Madagascar : pollution et pauvreté, un cas d’espèce

Rédigé par Paul Boucher, le 15 Jul 2015, à 23 h 17 min
Madagascar : pollution et pauvreté, un cas d’espèce
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S’il y a un pays sur cette planète qui illustre le lien entre pauvreté et pollution, lien clairement établi par le Pape François dans son encyclique sur l’écologie, «Laudato si» («Loué sois-tu»)(6), c’est bien Madagascar.

Madagascar : de l’île paradisiaque à l’enfer

Dans Le Devisement du monde écrit par Marco Polo vers 1298, celui-ci décrit l’incroyable biodiversité de « L’Île Rouge », qu’il s’est fait raconter par des marins arabes. Dans les profondeurs de la forêt primaire, ceux-ci ont découvert un « sanctuaire de la nature ». Là où les saisons rythmées par des pics hygrométriques succèdent à la sécheresse, où l’euphorbe voisine avec l’arbre du voyageur, ils ont trouvé une terre d’exception, véritable Eden écologique.

Du fait de sa situation isolée au milieu de l’Océan Indien durant un peu plus de 100 millions d’années, Madagascar abrite en effet plus de 10.000 espèces de plantes, dont la grande majorité est inconnue ailleurs. La variété des biotopes (du grec ancien, bio, vie, et topos, lieu, désignant un type de lieu de vie défini par des caractéristiques physiques et chimiques relativement uniformes) et des climats, des plus arides à celui de la forêt de nuages, saturée en humidité, explique en partie la variété des espèces.

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Pas moins de douze familles entières de plantes ne sont connues que dans l’île. On y trouve plus de mille espèces d’orchidées et 490 genres autochtones d’arbres et de grands arbustes dont 161 sont endémiques de Madagascar et des îles de l’Archipel des Comores.

Plusieurs espèces n’ont pas encore été décrites mais avec la dégradation de l’environnement, elles courent le risque de disparaitre à jamais avant d’être identifiées. Parmi les espèces de plantes les plus frappantes à Madagascar on trouve les orchidées, les baobabs, les palmes et les plantes succulentes.

Il existe six espèces de baobabs endémiques de Madagascar sur huit pour l’ensemble de la planète

Hélas, des siècles de déforestation ont détruit une grande partie de la forêt pluviale qui recouvrait l’île. Les estimations de la perte de couverture les plus fréquentes tournent autour de 90 % de la couverture d’origine. Ceci dit, les études scientifiques sérieuses(4) nous obligent à nuancer ce propos. Premièrement, il est très difficile de mesurer la couverture forestière, surtout à Madagascar, vu la diversité des terrains et les divergences d’opinion sur ce qui constitue une « forêt » (résineux, mangroves, épineux, forêt primaire, etc.).

Deuxièmement, on ne connait pas vraiment l’état originel de la forêt à Madagascar(12). Malgré ces questions techniques, il est certain que la forêt primaire disparaît à une vitesse inquiétante. Certains biologistes considèrent que c’est la pire catastrophe écologique de notre temps.

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Baobab de Madagascar © Shutterstock

Le principal coupable ? Le tavi, ou culture sur brûlis, un véritable fléau à Madagascar. La forêt primaire est coupé pour cultiver le riz, mais au bout de quelques années, le sol perd de sa fertilité et est abandonné. Malheureusement, après plusieurs cycles de brûlis-culture, le sol est tellement appauvri que les arbres ne peuvent plus y pousser et la savane s’installe. L’érosion devient très importante et des millions de mètres cubes de terre fertile sont emportés tous les ans.

Pourquoi brûle-t-on la forêt ?

C’est là qu’intervient la pauvreté. Dans le sud et le sud-ouest de la Grande Île, la déforestation est à imputer, en grande partie, au développement de la culture du maïs sur abattis-brûlis, appelée localement « hatsake ». Cette pratique se développe rapidement aux dépens de la forêt sous l’effet de plusieurs facteurs : la pression démographique (la population est passée de 5 millions à plus de 20 millions depuis 1960), une saturation foncière des terres les plus fertiles consacrées aux cultures intensives, le relâchement du contrôle par l’État des défrichements forestiers.

D’autres sources importantes de déforestation sont l’exportation de bois exotiques (bois de rose, ébène, etc.) et la production de charbon de bois par les habitants les plus pauvres.

Que fait le gouvernement ?

Il ne faut pas penser que rien n’a été fait pour arrêter ce désastre. Depuis des années, le gouvernement de Madagascar, diverses ONG, ainsi que l’ONU, ont dépensé des sommes importantes et mis en place nombre de programmes de lutte contre la déforestation. Des zones de forêt protégées ont été créées, des arbres sont replantés.

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Forêt de Madagascar © Shutterstock

Le programme holistique de conservation des forêts à Madagascar (ou PHCF), qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre résultant de la déforestation et de la dégradation des forêts, a été mis en place en partenariat avec la Fondation française Good Planet, soutenue financièrement par Air France et mené sur le terrain par le WWF. Ce programme couvre une très large zone de plus de 500.000 hectares de forêts de grande valeur pour la conservation (environ 380.000 hectares de forêt tropicale humide et 125.000 hectares de forêt sèche épineuse).

Comment changer durablement la situation ?

Mais les pressions économiques sont telles qu’il est extrêmement difficile de changer durablement le comportement des habitants. Les plus pauvres n’ont pas d’autre moyen de subsistance que, par exemple, aller dans la forêt, couper des arbres, faire du charbon de bois et le vendre, puisque presque tout le monde fait sa cuisine avec ce matériau.

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La ville d’Antananarivo à Madagascar © Shutterstock

Leur interdire cette activité signifierait les condamner à ne plus pouvoir manger à leur faim. Le manque d’information sur des alternatives empêche souvent l’évolution des pratiques agricoles et le manque de terres fertiles pousse les fermiers pauvres à défricher toujours plus. Ici comme ailleurs, parvenir à de bonnes pratiques écologiques oblige à réfléchir aux conditions économiques qui poussent les plus démunis à détruire leur propre environnement pour survivre.

 

Références :
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Professeur d’université à la retraite, Paul aime observer le monde moderne et ses évolutions. Il s’intéresse tout particulièrement à l’économie...

2 commentaires Donnez votre avis
  1. La rédaction montre que la richesse en biodiversité est inversement proportionnelle à la situation économique. Quand à la pollution, je ne vois pas en rapport avec le titre… car j’aurai bien aimé voir le rapport entre pauvreté et pollution!

    • Çà dépend comment on définit pollution. La perte de la couverture forestière, l’érosion, l’appauvrissement des sols, peuvent être considérés comme des atteintes très fortes à l’équilibre naturelle. Puis, la production et l’utilisation du charbon de bois ajoutent de façon significative au niveau de CO2 dans l’atmosphère. Pour moi tout ça c’est de la pollution, bien que, vous avez raison, ce n’est pas une pollution aussi directe et immédiate que de verser du pétrole dans un ruisseau. Mais le résultat est le même, non?

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