Moins manger de viande, mieux élever les animaux, peu de lecteurs de consoGlobe.com en disputeront la nécessité. Mais faut-il aller plus loin, jusqu’à bannir complètement toute exploitation animale, que ce soit pour l’alimentation, l’habillement ou d’autres besoins humains ?
Dans ce débat qui agite les consciences, consoGlobe.com souhaite afficher clairement sa position : nous partageons la philosophie de vie, d’amour et d’harmonie entre les êtres vivants sous-jacente au véganisme.
Nous mettons en avant depuis notre création en 2006 qu’un régime non carné, à condition de respecter quelques principes essentiels, est meilleur pour la santé et pour l’environnement. Nous relayons les dénonciations des abus de l’élevage intensif, véritable danger pour la planète et crime contre les espèces domestiques, aux nombreux impacts environnementaux directs et indirects. Et nous soutenons la liberté de choix de chacun qui nous conduit à proposer des solutions pratiques alternatives diverses, que l’on soit végétarien, flexitarien, végétalien ou vegan. Nous accueillons d’ailleurs dans nos pages Anissa Putois, expert de PETA, qui partage conseils pratiques et réflexions de fond sur ces questions.
Le message explicite des vegans est le respect absolu des animaux : aucune exploitation d’aucune sorte. À consoGlobe.com, nous estimons que le message de respect absolu des animaux est peu crédible s’il ne prend pas en compte quelques réalités. De plus, le végétalisme intégral est un mouvement qui va bien au-delà des régimes alimentaires et soulève des questions complexes. Le message sous-jacent est en effet un peu différent. Il fait de la nourriture un enjeu politique, philosophique et invite à prendre parti, pour ou contre.
Les animaux de la ferme © WDG Photo
Le refus d’exploiter les animaux : une aspiration ancienne qui resurgit avec force
Le refus de manger de la viande pour des raisons morales ou hygiénistes n’est pas nouveau. De nombreuses religions et mouvements philosophiques ou politiques préconisent l’abstention ou encadrent strictement la consommation de la viande. Cependant depuis le début du XXe siècle les adeptes du mouvement vegan ou du « végétalisme intégral » poussent cette logique plus loin, en refusant d’utiliser de quelque façon que ce soit tout produit animal en plus de l’exclusion de la viande de leur régime alimentaire. Ils expliquent leur position dans les statuts de la Société, rédigés en 1979 :
« [Le Veganisme est] une philosophie et façon de vivre qui cherche à exclure – autant que faire se peut – toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but, et par extension, faire la promotion du développement et l’usage d’alternatives sans exploitation animale, pour le bénéfice des humains, des animaux et de l’environnement […] »
Le refus d’exploiter les animaux amène les vegans à s’opposer également à la domestication des animaux de compagnie, à l’équitation, aux animaux de cirque ou de zoo, à refuser de porter des vêtements ou des accessoires d’origine animale (fourrure, laine, cuir, nacre, perles, plumes, etc.), voire de consommer des légumes cultivés avec un apport d’engrais animal. Bien entendu, ils s’opposent à l’utilisation des animaux pour des expériences scientifiques.
Les théoriciens du veganisme pensent que l’amour pour son prochain doit inclure les animaux et qu’il faut retrouver l’équilibre naturel qui existait avant l’avènement de l’agriculture et la domestication des autres espèces vivantes. Ils comparent la libération des animaux de toute forme d’exploitation à la libération des esclaves humains au XIXe siècle.
Quelle radicalité pour quelle efficacité ?
Aujourd’hui, le mouvement vegan est en vue et influence les comportements. D’un côté, il y a la demande de cesser toute exploitation des animaux. Soyons clairs : nous sommes loin de la réalisation complète de la vision d’un monde sans aucune exploitation animale. Le débat aujourd’hui est plutôt, compte tenu de l’écho que reçoit le message vegan, de s’interroger si cette vision est efficace pour aller plus loin pour réduire les souffrances animales, la consommation de viande et les impacts environnementaux qui lui sont associés. Notre réponse est que cette vision doit être nuancée, car elle n’est ni réaliste, ni efficace.
Michael Pollan, auteur de nombreux livres sur l’alimentation, la culture et l’élevage, rappelle dans son livre The Omnivore’s Dilemma la relation symbiotique entre certains animaux et humains. Nous reviendrons sur son livre cette semaine. D’autres arguments nous invitent à réfléchir, tels que le livre de Jocelyn Porcher, du CNRS, qui milite pour l’abattage à la ferme et expose dans son livre Demain, encore carnivores. Quand manger de la viande pose question au quotidien les méfaits comme les bienfaits de l’élevage, pour proposer des scénarios de changement dans notre relation aux animaux et nos modes d’alimentation.
On pensera aussi aux techniques de pâturage développées par André Voisin, ou encore à l’exemple de PolyFace Farm en Virginie aux États-Unis, qui promeut la transparence dans ses méthodes d’élevage (y compris avec des caméras), une alimentation totalement naturelle, et autres principes qui remettent le respect des animaux au coeur de l’élevage.
Question habillement, si des alternatives non pétrochimiques existent, il est également clair que si on supprime l’utilisation de tout produit animal, on est obligé de dépendre de produits artificiels pour nos vêtements, ou pour d’autres produits ménagers et domestiques, d’où un recours plus important aux plastiques et autres produits artificiels à base de pétrole.
© Arthur-studio10
Il est aussi important de rappeler que sans l’équilibre plantes – animaux dont elles dépendent étroitement, les fermes biologiques et bio-dynamiques disparaîtraient et seraient remplacées par encore plus de fermes industrielles et un recours encore plus massif aux pesticides et aux engrais chimiques. Les régions ne pouvant produire suffisamment de nourriture végétale pour nourrir la population locale seraient obligées d’importer massivement des aliments produits industriellement dans d’autres parties du globe, augmentant d’autant l’impact carbone.
À consoGlobe.com, nous sommes donc pour appeler encore et toujours à faire mieux, notamment : manger (beaucoup) moins de viande, valoriser les éleveurs qui font bien leur travail, renforcer les règles et sanctionner ceux qui ne les respectent pas, valoriser les circuits courts, aussi en luttant contre un système de distribution qui désavantage la production de qualité, soutenir fortement le bio, développer les alternatives aux plastiques dans les vêtements – que l’on retrouve sous forme de microplastiques dans les océans -, étendre l’interdiction des essais cliniques sur les animaux qui ne sont pas essentiels pour les progrès médicaux.
Enfin, nous croyons avant tout dans les vertus du débat, sans sectarisme, sur les méthodes concrètes pour avancer vers plus de respect animal et moins d’impacts environnementaux. Seuls ceux qui sont convaincus que tous les autres ont tort font fausse route. N’est-ce pas ?
Illustration bannière : Fillette et son cochon – © HQuality