Suite du voyage dans les coulisses du marketing avec une des techniques favorites de la distribution et des fabricants pour vous faire acheter plus tout en vous vendant moins. Cette technique qui consiste à changer les emballages et conditionnements des produits, appelée « dégrader le produit » par les professionnels, va parfois un peu loin.
Dégrader le produit pour vendre plus cher
Une des questions clés que se pose un fabricant pour améliorer ses marges est « comment réduire les coûts et vendre plus cher » ?
Comment vous faire acheter plus ?
Modifier conditionnement et recette
Pour économiser sur les matières premières sans modifier le prix de vente d’un produit, il faut changer sans en avoir l’air, une technique particulièrement prisée de l’industrie agroalimentaire. Comment s’y prend-on ?
En changeant la composition d’un produit, par exemple en remplaçant les ingrédients les plus coûteux par d’autres qui le sont moins, en changeant de matières premières pour des produits moins nobles, en changeant le dosage des ingrédients de manière à avoir un « mix » moins onéreux à fabriquer. Évidemment, cela va rarement dans le sens d’une amélioration de la qualité du produit qu’on nous vend.
Eh bien au contraire, on va plutôt diminuer la quantité de l’ingrédient phare au fil du temps : imaginez un produit vaisselle dont l’ingrédient détergent phare (qui dégraisse bien) va être diminué tout doucement et remplacé par un agent moussant peu cher (qui donne l’impression de propre). Le lancement d’une nouvelle formule « encore plus efficace » permettra de vendre (plus cher) aux fidèles du produit d’origine.
Voyez l’exemple de l’analogue, typique d’un produit bas de gamme qui a réussi à s’imposer du seul fait de son prix très bas… et malgré sa médiocrité intrinsèque : Avec l’Analogue, le vrai fromage sur les pizzas, c’est râpé.
Mais ce qui vaut pour le fromage est tout aussi valable de bien d’autres ingrédients, on va ainsi :
- remplacer les bonnes graisses (de bons lipides) par des huiles végétales hydrogénées,
- remplacer du saccharose par du sirop de glucose, de l’amidon, de la gomme de guar
Des produits de substitution industriels
Des cabinets conseil sont spécialisés dans ce type « d’optimisation » produit, ainsi la société Chamtor, qui propose différentes astuces aux industriels sur son site Internet
- Pour le glucose : « Les sirops de glucose employés en biscuiterie permettent de fabriquer des biscuits secs de qualité tout à fait comparable à celle des produits à base de saccharose. L’utilisation de sirops riches en maltose permet d’améliorer la qualité des biscuits tout en augmentant le taux de substitution du saccharose (gain économique) sans risque de coloration excessive. Le H-MALTOR 70/80 donne des biscuits très lisses et brillants.«
- Pour remplacer les protéines du gluten : « L’intérêt de GBS-P51 dans la fabrication des biscuits réside dans le fait que, pour une matière sèche identique, il réduit la viscosité. Ceci permet de réduire la quantité d’eau incorporée et par là même, de diminuer les coûts énergétiques.
Selon la farine utilisée, une addition comprise entre 0,6 et 1 % par rapport au poids de farine permet de maintenir une viscosité équivalente avec 10 % d’eau en moins.
L’addition de GBS-P51 à 0,1 – 0,6 % permet également de réduire le retreint et l’ovalisation. L’incorporation de gluten hydrolysé GBS-P51 favorise le crémage des matières grasses et assure un meilleur développement des cakes, quatre-quarts ou génoises lors de la cuisson.
Le gluten vital de blé possède des propriétés viscoélastiques unique (…). Sa capacité de rétention gazeuse permet une expansion du volume contrôlée et une amélioration de la texture. Ses propriétés de coagulation lors de la cuisson contribuent à la rigidité de la structure du produit fini et à une meilleure sensation en bouche.
Le gluten de blé hydrolysé GBS-P51 favorise l’hydratation, la souplesse et la machinabilité des pâtes, et permet une diminution du temps de repos. Il facilite également le feuilletage et apporte un caractère moelleux aux produits finis.«
- Pour remplacer la farine par l’amidon : « L’amidon natif de blé est utilisé en pâtisserie comme agent de texture et support de poudres levantes. Ses propriétés sont particulièrement appréciées dans la formulation de cakes, muffins, gâteaux, et crêpes. L’utilisation d’amidon de blé permet la réduction de la force des farines biscuitières et améliore la texture du produit fini.«
Jouer avec les mots
Évidemment pour passer inaperçu sans mentir, il faut faire quelques contorsions sémantiques et jouer avec les mots. Pour reprendre l’exemple du (faux) fromage, on va parler de « spécialité fromagère » et pas utiliser le mot « fromage » tout court. Pour faire passer l’adjonction d’huile de palme, on va parler de « nouvelle recette encore plus onctueuse » ou encore une « recette d’antan comme chez Grand-mère ».
Et puis on va mettre en avant des arguments de vente secondaires : on va mentionner que le produit offre « moins de calories, moins de graisses, pas de graisses saturées » tout en oubliant d’indiquer qu’il n’y a aussi… aucun intérêt nutritionnel et un goût dégradé !
Car enjoliver les mots, ça paie. Une étude sur une purée montre que les ventes ont augmenté de 27 % par rapport à la même purée mais avec un nom classique moins évocateur de qualité.
Une expérience réalisée dans un self-service avec des produits portant un label « classique » et d’autres avec des labels « enjolivés » avec exactement la même recette, a montré que les étudiants sont non seulement prêts à les payer 7 % plus cher mais les trouvent meilleurs !
Aussi, il est fréquent de voir apparaître un label, un pseudo label, une allégation santé, un nouveau nom (bulle de yaourt, crème de lait, …), un nouveau slogan (mouliné à l’ancienne), etc. pour masquer une manipulation sur le grammage ou le rapport poids / prix.