À quoi sert d’être écolo toute sa vie si on se met à polluer la Planète après sa mort ? Car c’est une chose aussi inévitable que la mort en soi : que l’on choisisse l’inhumation ou la crémation, notre mort aura forcément un impact sur l’environnement. Toutefois, des alternatives existent pour allier mort et écologie.
L’explosion démographique, la raréfaction des terrains et l’obligation de se débarrasser de plus en plus de corps a un impact sur l’environnement. Outre le cimetière bio et l’enterrement écologique, certain·e·s envisagent de nouvelles techniques comme l’humusation.
Inhumation ou crémation, deux procédés polluants
Au moment du décès, seuls deux choix s’offrent à nous : la crémation et l’inhumation. Si on passe outre les motivations économiques, religieuses ou les valeurs personnelles, et que l’on ne s’attache qu’à la dimension environnementale, quel procédé est avantageux car moins nocif pour la planète ?
La crémation, un procédé énergivore
Les Français sont de plus en plus nombreux à faire le choix de la crémation. Elle concerne aujourd’hui un tiers des décès, et est en constante augmentation.
La crémation ne consiste par à placer un corps dans les flammes. C’est un procédé par lequel on soumet la dépouille à une température très élevée de 850°C. À cette température, le corps finit par se réduire en cendres.
Comme on peut s’en douter, ce procédé fait intervenir beaucoup de ressources : la crémation nécessite l’utilisation de 27 litres d’essence pour une durée moyenne d’1h30.
A l’heure actuelle, on doit choisir entre l’enterrement écologique et l’incinération. – © Ashley Whitworth
Les émissions de CO2 ne sont pas le seul problème environnemental : pendant qu’il est brûlé, le corps qui a été rempli de produits formolés dégage des dioxines. Parallèlement, il peut aussi dégager jusqu’à 6 g de mercure essentiellement dus à la présence de plombages dentaires.
À cela, il faut ajouter le recours à la ressource bois : en effet, même si le corps n’est pas inhumé, il doit tout de même être placé dans un cercueil.
L’inhumation et rejet de polluants
Si aujourd’hui on compte près de 600.000 décès par an, en 2020, la France devrait comptabiliser 800.000 morts par an et autant de cercueils.
Comme on considère qu’il faut en moyenne, 1m3 de bois pour construire six cercueils, on arrive à 100.000 stères de bois, qui sont, soit enterrées, soit consumées chaque année en France… De quoi raser toute une forêt.
Tous les cimetières ne sont pas dans une forêt ; ici l’ancien cimetière de Highgate à Londres. Copyright : © Gary Perkin
Le recours au bois n’est pas le seul problème. Après la mort, les pompes funèbres procèdent à la thanatopraxie – ou formolisation – afin de conserver le corps avant la mise en bière. Il s’agit d’injecter dans la dépouille jusqu’à 10 litres d’un produit aseptique et stérilisant contenant en grande partie du formaldéhyde, mais aussi du méthanol, du glycol, du phynol et de l’éosine pour ralentir le processus de décomposition. Des composés qui, lors de la décomposition du corps, s’infiltrent dans la terre et polluent immanquablement le sol et les eaux.
Ainsi, malgré ses inconvénients, la crémation est considérée comme plus écologique que l’inhumation
Selon une étude australienne, son bilan carbone serait meilleur que celui de l’inhumation. Bien que la crémation rejette bien plus de CO2 dans l’atmosphère – 160 kg contre 39 kg pour l’inhumation – les cimetières ont un impact beaucoup plus pesant sur l’environnement à cause des stèles, de l’utilisation de pesticides et d’eau pour l’entretien du terrain, etc. En prenant tous ces paramètres en compte, les inhumations sont responsables de 10 % d’émissions en plus.
L’humusation, un procédé de compost humain à légiférer
L’humusation ou recomposition transforme le corps mort en compost humain, en utilisant des micro-organismes. On utilise pour cela « un compost composé de broyats de bois d’élagage, qui transforme, en douze mois, les dépouilles mortelles en humus sain et fertile »(1).
Le corps est placé sur un lit de copeaux de bois ou de sciure dans un lieu ventilé et arrosé d’une solution aqueuse sucrée pour que se produite la fermentation, base du compostage. La température du corps monte à 60°C : les bactéries du corps libèrent des enzymes qui désagrègent les tissus, ce qui fait que le corps s’enfonce dans les copeaux de bois sur lesquels ils repose. Après 4 à 6 semaines passée dans le bassin de recomposition, on obtient un produit similaire à du terreau… Les os aussi peuvent être décomposés de la sorte mais le processus sera beaucoup plus long. Le rendement est évalué à 1,5 m³ de « super-compost ».
Certaines personnes aimeraient voir l’humusation s’implanter en France et en Belgique. – © Travel man
L’humusation, encore interdite en France
L’État de Washington, aux États-Unis, a confirmé via la signature du gouverneur, l’entrée en vigueur du compost humain(2). En France, le ministère de l’Intérieur a communiqué sur le sujet pour rappeler que :
L’humusation […] est actuellement interdite. Son introduction en droit interne soulèverait des questions importantes, tenant notamment à l’absence de statut juridique des particules issues de cette technique et de sa compatibilité avec l’article 16-1-1 du code civil.
Ministère de l'Intérieur français
Des expérimentations en Belgique
Francis Busigny, président de l’association Métamorphose pour mourir, se bat depuis des années pour la légalisation de la pratique. Le Code de la Démocratie locale en Wallonie ne comportait dans sa version de 2009 que deux pratiques funéraires. Depuis 2014, cette situation a changé, ouvrant la possibilité de méthodes différentes. Le décret du 23 Janvier 2014, entré en vigueur le 21 Février 2014, stipule que les pratiques funéraires autorisées « sont l’inhumation, la crémation, … ». Les défenseurs de l’humusation espèrent remplacer ces points de suspension par la mention d’une nouvelle méthode.
Une première avancée a eu lieu via la législation funéraire de la Région Bruxelles Capitale depuis le 9 Novembre 2018, dans laquelle l’humusation figure. Néanmoins il faut encore que des arrêtés d’applications soient adoptés. Une première pétition avait recueilli 27 000 signatures comme le précisait La Libre Belgique en 2018. Une nouvelle pétition francophone lancée par la même association vise les décideurs belges et français. Les communes belges en débattent actuellement. Le groupe Écolo du conseil communal de Mons a ainsi déposé en janvier 2018 une motion visant à faire reconnaître l’humusation comme mode légal de sépulture. Le Conseil communal de Liège a, lui, déjà approuvé à l’unanimité une motion équivalente. L’université catholique de Louvain a annoncé procéder à des tests dont les résultats seront connus en 2020.
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Illustration bannière. Un enterrement écologique est-il possible ? Entre cimetière bio et humusation. Copyright : © Dan Bridge