Réduction de la pollution urbaine, quand Chennai, ville indienne, montre la voie

Chennai, capitale de la province du Tamilnadu, dans le sud de l’Inde, a engagé une démarche exemplaire de réduction du trafic automobile et des pollutions associées. Recevant ainsi les honneurs internationaux en marge de la COP21.

Rédigé par Paul Boucher, le 14 Dec 2015, à 16 h 03 min
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Chennai établit tous les ans le triste record du nombre d’accidents de la route mortels en Inde. Sans parler de la pollution ahurissante générée par les milliers de camions, taxis, et tuc-tucs qui se bousculent sur ses routes encombrées. Alors la municipalité a décidé d’agir.

60 % du budget municipal pour les transports non-motorisés

En juin 2012 la ville lance le projet « Redessiner les rues de Chennai » (Chennai Street Redesign Project), afin de réorganiser les voies urbaines de façon à réduire les accidents en créant des espaces dédiés pour les piétons et les cyclistes. 60 % du budget municipal est depuis consacré à la construction et l’entretien de l’infrastructure des transports non-motorisés : élargir les trottoirs, construire des pistes cyclables, revoir les carrefours et le mobilier urbain.

Le but ? Arriver à ce que 80 % des rues de la ville forment un réseau continue de voies pour piétons et cyclistes et ainsi augmenter les déplacements non-motorisés de 40 %. Moins de morts de circulation, moins de pollution atmosphérique : la ville de Chennai travaille pour l’avenir de ses citoyens.

Chennai : un exemple à suivre pour l’Europe

Réduction de la place de l’automobile, espace rendu aux piétons, alternatives à l’automobile : les villes des pays émergents se trouvent confrontées aux mêmes enjeux que nos mégalopoles urbaines étouffant sous la circulation automobile.

Selon Arnold Schwarzenegger, ancien gouverneur de Californie et président du jury Sustainia 2015, qui a décerné à la ville de Chennai le Prix Sustainia 2015 : « Les villes génèrent une part très importante des gaz à effet de serre. » Mais les villes peuvent aussi être les acteurs du changement, plus rapides et plus efficaces que les grandes organisations nationales ou internationales.

Nous sommes fiers de ce que nous avons pu accomplir.
Vikram Japur, Commissaire pour la municipalité de Chennai

 

chennai pollution urbaine

Chennai : les rues avant et après les travaux effectués par la municipalité © Sustainia

« On voit de plus en plus souvent des villes qui trouvent des solutions innovantes pour améliorer la qualité de vie de leurs citoyens », affirme Bjørn K. Haugland, responsable du développement durable chez DNV GL, partenaire de Sustainia depuis sa création. « Tout changement important prend sa source dans une idée originale et nous avons un besoin vital d’idées comme celle-ci. »

« Nous sommes fiers de ce que nous avons pu accomplir », dit Vikram Japur, Commissaire pour la municipalité de Chennai. « Les rues de Chennai témoignent de notre souci d’apporter l’égalité des chances dans l’espace urbain. »

Illustration bannière : Chennai, Inde Sergemi / Shutterstock.com
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Professeur d’université à la retraite, Paul aime observer le monde moderne et ses évolutions. Il s’intéresse tout particulièrement à l’économie...

7 commentaires Donnez votre avis
  1. Suite à mon article du 14 décembre, sur la ville de Chennai, en Inde, lauréat du prix international décerné par le think tank danois Sustainia pour le meilleur projet de développement durable de l’année 2015, j’ai reçu un certain nombre de commentaires négatifs de la part de français vivant dans cette ville, dont ceux postés ici. Ces personnes mettaient en cause le sérieux, voire l’honnêteté, de mon article, du prix décerné à Chennai, mais aussi des membres de la municipalité. Devant ces critiques, j’ai voulu savoir ce qu’il en était réellement. J’ai donc pris contact avec Katie McCrory, responsable de communication chez Sustainia, et deux membres de l’ONG ITDP (The Institute for Transportation and Development Project, http://www.itdp.in) à Chennai, Aswathy Dilip et Advait Jani, qui ont travaillé sur ce dossier directement sur place. Il en ressort les éléments suivants.
    Un peu de contexte
    Il faut commencer par mettre les choses en perspective. Premièrement, le projet n’a commencé qu’en 2012. Au jour d’aujourd’hui 26 rues ont été réaménagées et 60 autres rues sont en voie d’aménagement. Les français qui m’ont contacté ne résident à Chennai que depuis 2012 pour l’un, et 2013 pour l’autre. Il est donc bien possible que, dans une ville aussi gigantesque que Chennai, elles n’ont pas vu de progrès notable. Il faut aussi ajouter que, si les progrès peuvent paraître dérisoires aux yeux d’Occidentaux récemment arrivés en Inde, ils sont néanmoins réels et témoignent d’une volonté certaine d’améliorer la situation.
    Selon mes interlocuteurs l’intérêt majeur de ce projet est que, pour une fois, il émane d’une vision globale du problème, qui vise, non seulement à améliorer les voies cyclables et piétons, mais aussi à changer les mentalités, en organisant par exemple des « Dimanches sans voitures ». Il faut dire qu’on vient de loin, dans une ville qui jusqu’ici n’a fait que construire des routes pour le flot toujours grossissant de véhicules à moteur. La ville vise l’année 2018 pour mener à bien son projet. 60% du budget pour les transports sera consacré désormais à ce projet. Chennai s’est vue décerner plusieurs prix, nationaux et régionaux pour son projet, entre autres, du Ministre du développement urbain et des groupes India Today et Volvo. Il ne fait aucun doute que Sustainia a mené une étude sérieuse et approfondie avant de choisir Chennai pour son prix du développement durable.

