Béa Johnson combat les stéréotypes par son style de vie. Apprêtée, maquillée, occupée, elle ressemble à bon nombre de ses contemporaines et on n’imagine pas forcément qu’elle s’est lancé un défi de taille : parvenir au Zéro Déchet. Cela fait déjà pourtant six ans que la Française expatriée en Californie associe une vie confortable et la lutte contre l’hyperconsommation.
En parallèle, la ville de Roubaix s’est lancé le défi Zéro Déchet et a choisi d’inviter Béa Johnson pour une conférence autour de ces problématiques très concrètes. L’occasion de la rencontrer et lui poser quelques questions.
Béa Johnson : un bocal de déchets par an, pour une famille de 4 personnes
Béa Johnson est originaire d’Avignon, ce qu’une pointe d’accent trahit encore, mais cela fait plus de dix ans qu’elle vit aux Etats-Unis, non loin de San Francisco : « je n’ai jamais imaginé être une pionnière, moi la petite baby-sitter française aux Etats-Unis ».
Se lancer dans une opération de ce type amène un deuxième paradoxe : « il est amusant de constater qu’au départ, le zéro déchet était une pratique industrielle que j’ai reprise pour la vie domestique, dans le pays du monde qui émet les déchets les plus importants ».
Même dans un état où les actions écologiques sont plus poussées que dans d’autres, « il a fallu lutter contre l’idée que c’était réservé aux hippies, aux gens un peu allumés. En fait, on peut parler d’action ‘futuristique’ ».
Est-ce facile de faire passer le message partout, spécifiquement aux Etats-Unis ?
La communication a payé car « aujourd’hui, ce mode de vie inspire des milliers de personnes dans le monde entier ». Béa précise : « en particulier le vrac, initié sur mon blog Zéro Déchet. Il y a des gens qui ouvrent des boutiques tous les jours, dans des pays différents. Rien qu’aujourd’hui, il y en a 5 : en Australie, à Montréal, à Nantes, à Berlin et en Belgique. Mon livre est traduit en français, dans plusieurs langues – même en coréen ! ».
Le pays où le message passe mieux, c’est la France. Ici, on n’a pas peur de s’adapter à une vie plus simple. Aux Etats-Unis, on a peur : c’est contraire à la société de consommation prônée là-bas. Nos amis ont quand même adhéré à cette vie simplifiée qui passe par le désencombrement et le minimalisme.
Béa Johnson
Quelles sont les plus grandes difficultés rencontrées pour mettre en place le Zéro Déchet ?
« Parmi les 5 règles importantes pour le Zéro Déchet [ndlr : évoquées dans notre première interview avec Béa Johnson], la plus difficile à mettre en oeuvre, c’est de trouver du vrac pour les liquides », explique Béa Johnson. « Le beurre en vrac, lui, ne se trouve qu’en France, comme les oeufs. Les petits producteurs français, proches des gens sur les terroirs sont aussi une exception française qui permet de pratiquer le vrac. »
Comment fait-on le ménage sans déchet ?
« Je n’achète plus de produits d’entretien, ni de lessive, ni de shampoing et autres produits nettoyants. Je les fais moi-même. Le nettoyage est au vinaigre blanc ; la vaisselle au savon de Marseille : pas facile de le trouver en vrac lui non plus ! »
Côté cosmétique, vous êtes maquillée…
Je fais aussi mon maquillage, avec des produits à base d’aliments : amandes, huiles végétales, miel, beurre de coco… Pour le mascara, j’utilise du
noir d’amandes brûlées, du miel, du
beurre de coco et autres ingrédients. J’ai mis 3 ans à faire la recette mais depuis je n’ai plus de conjonctivite
Béa Johnson
Béa Johnson sort une petite boîte de son sac à main et l’ouvre : il s’agit d’une pâte compacte et un peu brillante. Elle commente : « mon gloss est multifonctionnel : il sert pour mes ongles et mes lèvres« .
« Pour nous laver, il n’y a qu’un produit qui sert aussi bien pour le corps que les cheveux, le visage ou même le rasage. Un produit pour quatre actions. Là encore la France est privilégiée car ici on trouve facilement le savon d’Alep. »
Après plusieurs années, quels sont les avantages les plus évidents ?
« L’efficacité, c’est l’économie de temps et d’argent. Mes enfants ont maintenant 13 et 15 ans, et pour eux le zéro déchet est naturel ». Elle précise aussi : « La cuisine est désencombrée : je n’ai plus 36 livres de cuisine parce que j’ai découpé les recettes que j’utilisais et je les ai scannées ».
Pour l’alimentation, d’ailleurs, ce n’est pas trop compliqué à mettre en place ?
« Pour l’alimentation, c’est du vrac et de l’organisation. » Béa Johnson précise qu’elle a réussi à trouver des commerçants qui pratiquent le système de vrac, et elle peut y aller avec ses sacs en tissu qui seront pesés. « Chaque jour correspond à une famille d’aliments : lundi, les pâtes ; mardi, les grains ; mercredi, les légumes secs ; jeudi, les farines ; vendredi je fais les courses et je cuisine le poisson. Samedi : on sort chez les copains et le dimanche on mange de la viande ».
Elle élimine d’emblée des déchets en n’achetant que ce qui est nécessaire : « je prends tout en bocaux dans les magasins et je me simplifie la vie en ne prenant jamais plus que ce dont j’ai besoin pour la semaine. Je n’ai donc pas de choix ».
Comment se fait la gestion du temps ? Et avec tout cela, vous travaillez ?
« En fait, j’ai un mode de vie simplifié, pas compliqué. C’est une économie de temps et 40 % d’économie d’argent. J’achète juste ce qu’il faut, en remplacement de ce qui est nécessaire seulement. »
« Faire du shopping est aussi très long. Pour les vêtements, c’est l’alternative réutilisable, comme pour tous les autres tissus. J’ai fait une école de mode donc j’achète des vêtements déjà utilisés que je customise ou refais à mon goût. La seule exception dans les achats est le papier toilette ».
« Tout ça ne me prend pas trop de temps. Je travaille à plein temps. Mais ma vie est plus riche de mémoires et de souvenirs, bien plus importants que les biens matériels ».