Dans le cadre des techniques secrètes pour faire craquer le consommateur, une affirmation remet en cause une grande partie de l’enseignement en économie et en marketing tel qu’il est encore largement pratiqué (et appliqué) de nos jours.
Consommation : les bases de l’irrationalité du jugement humain
Mais les bases de notre non-rationalité ne se limitent pas au rôle des émotions. En effet, des chercheurs expliquent que ce sont nos limites propres qui font que nos processus de décisions sont limités, voire déficients. Lévy-Garboua et Montmarquette (2004) font l’hypothèse d’agents cognitivement limités qui sont soumis à la séquentialité de leur perception.
L’homme ne peut traiter simultanément toutes les perceptions qu’il reçoit. C’est pourquoi son jugement ne peut être parfaitement prédit par la norme bayésienne (rationnelle).
L’homme que le marketing suppose capable de faire des évaluations, des probabilités, pour calculer le meilleur choix, est remis en question.
Le consommateur fait des arbitrages pour choisir un produit © Robert Kneschke
Plusieurs approches psychologiques remettent en cause cette hypothèse d’un « homme statisticien » par nature. Nous nous attarderons particulièrement sur ce que Kahneman et Tversky [1974] appellent « l’heuristique de représentativité ». Lévy-Garboua et Montmarquette [2004] proposent un modèle de jugement qui fait l’hypothèse d’un individu fondant ses jugements de manière disproportionnée sur la valeur normative des probabilités et sur « l’impression » des événements : autrement dit, ils nous expliquent qu’au lieu de calculer, le consommateur se raccroche à des idées toutes faites et à ses sensations.
Le fonctionnement de la décision dans les choix du consommateur rationnel
Des économistes nous ont démontré comment les théories économiques de la prise de décision – comme par exemple – une décision d’achat ont jusqu’à il y a peu fait l’hypothèse que ces décisions sont le résultat d’une délibération consciente, voire rationnelle(2).
Les modèles les plus traditionnels supposent ainsi que la prise de décision, et, partant, le traitement de l’information d’une manière générale, consiste en 3 étapes organisées de manière strictement linéaire et sérielle :
- La perception d’un stimulus (par exemple, un message commercial),
- L’évaluation consciente, via des processus inférentiels opérant sur des représentations mentales de différents aspects du problème, de la valeur affective ou économique de ce stimulus, et
- la programmation de la réponse comportementale appropriée.
Quelle décision prendre devant un linéaire au supermarché © Lisa-S
Or, cette perspective « entrée-sortie » du traitement de l’information est maintenant totalement obsolète, en particulier depuis l’avènement des modèles d’inspiration neurale (McClelland & Rumelhart, 1986). On sait aujourd’hui que le cerveau opère selon des principes radicalement différents : nos actes d’achat sont directement influencés et même déterminés par des facteurs cognitifs et affectifs.
Marketing sensoriel : la musique nous fait-elle plus acheter ?
Consommation : on ne peut pas se fier à notre cerveau !
Notre cerveau nous trompe tout le temps ! Eh oui. Comme on le verra avec les 9 principaux biais cognitifs, nous sommes influencés dans nos choix sans nous en rendre compte.
De plus les décisions d’achat que nous faisons, ne passent la plupart du temps pas par la case « conscience », mais vont directement au cerveau limbique, dans la case « inconscience », autrement dans le lieu des décisions faites à notre propre insu ! Rappelez vous la Madeleine de Proust et le rôle puissant de l’émotion liée aux sens.
Choisir son pain avec son odorat © Estrada Anton
Le marketing ne prenait en compte que la pointe de l’iceberg qu’est l’homme. Aujourd’hui, on sait que c’est dans la partie immergée de la nature humaine que se joue une grande partie du processus de décision. Mais cette partie immergée est autrement plus complexe que la vision boite noire simpliste qu’on en avait il n’y a encore pas si longtemps.
À quoi les marques peuvent se raccrocher pour convaincre un consommateur ?
Alors si le consommateur ne réagit plus de manière prévisible ni rationnelle, sur quoi s’appuyer pour proposer un marketing ou des publicités efficaces qui aient les résultats escomptés ? C’est à ce stade qu’interviennent deux notions :
1 – la formule de Bayes qui va servir pour modéliser la cognition : nous y reviendrons dans un article dédié à cette formule magique que la science moderne redécouvre.
2 – les neurosciences qui permettent de sonder le fonctionnement (irrationnel) du cerveau
Dans les deux cas, on cherche toujours à cerner la logique parfois floue dans laquelle évolue le consommateur quand il fait ses choix.
Article actualisé et republié
Illustration bannière : Illustration bannière : Peut-on expliquer de manière rationnelle le comportement du consommateur ? © Pictrider