Les opposants au gaz de schiste confortés eux aussi
Là, c’est la négociation du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (PTCI) entre les USA et l’Europe qui s’invite au débat sur le gaz de schiste. Sa prochaine session se tient à Bruxelles du 10 au 14 mars.
Le 21 janvier dernier, le Commissaire européen K. De Gucht a admis que les multiples critiques exprimées envers une extension des droits des investisseurs étaient légitimes et il a suspendu provisoirement les négociations sur le volet « investissements » (qui concerne l’industrie de l’énergie).
Le problème est que ces nouveaux droits transatlantiques pourraient contrer les interdictions et réglementations en matière de recours à la fracturation hydraulique et donc empêcher les interdictions de forer, ce que refusent plusieurs ONG. C’est pourquoi elles rejettent tout mécanisme ad hoc de règlement des différends Investisseurs/États.
Le magazine allemance Die Zeit 2 a publié un extrait du chapitre « Investissement » des négociations États-Unis/Union européenne qui alimente leur position : un mécanisme de règlement des différents investisseur-État est bel et bien prévu par les négociateurs.
Un tel mécanisme, qui figure déjà dans l’accord UE-Canada, permet aux entreprises de porter plainte contre un État ou une collectivité territoriale dès lors qu’une loi ou une réglementation entrave leurs investissements.
Les entreprises qui investissent aux États-Unis ou dans l’Union européenne pourraient contester, directement devant des tribunaux internationaux privés, les réglementations environnementales, telles que celles portant sur la fracturation hydraulique ouvrant la voie à des dizaines de millions d’euros de compensation, à payer par les contribuables.
Quand le privé conteste juridiquement une politique publique
Or, de plus en plus d’entreprises du secteur de l’énergie utilisent ce type de mécanisme pour contester des politiques publiques. Ainsi, l’ entreprise Lone Pine Resources, basée au Canada, mais dont la maison-mère est domiciliée aux États-Unis, conteste le moratoire du Québec sur la fracturation hydraulique en utilisant les dispositions de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Elle réclame 250 millions de dollars canadiens de dommages et intérêts au Canada, considérant que « l’annulation » de son « droit à l’extraction » a violé son « attente légitime d’un environnement économique et juridique stable ».
En Europe, le géant suédois de l’énergie Vattenfall réclame plus de 3,7 milliards d’euros à l’Allemagne en compensation de la décision du pays de sortir du nucléaire.
Autre argument des anti gaz de schiste, le refus global des énergies fossiles. Accepter les gaz et pétrole de schiste revient à accepter de prolonger le règne du pétrole et des carburants fossiles … et donc à reculer d’autant la nécessaire révolution énergétique.
Un argument important au moment où il faudrait justement la réduire par des politiques de sobriété énergétique et de développement des énergies renouvelables ancrées sur les territoires.
Les ONG rappellent qu’en France, la majorité de l’opinion reste opposée à l’exploitation du gaz de schiste et refuse qu’un accord international s’impose à l’opinion nationale. Elles appellent le gouvernement socialiste à rester sur ses positions actuelles. Mais vous, pensez-vous que l’actualité récente a changé les termes du débat ?
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Rejoignez le débat
(1) Le rapport Non à la fracturation hydraulique ! Comment l’accord UE-États-Unis pourrait encourager son utilisation a été publié le 6 mars 2014 par les Amis de la Terre Europe, Attac France, Corporate Europe Observatory, Transnational Institute, Powershift, the Blue Planet Project et le Sierra Club. Il est disponible ici : https://france.attac.org/IMG/pdf/ttip-isds-fracking-briefingfr.pdf
(2) Chapitres Investissement, Services et E-commerce (version du 2 juillet 2013) publiés le vendredi 27 février 2014 par l’hebdomadaire allemand Die Zeit : http://www.zeit.de/wirtschaft/2014-02/freihandelsabkommen-eu-sonderrechte-konzerne
illustration : © CC, Joshua Doubek