    Les réponses d’Advait Jani aux critiques des français

    PB : On m’a dit qu’il y a eu en effet quelques améliorations, mais pas suffisamment pour mériter ce prix. Que le nombre de vies sauvées n’est pas significatif. Qu’en dites-vous ?
    KM: Si une seule vie peut être sauvée par ces chemins piétons, alors la ville de Chennai peut en être fière ! On y dénombre 4 accidents de circulation mortels par jour, dont la moitié sont des piétons ou des cyclistes. Qu’est-ce qui constitue un progrès « significatif » dans ce domaine ? Chaque vie compte et la ville s’engage à atteindre son objectif de 0 morts de piétons et de cyclistes en 2018.

    PB : On dit aussi que les modifications ont eu lieu uniquement dans des quartiers aisés, que les quartiers populaires n’ont pas été touchés.
    KM : C’est totalement faux et sans fondement. Les chemins piétons sont aménagés à travers toute la ville. La ville n’a jamais utilisé le critère économique pour décider où faire des aménagements. Les quartiers populaires de Vyasarpadi, Tondairpet, Royapuram, Parrys, Purshawakkam, Perambur ont été aménagés déjà.

    PB : Troisième objection : le travail est de si mauvaise qualité qu’il ne fait qu’empirer le problème.
    KM : Les seules plaintes qu’on a eues jusqu’ici viennent de l’élite urbaine qui, à cause des nouveaux chemins piétons, doit maintenant partager l’espace routier. Les anciennes routes larges où ils pouvaient circuler sans gêne et stationner leurs 4X4 partout se sont rétrécies et ils doivent les partager avec des piétons et des cyclistes. Quant à l’objection que les chemins ne sont pas achevés, c’est vrai qu’un certain nombre sont toujours en construction. Puis les pluies de la mousson ont retardé le projet de trois mois environ. Par contre, on est d’accord que le maintien peut poser problème, mais ce n’est pas limité aux chemins piétons. La ville est en train de signer des accords avec plusieurs entreprises dans le cadre du schéma de Responsabilité Sociale des Entreprises pour l’entretien des chemins. Elle prépare aussi un décret limitant la possibilité des vendeurs à la crié d’empiéter sur les voies urbaines.

    PB : On nous dit que les pistes cyclables sont empruntées par d’autres véhicules et ne profitent donc pas aux cyclistes.
    KM : Je ne sais pas d’où ils tirent cette information. Pour le moment, les nouvelles pistes ne sont pas encore ouvertes et donc personne ne peut les emprunter ! J’ai l’impression que ces personnes critiquent sans connaître la réalité sur le terrain.

    PB : Enfin, on nous dit que les récentes inondations sont liées aux travaux publics et donc qu’on aurait dû en parler dans l’article.
    KM : Ça c’est l’argument le plus absurde que j’ai entendu jusqu’ici ! Les inondations sont dues à de multiples facteurs et la ville y a certainement sa part de responsabilité, mais la construction des chemins piétons et les pistes cyclables n’y sont pour rien !

