consoGlobe – Donc, ce dont vous accusez Monsanto, c’est de diffuser de la propagande ?
MC – Oui, ils ont vraiment commencé à adopter un niveau de propagande très virulent et basé sur l’absence de données. « Nourrir la planète » ? Mais il y a 40 % de nourriture qui est gaspillée. Si on fait face au gaspillage alimentaire, on a résolu le problème ! Avec la production actuelle de céréales, on peut nourrir 4 milliards de personnes, si on ne le donnait pas aux animaux.
A Greenpeace, on ne dit pas qu’il faut être forcément végétarien. Moi je mange de la viande bio. Une fois chaque 10 jours. Mes enfants aussi. Je dépense moins d’argent et suis en meilleure santé que celui qui mange de la viande tous les jours. Il ne s’agit donc pas de dire qu’il faut alimenter 4 milliards de personnes avec les céréales.
A Greenpeace, on ne dit pas qu’il faut être forcément végétarien. Moi je mange de la viande bio.
Mais dire qu’il faut produire un tiers de céréales de plus pour nourrir les animaux, c’est fou. Les impacts environnementaux sont très importants : voyez aux Etats-Unis ou au Brésil avec les fermes industrielles de 10 à 12, voire 15 milles animaux au même endroit, qui produisent de l’ammoniaque, du méthane. Et malgré ça, les agriculteurs gagnent 2 à 3 cents par litre de lait, c’est aussi un problème social. Et les consommateurs paient au final quand même la viande cher, avec des impacts sur leur santé, c’est clairement documenté, les coûts médicaux sont importants.
Il y a tellement de sujets qu’il faudrait aborder de manière sérieuse, avec des impacts énormes sur la manière de produire et de consommer la nourriture. Et nous à la fin on parle d’une petite quantité de technologies qui sont très favorables pour ceux qui les produisent, c’est-à-dire 5 à 6 entreprises dans le monde. Et qui produisent quoi ? Les 5 premières années, les agriculteurs vont effectivement voir leur vie simplifiée. Mais après ? Les plantes développent une résistance aux herbicides. Même les producteurs d’OGMs le reconnaissent.
Aujourd’hui l’idéologie est du côté de l’industrie agrochimique. Je le constate clairement chez Monsanto et les associations qui les représentent : Europabio, European Seed Association, European Crop Protection Association, CEFIC [NLDR – fédération européenne des industries chimiques], BusinessEurope [NLDR – le MEDEF européen], European Crop Care Association (fédération des producteurs de pesticides). Tous ces lobbies ont leurs propres représentants à Bruxelles, Monsanto a donc 10, 15 associations européennes qui les représentent. C’est très vaste. Et après ils ont leurs agences de relations publiques, type Burson Marsteller. Ensuite viennent les bloggers « scientifiques », comme Mark Lynas, qui, sans pudeur, se prétend « journaliste indépendant », alors qu’il est maintenant payé par la Cornell University.
Aujourd’hui l’idéologie est du côté de l’industrie agrochimique… Parmi les grandes compagnies, c’est clairement Monsanto qui utilise aujourd’hui les mots les plus rudes, les plus forts, en utilisant une technique de communication plus souple, plus « verte ».
Parmi les grandes compagnies, c’est clairement Monsanto qui utilise aujourd’hui les mots les plus rudes, les plus forts, en utilisant une technique de communication plus souple, plus « verte ». Ils parlent d’écologie, de sauver les abeilles, alors que 79 % de ce qu’ils gagnent vient des pesticides ! Les entreprises du secteurs sont fortes en la matière. Je parlais à un vendeur de vin près de Turin récemment qui me disait : « je suis aidé par une compagnie qui fait du bio, Syngenta ». C’est fou, c’est le premier producteur de pesticides au monde, et ils ont réussi à se faire passer pour bio !
consoGlobe – Monsanto fait valoir que les agriculteurs – aux Etats-Unis, au Canada… – qui utilisent leurs semences sont très satisfaits et reviennent d’eux-mêmes les acheter. Si les plantes adventices développent une résistance aux herbicides, pourquoi les agriculteurs continueraient-ils d’utiliser les semences OGMs si cela ne leur apportait effectivement pas des bénéfices ?
