Le « bio industriel » est un bel exemple d’oxymore. Une quasi contradiction de termes imposée par les grands acteurs de l’agriculture qui veulent à tout prix rattraper la vague du bio maintenant qu’elle représente plus de 4 milliards d’euros. Avec la complicité de l’Europe. Attention, derrière le label AB, il y a un « vrai » bio et du bio édulcoré par des pratiques plus ou mois rigoureuses.
Sommaire :
1 – L’état des lieux de la filière bio
2 – Les gendarmes du bio à la peine
3 – L’ambiguité du bio industriel
4 – Distinguer le bio du bio
***
Le marché du bio, un pot de miel qui attire
Le consommateur français confirme son attirance pour les aliments bio d’année en année.
C’est maintenant la majorité des Français qui consomment du bio au moins une fois par mois et bientôt un sur dix en mangera quotidiennement. La bio sort des magasins spécialisés traditionnels (La Belle Vie, Biocoop, La Vie Claire, …) pour envahir les rayons de la grande distribution.
- Près d’1 Français sur 2 (49 %) a consommé bio au moins une fois par mois[1] en France en 2014.
- En 2005, 47 % des Français avaient acheté au moins une fois par mois un produit portant le logo AB (Baromètre officiel de l’Agence Bio)
- Dans le monde, le marché des produits biologiques, écologiques et diététiques a presque quadruplé en 10 ans[2].
La grande distribution passe au bio
Auchan, Leclerc, Carrefour, Monoprix, … tous ont compris que leurs clients veulent du Bio et ont créé des rayons spécialisés mais aussi des gammes de produits bio à leurs couleurs. Le bio « marque distributeur » est né et est la nouvelle vedette des têtes de gondole. Mais la production française de bio a du mal à suivre.
Après avoir été pionnière, la production française de produits bio marque le pas et la France est passée au 6e rang européen, après l’Allemagne, mais aussi dépassée par des nouveaux producteurs, comme l’Italie ou l’Espagne. Conséquence, en 2012, 32 % des aliments bio dans nos assiettes étaient importés.
De plus, les importations françaises de produits bio en provenance de pays non européens a été multipliée par 10 entre 1993 et 1999. Le marché français qui représente environ 4 milliards d’euros, attire forcément et pas que les producteurs classiques.
Les surfaces en agriculture et élevage biologiques augmentent en France de plus de 10 % tous les ans, et de 5 % dans le monde.
Plus de 37 millions d’hectares sont cultivés de façon biologique (certifiée ou non) dans le monde en 2011.
Ce chiffre officiel est sous-estimé car certains pays, comme la Chine, ne disposent pas de statistiques. Il faut compter de surcroit la cueillette sauvage et l’apiculture, évalués à 43 millions d’hectares, soit un total de plus de 80 millions d’hectares
Les dérives de la filière bio
Le scandale du faux bio importé d’Italie
A priori on pourrait en douter si on se réfère au scandale des faux produits bio, une affaire dont la presse n’a pas fait étalage. Des produits bio (fruits secs, céréales, farines, huile de tournesol, …) ont été importés en toute bonne foi d’Italie et achetés par le consommateur français.
Or ces produits – pas du tout biologiques – provenaient de Roumanie. Ils étaient dotés de faux certificats Bio en Italie avant d’être expédiés en France et dans 8 autres pays européens quatre fois plus chers. Ainsi, ce sont des milliers de tonnes de produits traités aux pesticides que les consommateurs européens ont ingurgités pendant 5 ans en croyant avoir acheté du bio.
Et il n’est jusque la Suisse qui n’ait connu son scandale : début 2012, une agricultrice a été condamnée à 2 ans de prison. Son escroquerie a consisté de 2002 à 2006 à commercialiser de faux légumes bio en trafiquant les étiquettes à l’aide de complices.
On se demande comment cela est possible car comme le clamait le directeur du Setrabio, un syndicat qui regroupe les plus gros transformateurs et les grands distributeurs de l’agriculture biologique, dans le magazine L’Express « Pourquoi ne dites-vous jamais que l’agriculture biologique est la plus contrôlée de toutes ? » mettant en cause les médias qui seraient responsables de semer le doute dans l’esprit du consommateur.
Et pourtant ! Comme le précise William Vidal, président d’Ecocert, premier contrôleur mondial de produits bio : « Plus vous allongez les circuits, plus vous prenez de risques. » Et la chaîne de contrôle a beau avoir l’air rigoureuse, elle ne protège pas le consommateur de bien des risques. Démonstration.
*
[1] 12e vague du baromètre CSA Agence BIO : étude quantitative réalisée pour la 1ère fois en online (au lieu du Face à face), du 4 au 6 mars 2014 auprèsd’un échantillon de 1000 personnes de 18 ans et plus, représentatif de la population française (en terme de sexe, âge, catégorie socioprofessionnelle du chef de famille, région et taille d’agglomération
[2] IFOAM