Amazon relance la bataille du prix du livre en contournant la loi

Amazon vient d’annoncer qu’il appliquerait désormais une remise de 5% sur le prix des livres neufs commandés sur sa plateforme, à condition qu’ils soient retirés dans un point de retrait « éligible ».

Rédigé par , le 21 Oct 2025, à 10 h 01 min
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Présentée comme une manière d’encourager la lecture et de faciliter l’accès aux ouvrages, cette initiative provoque déjà la colère du Syndicat de la librairie française (SLF), qui y voit une tentative de contournement des règles encadrant le prix unique du livre.

Amazon : la plupart des points de retrait ne sont pas des librairies

Depuis le 16 octobre 2025, Amazon propose à ses clients français de bénéficier d’une réduction maximale — celle autorisée par la loi Lang de 1981 — s’ils choisissent de retirer leurs livres dans un lieu partenaire plutôt que de se les faire livrer à domicile. La plateforme précise que ces points de retrait incluent aussi bien des commerces disposant d’un rayon livres que certains casiers automatisés ou relais commerciaux. L’entreprise met également en avant la gratuité de cette expédition locale, ce qui renforce, selon elle, l’attractivité du dispositif. En combinant remise et absence de frais de port, Amazon affirme vouloir offrir une alternative « plus pratique et plus écologique » à la livraison classique, conformément aux nouvelles règles sur les coûts d’expédition, désormais fixés à un minimum de trois euros pour toute commande inférieure à 35 euros.

Mais derrière cette opération se cache un affrontement ancien entre la multinationale et les libraires indépendants. Le Syndicat de la librairie française accuse Amazon de contourner, une fois encore, l’esprit de la loi sur le prix unique du livre, qui visait à préserver un réseau dense de librairies partout sur le territoire. Son délégué général, Guillaume Husson, dénonce des pratiques « illégales et déloyales », soulignant que « la gratuité de la livraison ne peut s’appliquer que lorsque le retrait se fait dans un commerce de vente de livres ». Or, de nombreux casiers Amazon ou points relais concernés ne rempliraient pas ce critère. Dans un communiqué, le SLF fustige une entreprise « qui se considère au-dessus de la loi française », rappelant que la gratuité de la livraison et la remise maximale de 5 % ne peuvent être cumulées qu’en respectant strictement la réglementation en vigueur.

Un dispositif qui favorise Amazon, pas les libraires

Cette mesure, en apparence anodine, met surtout en lumière les tensions économiques d’un secteur déjà fragilisé. Les librairies indépendantes, dont les marges sont étroites et les coûts fixes élevés, redoutent une nouvelle érosion de leur clientèle. Selon le SLF, « Amazon profite de sa puissance logistique pour attirer les acheteurs sur un terrain où les librairies physiques ne peuvent pas rivaliser ». La promesse d’un retrait gratuit, souvent possible dans un supermarché ou une station-service, désavantage les commerces de proximité qui doivent, eux, financer personnel et espace de vente. Pour beaucoup, cette stratégie revient à jouer avec les limites du droit tout en s’appuyant sur un argument écologique discutable : si les retraits évitent certaines livraisons, ils favorisent aussi des trajets supplémentaires pour les consommateurs.

Du côté d’Amazon, la communication reste mesurée mais ferme. L’entreprise affirme respecter scrupuleusement la législation française et défendre « une offre complémentaire à celle des libraires ». Elle fait valoir que près de 70 % de ses points de retrait seraient situés en zones rurales, là où les librairies sont peu présentes, et qu’il s’agit donc d’un moyen d’accès supplémentaire à la lecture. Un argument que réfute catégoriquement le SLF, qui rappelle qu’il existe aujourd’hui environ 25.000 points de vente de livres en France, y compris en milieu rural. Pour les professionnels du secteur, l’initiative d’Amazon ne traduit pas un soutien à la lecture mais une offensive commerciale bien calibrée, exploitant les marges de manoeuvre d’une réglementation déjà mise à l’épreuve.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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