  2. Sans partager les hurlements de rire dont parle Anne dans son commentaire, je suis toutefois nettement moins enthousiaste que vous quant au résultat de ce programme d’amélioration des trottoirs et des pistes cyclables. Je n’habite Chennai que depuis 2013 et n’ai donc pas directement connu la situation en 2009. Des collègues expatriés, arrivés ici avant moi, m’ont cependant bien dit que la situation s’était améliorée, mais est loin de représenter à mon sens un benchmark, comme le suggère le titre de votre article, et ce pour plusieurs raisons :
    – La démarche est très inégalement répartie dans la ville. J’ai bien vu des exemples de ce que vous citez, mais principalement dans certains quartiers : les plus aisés (Nungambakam, Kilpauk, Besant Nagar, Adyar…), ceux dans lesquels habitent les politiciens locaux (Poes Garden, Greenways Road,…). Il en est tout autrement des quartiers plus populaires….
    – C’est une lapalissade, mais la création de trottoirs, ou leur élargissement peut se faire soit en rétrécissant la route, soit en grignotant sur les constructions (commerces, appartements) qui sont le long de la route. Cette dernière option est bien entendue celle la plus retenue pour les quartiers moins aisés. Je n’ai aucune idée de la solution alternative de relogement proposée aux gens dont l’appartement a été éventré (puis laissé tel quel…)…
    – Des trottoirs sont élargis certes, mais ne durent pas longtemps tant la technique de construction et les matériaux sont défaillants… Très vite donc, ils deviennent difficilement praticables aux piétons (car défoncés, inégaux, encombrés de gravats). Ceux-ci continuent donc de marcher sur la chaussée, ajoutant au rétrécissement des voies de circulation ainsi qu’à leur insécurité.
    – Reprendre un trottoir ne veux pas dire ici en profiter pour entretenir la canalisation d’égout ou de drainage des eaux de pluie qui est en dessous. Si elle n’était pas bouchée ou percée avant, elle le sera à l’issue des travaux. Je m’interroge sur l’impact collatéral qu’a pu avoir cette démarche sur la non évacuation des eaux lors de l’épisode dramatique d’inondations que nous venons tous de vivre.
    – Marcher sur un trottoir ici relève du slalom spécial entre les arbres (jamais entretenus), les gravats, les trous, les bouches d’égouts (ouvertes…), les postes électriques (éventrés et à nu), les ordures, les micro-commerces, les motos garées, etc… Plus le trottoir est large, plus il y en a… Ici plus qu’ailleurs la nature -humaine- a horreur du vide…
    – Beaucoup de réalisations de voirie sont commencées, peu sont terminées. Manque de budget sûrement. Je préfère penser qu’il avait été mal estimé au départ plutôt qu’il ait disparu ailleurs…
    – J’ai un exemple non loin de chez moi de piste cyclable sur une grande artère (Sardar Patel) : une simple ligne jaune tracée sur la chaussée. J’y passe deux fois par jour et ne l’ai presque jamais vue utilisée par des cyclistes. C’est en revanche une excellente opportunité de circulation pour les rickshaws et les camions de livraison d’eau… de préférence à contre sens.

    Ce ne sont que quelques exemples et le témoignage de ce que je vois au quotidien. N’étant pas un expert (même danois), je ne peux prétendre être objectif. Toutefois, ériger le modèle chennaite en exemple à suivre me semble excessif. La remise du prix en marge du COP21, touchante voire naive tout au plus, n’est-il pas plus un effet conjoncturel lié aux inondations qui dévastaient la ville en même temps ?

  3. Bonjour,
    Il se trouve que j’habite à Chennai et que en parallèle, je fais des études de journalisme. Votre article est un cas d’école particulièrement intéressant.
    Serait-il possible que nous puissions communiquer en privé à ce sujet?
    Un grand merci,
    Cordialement
    Marie-Laure

  4. Avez-vous jamais mis un pied à Chennaï ?
    Cet article fait hurler de rire ceux qui y vivent! Surtout la photo avant aprés, qui n’est qu’une photo avant/maintenant.
    Allez donc faire un tour sur le groupe Faceboo  » Français de Chennaï » où nous avons partagé votre article: https://www.facebook.com/francaisdechennai/?fref=ts
    Merci pour cette distraction burlesque et renseignez vous un peu avant d’écrire ! Les promesses des politiques ne sont pas à prendre au premier degré !

    • Paul Boucher

      Heureux d’avoir apporté un peu de gaité dans la vie des français de Chennai. Il se trouve que j’ai passé un mois dans cette ville en 2009. L’état de la voirie, sans parler des égouts, etc. était déplorable, en effet. Je n’y suis pas retourné depuis. La ville de Chennai a reçu le prix Sustainia 2015 au bout d’un long processus de sélection, dont des visites sur place, des consultations avec les responsables du projet, etc. J’ai consulté tous les documents fournis par le think tank danois, organisateur du prix, et échangé de nombreux mails avec eux, avant d’écrire l’article. Je n’ai aucune raison de douter de leur honnêteté. Le projet de Chennai vise à mettre en place un système de voirie pour les piétons et les vélo cyclistes pour 2018. Vos amis ont certainement vu des rues qui sont encore dans l’état « avant ». De toute façon, on peut compter sur les français pour se moquer et critiquer. Ce n’est pas ça qui fera avancer les choses!

  5. article bougrement intéressant !

    élargir les trottoirs…

    waouw, en voilà une idée géniale !

    Bravo les gars mais ….gare à la méningite !

    mais, au fait, quel genre de moquette fument Arnold Schwarzenegger, ancien gouverneur de Californie et président et ses acolytes du jury Sustainia 2015
    …???

    • Voir mon commentaire précédent.

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