consoGlobe : Vous estimez donc que la réaction de Monsanto est idéologique plutôt que scientifique ?
MC : C’est l’émotion vs. la science. Au niveau scientifique il y a de nombreux trous dans notre connaissance, donc c’est inacceptable de dire « cette agence fait bien son travail parce qu’elle dit qu’il n’y a pas de problème » [NDLR : BfR, l’agence allemande de sécurité alimentaire], et l’autre « fait mal son travail parce qu’elle dit qu’il y a des problèmes ». En notant au passage que la BfR est l’agence du pays où il y a l’une des industries chimiques les plus puissantes du monde. C’est donc dur de dire que BfR est non biaisée et l’OMS est en faveur des ONGs. Nous on dit que si deux agences arrivent à deux conclusions différentes, le principe de précaution doit être appliqué et les études comparées. On ne parle pas de brûlures de peau, on est en train de parler d’un risque sérieux !
consoGlobe – Monsanto met en avant le besoin de nourrir la population mondiale, grandissante et ne voit pas la solution dans l’agro-écologie ou l’agriculture bio. Que leur répondez-vous ?
MC – Le système agricole industriel est basé sur les monocultures, qui peuvent survivre parce qu’on passe des herbicides plusieurs fois par an, qu’on ajoute des engrais, vu qu’on ne laboure pas le sol… C’est ce type d’agriculture qu’il faut changer. Pas en utilisant le vinaigre blanc à la place du glyphosate, ce n’est pas ce que nous suggérons. Il y a des centaines d’études qui démontrent ceci.
Par exemple, une étude a été conduite récemment en Iowa, au milieu de la corn belt, où l’on a testé quatre types de rotation des cultures entre maïs, soja, luzerne, avoine et trèfle, la technologie la plus simple qui soit(1). L’étude démontre qu’au niveau économique, une rotation intelligente ne coûtait pas plus chère. Au contraire, ils ont réduit l’utilisation des engrais de 20 % ; sur l’avoine et le trèfle ils n’ont pas utilisé d’herbicide ; les propriétés de l’eau étaient améliorées avec 80 % d’herbicides de moins.
On voit qu’on produit mieux et plus sans les OGMs que les Etats-Unis, où 97 % de ces plantations sont en OGMs.
On a plein d’études qui démontrent que si, sur le même champ on met plusieurs plantes, par exemple des plantes qui peuvent croître à différents moments entre les rangs de maïs, et qu’on laisse les bordures de champs en zones fleuries, la productivité augmente.
L’Université de Canterburry a étudié la productivité agricole de l’Europe de l’Ouest (UE12), du Canada et des Etats-Unis pour le maïs, le blé et le colza, en utilisant des données sur la productivité de ces trois plantes de la FAO [l’organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture], du ministère américain de l’agriculture et de la Commission européenne(2).
Ils ont mesuré l’augmentation de la productivité sur les 50 dernières années et ils ont trouvé que sur le maïs, les Etats-Unis ont augmenté la productivité le plus jusqu’aux années 80, puis celle-ci a augmenté plus en Europe, à partir du moment où les Etats-Unis ont introduit les OGMs. Sur le blé, la productivité européenne a toujours été plus forte, sans OGMs que les EU. Pareil pour le colza, on a plus augmenté qu’au Canada. Donc quand Monsanto dit « il faut les OGMs pour nourrir la planète », on voit qu’on produit mieux et plus sans les OGMs que les Etats-Unis, où 97 % de ces plantations sont en OGMs !
consoGlobe – Donc pour vous le « bio » est suffisant pour nourrir la planète ?
MC – Il y a des mythes qui sont très bien présentés. Comme je disais, depuis 2007, on entend Monsanto dire : « il faut nos technologies pour nourrir la planète ». Ce qu’on oublie de dire c’est qu’on sait déjà produire assez de nourriture pour nourrir la planète. Mais si on produit de la nourriture aux Etats-Unis pour nourrir des animaux, personne au Bangladesh n’aura accès au maïs produit en Iowa. Ce qu’il faut c’est qu’au Bangladesh les agriculteurs aient accès au crédit, aux droits de l’homme, à tous les facteurs permettant leur développement. On ne doit pas augmenter la productivité. En Europe et aux Etats-Unis on produit assez, plus que ce dont on a besoin. Pourquoi produire plus d’OGMs ? Pour produire plus de soja pour nourrir plus d’animaux ?
Références :
- Sustainability and Innovation in staple crop production in the US Midwest, par J.A. Heinemann, M. Massaro, D.S. Coray, S.Z. Agapito-Tenfen et J.D. Wen, International Journal of Agricultural Sustainability (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Jack A. Heinemann, Melanie Massaro, Dorien S. Coray, Sarah Zanon Agapito-Tenfen & Jiajun Dale Wen (2013) : ‘Sustainability and innovation in staple crop production in the US Midwest’, International Journal of Agricultural Sustainability. (Cliquez sur cette source pour remonter)
- http://www.greenpeace.org/luxembourg/Global/luxembourg/report/2011/7/herbicide-tolerance-and-gm-cro.pdf (Cliquez sur cette source pour remonter)
- http://www.greenpeace.org/international/Global/international/publications/agriculture/2012/438-Benbrook-Report-Summary.pdf (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Jack A. Heinemann, Melanie Massaro, Dorien S. Coray, Sarah Zanon Agapito-Tenfen & Jiajun Dale Wen (2013) : 'Sustainability and innovation in staple crop production in the US Midwest', International Journal of Agricultural Sustainability. (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Jack A. Heinemann, Melanie Massaro, Dorien S. Coray, Sarah Zanon Agapito-Tenfen & Jiajun Dale Wen (2013) : ‘Sustainability and innovation in staple crop production in the US Midwest’, International Journal of Agricultural Sustainability. (Cliquez sur cette source pour remonter)