Chasse maintenue : sept espèces d’oiseaux menacés offertes aux tirs
Le 17 juillet 2025, le gouvernement français a officiellement renoncé à réduire la période de chasse de sept espèces d’oiseaux migrateurs, pourtant classées en déclin ou quasi menacées.

Caille des blés, canard siffleur, courlis cendré : autant de noms familiers pour les ornithologues que de cibles maintenues au calendrier des chasseurs. Cette volte-face, dénoncée par les scientifiques et les défenseurs de la biodiversité, révèle un arbitrage politique au profit des lobbies cynégétiques. Et ce, au mépris des recommandations officielles, des impératifs écologiques et des engagements internationaux de la France.
Les oiseaux migrateurs ciblés : quand la fragilité devient gibier
Le mot « oiseaux » évoque la liberté, la migration, la beauté. Mais pour l’exécutif, certains relèvent encore du tableau de chasse. En ligne de mire : sept espèces, toutes en régression marquée. Parmi elles, la caille des blés (Coturnix coturnix), un gallinacé discret dont le chant nocturne annonce l’été, figure désormais sur la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en tant qu’espèce quasi menacée.
Le canard siffleur (Mareca penelope), en baisse continue selon les recensements hivernaux européens, a pourtant vu sa période de chasse maintenue. Le courlis cendré (Numenius arquata), emblématique de nos marais littoraux, bénéficie d’une interdiction officielle depuis 2020, mais son cas reste révélateur de la frilosité des autorités à protéger réellement les limicoles.
Dans son communiqué du 17 juillet 2025, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dénonce un arbitrage politique pur : « Le gouvernement cède aux pressions en bafouant la science et le droit ». L’association rappelle que ces espèces figurent dans les recommandations de suspension de chasse émises par l’Office français de la biodiversité (OFB) et validées par le Conseil national de la chasse et de la faune sauvage (CNCFS).
Pressions cynégétiques : le gouvernement plie, la biodiversité rompt
Pourquoi un tel renoncement ? Pourquoi maintenir des prélèvements sur des espèces dont le déclin est scientifiquement établi ? Il suffit d’ouvrir les annexes budgétaires pour comprendre. Le rapport de la Cour des comptes de juillet 2023 révélait que les fédérations de chasseurs bénéficient d’un soutien public massif : plusieurs dizaines de millions d’euros tous les ans. Ce poids économique se double d’un levier électoral bien connu. À quelques mois d’échéances locales, le signal envoyé est clair : mieux vaut caresser les fusils dans le sens du canon que froisser les protecteurs d’oiseaux.
À la tribune du Sénat, lors des débats du 27 février 2025, plusieurs parlementaires avaient déjà alerté sur cette dérive : « Comment justifier la chasse d’espèces inscrites sur la liste des espèces menacées en Europe alors que les données de l’OFB sont explicites ? », interrogeait un sénateur écologiste.
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La science reléguée au second plan : une fracture assumée
Le revirement gouvernemental ne laisse aucune ambiguïté sur la hiérarchie des priorités. Lors des consultations de 2024-2025, les avis rendus par les experts de l’OFB et validés par le CNCFS convergeaient vers une nécessité urgente de réduire, voire suspendre, la chasse de plusieurs espèces migratrices. Leur conclusion : la pression cynégétique compromet les chances de stabilisation des populations.
Mais cette expertise a été ignorée. La LPO rappelle que « le ministère chargé de l’écologie a tout simplement contourné les avis scientifiques en publiant des arrêtés de chasse qui ne respectent pas les principes de précaution ». Ce contournement est d’autant plus problématique que la France est juridiquement liée par la directive Oiseaux de l’Union européenne (2009/147/CE), qui impose une protection stricte des espèces migratrices en mauvais état de conservation. La crainte est désormais d’assister à une multiplication de recours juridiques, comme cela fut le cas lors de précédents arbitrages similaires. Mais pendant que les procédures s’enlisent, les tirs continuent.
Une Europe silencieuse, mais pas absente
Pour les naturalistes de terrain, cette décision sonne comme un désaveu. Dans les marais, les bois et les plaines, les comptages hivernaux attestent année après année de la raréfaction de certaines espèces. Les oiseaux ne mentent pas. Ce sont des bio-indicateurs, et leur déclin précède souvent celui de tout un écosystème. La perte de la tourterelle des bois, autrefois commune, en est l’exemple criant : chassée jusqu’à épuisement, elle est aujourd’hui quasi disparue de nombreuses régions. Faut-il attendre le même destin pour la caille ou le canard siffleur pour réagir ?
Reste une inconnue : la réaction de la Commission européenne. Lors des précédents épisodes, Bruxelles avait lancé des procédures d’infraction contre la France pour non-respect de la directive Oiseaux. Une nouvelle saisine n’est pas exclue. Les associations, dont la LPO, préparent déjà leurs dossiers.
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