L’ambiguïté du bio industriel
Au-delà de ces soucis techniques de la filière bio, c’est son évolution qui pose question. Car aujourd’hui un consommateur peut consommer un produit bio dont les conditions de production sont bien loin de ce qu’il imagine.
Prenons l’exemple du poulet bio.
Les contraintes du cahier des charges du label bio européen permettent de labelliser BIO un poulet qui a été élevé en batterie, dont le bec a été « ébecqué » pour qu’il ne blesse pas ses congénères qui dispose comme lui d’un unique m2 pour dix individus.
Un poulet AB peut très bien ne pas voir le jour puisqu’il ne doit que disposer d’un « libre accès, durant la majeure partie de jour et pendant au moins la moitié de sa vie« . Cette vie va d’ailleurs durer deux mois et demi au sein d’un élevage qu i peut atteindre 4.000 poulets. On est bien loin de la vision bucolique de poulets picorant le grain dans l’arrière cour de la ferme ou en plein champ.
De plus, notre poulet bio portant le label AB peut tout à fait avoir été nourri avec des aliments OGM (du soja moins cher que le blé ou le maïs) et en contenir jusqu’à 0,9 %. On n’a pas la preuve du danger, mais le consommateur qui n’en veut pas et voudrait un produit bio « pur » en est pour ses frais. Les professionnels eux-mêmes se font parfois rouler dans … la farine. Ainsi, en 2008, la grosse coopérative Terrana, spécialiste de « l’agriculture écologiquement intensive« , a acheté sans le savoir 300 tonnes de tourteaux de soja contaminés à la mélamine à des Chinois…
Comment une coopérative essaie de concilier bio de masse et pratiques saines
Terrena cherche à trouver une voie acceptable pour produire du bio avec des volumes importants. Elle a instauré 400 « sentinelles de la terre » dont le rôle est d’essayer de nouvelles techniques et cherche à les promouvoir à travers un événement, les Terrenales au mois de juin. .Le but est de démontrer qu’on peut « produire plus et mieux avec moins ». Une démarche qui n’est pas sans rappeler la ferme expérimentale de Woetsyne du groupe Bonduelle dans le Nord, qui cherche à avoir des rendements élevés tout en préservant la terre.
Hubert Garaud, président de Terrena, explique son engagement. « Le mélange de deux variétés de colza à floraison décalée supprime des traitements insecticides. Les images par satellite modulent les apports d’engrais en fonction de la densité du couvert végégal. On économise de 10 à 30 kg d’azote par ha tout en augmentant de 4,4 quintaux les rendements. L’analyse instantanée de la composition du lait permet d’ajuster la ration, d’optimiser la digestion, de limiter les rejets de méthane et d’améliorer la santé des animaux. »
Notons que chez ces industriels, on pratique donc une agriculture raisonnée mais qu’on n’arrive pas à se labelliser en BIO.
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