Dans le cadre des techniques secrètes pour faire craquer le consommateur, une affirmation remet en cause une grande partie de l’enseignement en économie et en marketing tel qu’il est encore largement pratiqué (et appliqué) de nos jours.
Un consommateur soumis à des normes et à une inertie sociales
Pas grave, rétorquent certains économistes, qui expliquent que puisque l’homo oeconomicus n’est pas rationnel, c’est parce qu’il est avant tout un homo sociologicus, soumis dans ses choix à des critères sociologiques et sociaux qui guident ses choix(1). Le respect des normes, sociales notamment, pèserait sur nos choix comme un déterminisme.
Pendant des années, la bataille va faire rage entre deux camps : celui issu du monde économique et celui issu du monde de la sociologie qui prend en compte l’homme sous un angle plus large.
Une des lignes de clivage les plus tenaces à l’intérieur du domaine des sciences sociales est celle qui oppose deux formes de pensée que l’on associe respectivement aux noms d’Adam Smith et d’Émile Durkheim : c’est l’opposition entre Homo oeconomicus et Homo sociologicus »
explique Ion Olster
Le poids incontournable des émotions dans la consommation
Deux économistes (Deppe et al. 20054) ont montré que le consommateur a tendance à mobiliser des perceptions et des idées personnelles quand ils sont dans la phase de décision d’achat. Tout un courant de pensée (issu de la réflexion sur la rationalité située) s’appuie sur les apports de la psychologie.
On a commencé d’accorder de plus en plus d’attention aux hypothèses d’un consommateur qui n’est pas parfaitement capable d’émettre des jugements rationnels. La rationalité (du consommateur) devient un nouvel objet d’étude au sein de la démarche scientifique (par exemple de l’économiste Simon).
Marketing olfactif : quand les enseignes nous mènent par le bout du nez
Les théories cognitives des émotions réfutent l’homo oeconomicus
On voit apparaître des théories somatico-cognitives des émotions (inspirée de d’Antonio Damasio) qui considèrent que les émotions sont constituées de jugements ou de croyances axiologiques, et qui donne aux émotions un grand rôle dans l’explication du processus d’achat.
Des théories plus ou moins complexes (les marqueurs somatiques, etc.) nous expliquent que, pour faire simple, nous ne sommes que des animaux biologiques soumis à leurs émotions.
Quelle est la motivation d’un consommateur pour acheter un produit © Nestor Rizhniak
L’avoir oublié est la grande faiblesse de tout un pan du marketing moderne représenté par le fameux Kotler et Dubois, un manuel de marketing que des générations d’étudiants ont utilisé et utilisent encore dans le monde entier.
Pourtant, ce manuel, icône de l’édition universitaire, fait quasiment l’impasse sur tout ce que la science nous a appris et considère toujours le consommateur comme un être rationnel faisant des choix explicites et prévisibles !
Toute décision implique des émotions et … des processus physiologiques
À partir de là, on commence à s’intéresser à nos représentations mentales, comprises comme des images au sens large, c’est-à-dire impliquant les cinq sens.
Ces images peuvent tout autant être directement perceptives qu’imaginaires, seraient naturellement associées des manifestations affectives, nos émotions donc. Ces émotions, en tant que telles, sont soit positives soit négatives, c’est-à-dire soit agréables soit désagréables, comme le sont respectivement la joie et la peur, et cette bipolarité est ainsi directement corrélée au contenu de nos représentations.
Le marketing émotionnel pratiqué par la marque à la pomme © Hadrian
On comprend alors que l’émotion est vecteurs de rationalité pratique : autrement dit, ce sont les émotions qui sont sur quoi s’appuient nos décisions (d’achat). Des chercheurs ont mis en évidence le rôle profond de l’empathie.
Cela fait suite à la découverte des neurones miroirs « qui s’activent lorsqu’on fait un geste particulier, lorsqu’on imagine le faire ou encore lorsqu’on le voit s’accomplir chez autrui (même de façon statique sur une photo) », et qui seraient le support de l’empathie et de l’apprentissage par imitation. Ils en tirent la leçon que toute « présentation produit » doit se faire en situation avec un utilisateur actif, pour que les neurones miroirs du regardant soient activés « comme si » le geste était réalisé. Cette « empathie » motrice serait plus persuasive que la vision simple du produit.
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