MC – Quand on parle d’OGM, on parle de quoi ? On parle de plantes qui résistent aux herbicides, ce sont les deux tiers des semences, et de plantes qui produisent leurs propres toxines, c’est l’autre tiers des ventes. En gros, c’est ça, après 20 années de recherche et développement. Il y a d’autres plantes produites avec d’autres technologies, qui résistent à la salinisation des sols, aux inondations, mais on n’en parle pas. Le succès des OGMs vient de son adéquation avec un système d’agriculture industrielle.
Qui produit les OGMs ? Les Etats-Unis, le Canada, le Brésil, l’Argentine. C’est une production de type industriel. La moyenne des surfaces cultivées aux Etats-Unis est de 180 hectares par exploitation, en Argentine encore plus. En Europe la moyenne est de 12 hectares. Dans les pays en voie de développement, c’est 1 ou 2 hectares.
Si vous êtes un « agro-businessman » avec 100 ou 200 hectares, vous pouvez jouer sur les économies d’échelle. Donc là vous pouvez acheter des semences plus chères, avec un package semences, plus herbicides, plus machines plus chères, et vous arriverez à la fin de l’année à dégager une petite marge supplémentaire. Mais si vous ne voulez pas une monoculture industrielle, il faut changer de système. Il faut essayer de changer l’agriculture.Il y a des limites dans l’approvisionnement des engrais chimiques et dans la quantité qu’un sol peut accepter.
Le Golfe du Mexique entier est mort d’eutrophisation à cause des engrais chimiques. Il n’y a presque plus de poissons, du fait que les rivières des cinq États qui bordent le Golfe du Mexique y déversent leurs eaux. Et en France, dans deux mois, vous allez voir, on va reparler des algues vertes en Bretagne ! Il faut changer de modèle d’agriculture.
Marco Contiero, Directeur des Politiques agricoles européennes pour Greenpeace. Il est l’auteur de plusieurs rapports et briefings sur les politiques agricoles. Il coordonne le travail de Greenpeace au niveau européen et apporte des conseils légaux et politiques sur les questions agricoles. Il détient un Master en droit environnemental européen de l’Université d’Amsterdam et un Master en droit du commerce international de l’université de Padoue. Avant de coordonner les campagnes agricoles, Marco Contiero a coordonné pendant deux ans le travail politique de Greenpeace sur l’adoption de la réglementation REACH relative aux produits chimiques. Précédemment, Marco a travaillé pour le Bureau Européen de l’Environnement en tant que conseiller légal, après avoir exercé le droit à Padoue.
Références :
- Sustainability and Innovation in staple crop production in the US Midwest, par J.A. Heinemann, M. Massaro, D.S. Coray, S.Z. Agapito-Tenfen et J.D. Wen, International Journal of Agricultural Sustainability (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Jack A. Heinemann, Melanie Massaro, Dorien S. Coray, Sarah Zanon Agapito-Tenfen & Jiajun Dale Wen (2013) : ‘Sustainability and innovation in staple crop production in the US Midwest’, International Journal of Agricultural Sustainability. (Cliquez sur cette source pour remonter)
- http://www.greenpeace.org/luxembourg/Global/luxembourg/report/2011/7/herbicide-tolerance-and-gm-cro.pdf (Cliquez sur cette source pour remonter)
- http://www.greenpeace.org/international/Global/international/publications/agriculture/2012/438-Benbrook-Report-Summary.pdf (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Jack A. Heinemann, Melanie Massaro, Dorien S. Coray, Sarah Zanon Agapito-Tenfen & Jiajun Dale Wen (2013) : 'Sustainability and innovation in staple crop production in the US Midwest', International Journal of Agricultural Sustainability. (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Jack A. Heinemann, Melanie Massaro, Dorien S. Coray, Sarah Zanon Agapito-Tenfen & Jiajun Dale Wen (2013) : ‘Sustainability and innovation in staple crop production in the US Midwest’, International Journal of Agricultural Sustainability. (Cliquez sur cette source pour remonter)