) et de la psychologie (la psychanalyse, le béhaviourisme) dont on dispose dès les années 1960.
Régulièrement des panels de consommateurs répondent à des enquêtes pour les marques © Ken stocker
L’homme est perçu dans les modèles microéconomiques, comme une boite noire, dont les décisions reposent sur le postulat de la rationalité : l’homme est un « homo oeconmicus » (homme économique en latin) qui fait des choix rationnels ; des choix qui sont donc modélisables.
En 2010, Nestlé lançait à grand renfort de publicité une nouvelle ligne de boisson orientée santé et bien-être que des personnes testées avaient dit vouloir acheter. Le produit Nesfluid a été retiré du marché au bout d’un an de commercialisation.
La promesse de cette boisson : l’HydraNutrition ! Le lancement a coûté des dizaines de millions d’euros à ses créateurs… Les raisons d’un tel échec ? Les consommateurs ne croyait pas aux vertus santé du produit.
C’est bien connu que 80 % à 90 % des produits lancés sur le marché échouent au cours de la première année. Pourtant, des études ont précédé leur lancement. Il y a donc un fossé entre ce que les gens disent et ce que les gens font.
C’est tout l’édifice de la théorie économique qui a historiquement posé l’hypothèse d’un agent économique rationnel, le fameux « Homo oeconomicus » que l’on va retrouver partout, raisonnant en accord avec les probabilités et qui est la cible du marketing, des publicités et des stratégies commerciales modernes.
Le comportement du consommateur « Homo oeconomicus »
L’homo oeconomicus est supposé être rationnel, ce qui veut dire, en économie, que ses critères de choix sont cohérents, et qu’ils sont guidés par un calcul-comparaison des coûts et des avantages. La notion de pouvoir d’achat rentre finalement peu en ligne de compte.
L’avantage est évident : un consommateur rationnel décide de manière prévisible d’acheter tel ou tel produit / service en jaugeant ses caractéristiques, son « mix », en termes de prix, de valeur d’usage, de qualité, etc.
Si on martèle, avec une bonne pub bien répétitive, qu’un produit a les meilleures caractéristiques, on peut prévoir que le consommateur va – logiquement – le préférer aux autres grâce à ces arguments explicites, le mot a son importance comme vous allez le voir.
Un peu de rationnel et beaucoup d’irrationnel dans les choix du consommateur
En matière d’analyse de consommation, cohérence et capacité de calcul ne suffisent généralement pas à déterminer des choix clairs et précis. Autrement dit, le consommateur réagit d’une manière qu’on ne comprend pas !
Au début des années 1970, la psychologie met en évidence de nombreuses erreurs commises par l’homme dans son processus de jugement (en tant qu’opération mentale consistant à accorder une probabilité à un événement).
Un intérêt croissant s’est alors développé concernant nos capacités à raisonner (ou pas) de façon rationnelle dans des situations incertaines, pourtant quotidiennes (estimer la valeur d’un produit, deviner le gagnant de l’émission The Voice, le vainqueur de la future élection présidentielle, choisir telle ou telle offre commerciale…).
La motivation pour l’achat d’une voiture n’est pas forcément le rapport qualité-prix © RossHelen
Car il faut le reconnaître, le consommateur s’acharne à ne pas se conformer exactement aux prévisions et aux théories du marketing : si c’était le cas, alors tous les lancements de produits seraient des succès. Or, on ne sait pas toujours expliquer les échecs de certaines stratégies commerciales pourtant parfaitement pensées, parfaitement « rationnelles ». De même que certains succès spectaculaires sont tout à fait imprévus et sidèrent les professionnels…
L’objectif de tout consommateur rationnel est d’obtenir de son revenu dépensé un maximum de satisfaction : or, que fait Michel quand il choisit d’acheter un SUV allemand plutôt qu’un Duster Dacia français ? Il ne fait pas le choix du meilleur rapport qualité-prix. Que fait Sonia quand elle achète tout son thé et son café dans une marque équitable plus coûteuse ? Elle ne fait pas le choix du meilleur prix, mais se fonde sur d’autres critères.
Le consommateur rationnel des modèles économiques ne se retrouve pas dans les magasins.
Pourquoi Éric a-t-il choisi une bouteille de Bordeaux prestigieux, influencé par la musique classique du magasin ? Pourquoi Stéphanie achète-t-elle toujours plus qu’elle n’en avait pas l’intention dans ce magasin aux couleurs vives fréquemment renouvelées ?
De fait, de plus en plus de travaux d’économie expérimentale le confirment : la plupart des tests avec des personnes en chair et en os montrent qu’elles ne se comportent pas comme le postule la micro-économie — ce qui met en cause la pertinence même de celle-ci, du moins sous sa forme actuelle.
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