En plus des débats qu’alimente l’huile de palme sur des questions de santé publique et de destruction des ressources et de la biodiversité, se pose la question du devenir des producteurs. Le secteur du palmier à huile fait en effet vivre des millions d’individus principalement en Asie (Malaisie, Indonésie) et en Afrique.
-
-
Emma
-
C’est la fronde des pays producteurs d’huile de palme contre leurs détracteurs européens ! De la Côte d’Ivoire (le plus petit pays producteur) à la Malaisie (l’un des premiers producteurs mondiaux), des actions sont menées sur le terrain nutritionnel pour réhabiliter l’huile de palme, mais aussi sur le plan environnemental, avec la défense des plantations responsables. Que doit-on en penser ?
La grogne des producteurs d’huile de palme
Accusée de bien des maux – déforestation, menace sur la biodiversité, incidence sur la santé – l’huile de palme est bien loin d’emporter tous les suffrages. En France, les « antipalme » donnent de la voix et sont (partiellement) entendus puisque les industriels affichent des mentions « sans huile de palme » sur de nombreux produits : chips, pain de mie, biscuits, etc.
Récemment, le groupe Casino a d’ailleurs axé sa communication sur cet argument, afin de promouvoir sa pâte à tartiner Je suis noisette :
Colère des petits producteurs d’Afrique
Cet été, les Magasins U diffusaient à la télévision une publicité pour leurs produits sans huile de palme. Motifs : elle abîme la planète en participant à la déforestation et à la disparition des orangs-outans.
Le film de 25 secondes n’a pas du tout été apprécié par les producteurs africains de Côte d’Ivoire (à peine un cinquantième de la production mondiale !), réunis en Association interprofessionnelle de la filière palmier à huile de Côte d’Ivoire. Ils réfutent en bloc les arguments du groupe de distribution français et font valoir un danger pour leur développement économique (le secteur fait vivre plus de 36 000 petits planteurs, soit 10 % de la population selon l’Association). En conséquence, ils intentent un procès au groupe de distribution français.
Il faut dire que l’huile de palme en Côte d’Ivoire est effectivement en pleine explosion. En déclin, elle a été relancée en 2006, pour tripler sa production en 2011. Palmci, le principal producteur du pays, est passé de 241 326 tonnes en 2010 à 291 563 tonnes en 2011, affichant une progression de 293 %, et une hausse de son titre en bourse. En outre, l’Association interprofessionnelle de la filière palmier à huile de Côte d’Ivoire vient de lancer le « 3ème plan palmier ». Le pays espère doubler sa production d’ici 2020 par la promotion de la production villageoise (65 % des 250 000 ha plantés) et l’amélioration de la compétitivité des exploitations, pour atteindre une production d’huile de 600 000 tonnes.
Les géants asiatiques au secours du petit Poucet africain
De façon inattendue, le petit Poucet africain s’est vu prêter main forte par le géant du secteur : la Malaisie, premier producteur mondial d’huile de palme (suivi par l’Indonésie) : 170 000 personnes vivent de l’huile de palme dans ce pays qui produit 39 % de l’huile de palme mondiale. Le secteur participe à hauteur de 9,1 % au PIB.
Présent au Salon international de l’alimentation (Sial) en octobre dernier à Paris, le Bureau malaisien de l’huile de palme présentait de nouvelles études scientifiques prouvant les performances inégalées de l’huile de palme qui serait « la meilleure pour la cuisson »et « pas plus mauvaise que le beurre dans les biscuits », selon elles. Il estime qu’il est temps d’arrêter de boycotter (en Europe et aux États-Unis) cette huile qui est aujourd’hui la première utilisée dans le monde (surtout en Asie et en Afrique), et dont les débouchés en biocarburants sont immenses.
Ces actions judiciaires et de communication simultanées du petit et du grand producteurs (la Côté d’Ivoire ne représente que 5 % de la production de la Malaisie) sont inédites. Mais leurs intérêts sont bien partagés : la raffinerie géante d’Abidjan est détenue en partie par des capitaux asiatiques dont les multinationales investissent aussi dans de nouvelles plantations géantes dans toute l’Afrique de l’Ouest ! Le but est de se développer sur les marchés africains, mais aussi et surtout européens. D’où une exaspération partagée par les deux associations de producteurs à propos des récentes réglementations européennes sur l’étiquetage des produits « garantis sans huile de palme ». Elles ont entraîné une baisse des exportations de cette huile en Europe.
Pour tenter de contrer cette baisse, rien de mieux que de mettre en balance les préoccupations environnementales des Occidentaux contre le développement économique de leur pays.
*
La suite p.2> Développement durable versus développement économique