Pollution de l’air : et si l’Alzheimer commençait dans vos poumons ?
On croyait la pollution atmosphérique cantonnée aux maladies respiratoires et aux alertes sur fond de canicule. Mais elle ronge aussi, silencieusement, ce que nous avons de plus précieux : notre cerveau.

La pollution atmosphérique, cette menace invisible, creuse déjà notre mémoire avant de ronger nos artères. En l’état, les projections sont accablantes : 153 millions de cas de démence d’ici 2050.
La pollution atmosphérique, un poison lent pour le cerveau
Dans une étude publiée le 24 juillet 2025 dans The Lancet Planetary Health, une équipe de chercheurs de l’Université de Cambridge tire une conclusion sans détour : l’exposition prolongée à la pollution atmosphérique augmente significativement le risque de développer une démence. Oui, l’air pollué rend peut-être fou. Pas symboliquement. Littéralement. Pas une hypothèse, pas une corrélation vague. Les auteurs s’appuient sur une méta-analyse de 51 études, portant sur plus de 29 millions de personnes. Des chiffres qui forcent le respect. Et l’inquiétude.
Les résultats sont implacables. Pour chaque augmentation de 10 microgrammes par mètre cube de particules fines (PM2.5) dans l’air, le risque de démence grimpe de 17 %. La suie, elle, fait bondir ce risque de 13 % pour chaque microgramme. Le dioxyde d’azote, gaz typique des pots d’échappement, ajoute encore 3 % au compteur. Derrière ces chiffres, une réalité que résume froidement le Dr Haneen Khreis, autrice principale de l’étude : « Notre travail fournit des preuves supplémentaires selon lesquelles l’exposition prolongée à la pollution extérieure constitue un facteur de risque de démence chez les adultes auparavant en bonne santé ».
Inflammation cérébrale, stress oxydatif : le duo toxique
Ce n’est pas un hasard si la pollution est aussi nocive pour notre cerveau. Les mécanismes sont désormais mieux compris. Une fois inhalées, les particules ultrafines pénètrent dans les poumons, traversent la barrière sanguine, atteignent les organes solides, puis… le cerveau. Elles y déclenchent une cascade d’inflammations et de stress oxydatif. Résultat : des neurones endommagés, des plaques amyloïdes qui s’accumulent, et la porte ouverte aux démences, Alzheimer en tête. Le professeur Christiaan Bredell, co-auteur de cette étude, enfonce le clou : « Prévenir la démence n’est pas seulement une affaire médicale. L’urbanisme, la règlementation environnementale, les choix de transports sont tout autant concernés ».
Attention aux raccourcis néanmoins. La pollution de l’air n’est pas l’unique coupable. Le vieillissement, les facteurs génétiques, les maladies cardio-métaboliques, l’isolement social ou encore l’alimentation jouent un rôle bien plus lourd. Mais ce facteur environnemental, modifiable et largement ignoré jusqu’ici, pourrait bien être la clé d’une politique de prévention plus ambitieuse. La docteure Isolde Radford, d’Alzheimer’s Research UK, l’affirme sans détour : « Si personne n’était exposé à la pollution, trois cas de démence sur cent pourraient être évités ». Cela semble peu ? Rapporté aux 57 millions de cas actuels, c’est un million et demi de vies qui changeraient de trajectoire.
De Londres à Pékin : qui respire le plus de démence ?
Les auteurs de l’étude le soulignent avec une pointe d’amertume. Leurs données viennent en majorité de pays riches. Pourtant, ce sont les populations les plus marginalisées — urbaines, pauvres, surreprésentées dans les zones les plus polluées — qui paient le plus lourd tribut. Dans certaines mégapoles asiatiques ou africaines, les taux de PM2.5 dépassent allègrement les 50 µg/m³. Soit cinq fois plus que les seuils d’exposition étudiés. Et pourtant, ces populations sont encore sous-représentées dans la recherche. Ce n’est pas qu’un biais méthodologique. C’est un scandale sanitaire à venir.
Le lien est désormais scientifiquement établi. Mais la réaction politique, elle, reste timorée. Haneen Khreis appelle de ses voeux un « changement systémique », un sursaut comparable à la lutte contre le tabagisme ou les maladies cardiovasculaires. Des transports propres, une énergie décarbonée, des normes plus strictes : l’arsenal est connu. Ce qui manque ? La volonté.
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