Tentacules invisibles, piqûres bien réelles : la physalie sème la terreur sur les plages
Plusieurs plages ont été fermées à la baignade sur la côte atlantique française en cette fin de juillet en raison de la prolifération d’un animal méconnu du grand public : la physalie.

Son surnom, « galère portugaise », aurait pu prêter à sourire si ses tentacules n’occasionnaient pas des brûlures, des fermetures administratives et une batterie de recommandations sanitaires. Derrière le mythe flottant, une réalité piquante que les vacanciers feraient bien de prendre au sérieux.
Une bombe biologique dérivante : le vrai visage de la physalie
Qu’on se le dise : la physalie n’est pas une méduse. Elle n’en a ni la biologie, ni le mode de fonctionnement. Comme l’explique sur son site Internet la NOAA américaine (National Oceanic and Atmospheric Administration), il s’agit d’un siphonophore, une colonie d’individus clonés spécialisés, appelés zooïdes, qui coopèrent comme un organisme unique. L’un flotte, l’autre chasse, un troisième digère : l’horlogerie marine dans toute sa cruauté.
Sa flotte ? Une vessie translucide, gonflée de gaz, qui dépasse de quelques centimètres la surface de l’eau. Ses armes ? Des filaments pouvant atteindre jusqu’à 30 mètres de long, hérissés de cellules urticantes contenant du venin neurotoxique. L’effet ? Une paralysie immédiate sur les proies marines et une douleur intense sur les baigneurs, parfois suivie de vertiges, vomissements, voire perte de connaissance.
Une prolifération dictée par le vent… et par notre indifférence
Contrairement aux espèces mobiles, la physalie ne nage pas. Elle se laisse porter par les vents et les courants. C’est cette passivité qui la rend si imprévisible. Un coup de vent de sud-ouest suffit pour en amener des centaines vers les côtes basques ou landaises.
Le problème, c’est que ces épisodes ne sont plus isolés. La température des eaux en hausse et la modification des courants favorisent sa dérive jusqu’aux zones balnéaires européennes. On observe d’ailleurs un déplacement croissant de l’espèce vers les latitudes tempérées. Une tendance appelée à durer… et que les autorités commencent seulement à intégrer dans leurs protocoles.
Des plages fermées, des soins d’urgence… et un public mal préparé
Face aux arrivées de physalies, les municipalités n’ont qu’un réflexe : fermer les plages. Le 25 juillet 2025, cinq plages du Pays basque ont ainsi été interdites au public. Dans les Landes, le préfet a lancé une alerte préventive. À chaque fois, la même logique : protéger les vacanciers d’un contact qui peut virer au drame.
Mais le vrai souci est ailleurs : le manque d’information. Malgré les communiqués des ARS et les rappels du CHU de Bordeaux, les gestes de premiers secours sont peu connus. Faut-il rincer à l’eau douce ? Non. Frotter avec du sable ? Parfois. Retirer les filaments à la main ? Jamais. Et surtout : ne jamais penser qu’une physalie échouée est inoffensive, car son venin reste actif des jours après sa mort.
La physalie, reflet de notre déni écologique
Dans son rapport « PhysaTox », Santé publique France insiste : les cas graves existent, même s’ils sont rares. Entre 2012 et 2017, plus de 200 hospitalisations pour envenimations sévères liées à des cnidaires (dont les physalies) ont été recensées sur les littoraux français. Et en 2011, un pic de 900 piqûres avait été enregistré sur les côtes de Gironde.
Et pourtant, en 2025, rien n’a changé : aucune campagne nationale d’information, peu de signalétique sur les plages, des maîtres-nageurs souvent seuls face à l’ignorance générale. Sous ses airs translucides, la physalie est le symptôme parfait de notre impréparation. Elle n’est ni nouvelle, ni inconnue, ni exceptionnelle. Elle est le résultat logique d’un climat en mutation, d’une surveillance balbutiante et d’une culture balnéaire qui se croit à l’abri derrière un drapeau vert. Il serait peut-être temps de regarder la mer autrement. Parce qu’elle n’est pas un décor. Et que dans ses reflets bleus, se cache parfois une brûlure longue comme un été.
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