Alors que Cécile Duflot a récemment (et brièvement) relancé le débat sur la dépénalisation du cannabis, il est utile de rappeler l’existence et l’importance d’autres formes de chanvre. Du chanvre à usage industriel, aux propriétés incroyables qui hélas, ne fait pas autant d’émules…. En 2011, l’Europe comptait 15 000 hectares de culture de chanvre. Avec 8500 ha, la France est devenue le leader en production et transformation du Vieux Continent. Les usages non-mystiques du chanvre, c’est une multitude d’applications plus ou moins abandonnées au 20ème siècle pour privilégier les usages industriels du pétrole. Mais ces usages semblent revenir sur le devant de la scène. Partout dans le monde, les propriétés du chanvre se répandent dans les esprits et on redécouvre des pratiques industrielles durables.
Revue des grandes rencontres entre l’homme et le chanvre
L’homme a depuis très longtemps utilisé la fibre et la graine (chènevis) du chanvre. La vertu psychoactive des fleurs de son très proche cousin, le Cannabis, a occulté bon nombre de ses lettres de noblesses. Exemple frappant : la fameuse Canebière à Marseille. Elle tient son nom de la plante : canebe (en provencal)/cannabis (en latin). Parce qu’il y avait sur place une immense culture de chanvre ou car l’endroit fut une plaque tournante du commerce de chanvre textile…
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La Canebière en 1808, haut lieu de l’activité des cordiers qui travaillaient le chanvre.
Avant le pétrole, l’acier, le plastique et le synthétique : l’age d’or du chanvre
En Chine, dès 600 avant JC ou en Europe au Moyen-Age, le chanvre servait à tisser des vêtements, résistants et légers. Les fibres permettant de confectionner un tissu assez souple mais surtout très résistant et facile à travailler. Ainsi, les uniformes des soldats américains de la seconde guerre mondiale furent tissés en chanvre. A cette époque, les Etats Unis misaient gros sur cette plante, utilisée pour la fabrication de cordage, voiles et vêtements donc… Henri Ford ouvrit la voie à l’utilisation du chanvre dans les matériaux de construction automobile (habitacle en plastique de farine de soja pour 10 à 20 % et cellulose de chanvre pour le reste), mais aussi les biocarburants, lorsqu’il présenta un modèle en 1941. Prometteur, l’urgence internationale et le boom du pétrole remisèrent au placard cet essai pourtant fructueux.
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Voiture en chanvre (cellulose de chanvre et de soja)d’Henri Ford, ici à l’épreuve du test de résistance. Le modèle était bien plus léger et résistant que les modèles en acier de l’époque…
Ainsi, l’avènement des moteurs à vapeur et diesel, ajouté à la production de fer et d’acier, occulta l’utilisation des fibres naturelles dans la fabrication de véhicules (bateaux ou voitures) et eut raison des espoirs fondés en cette plante, dont l’exploitation pour les véhicules aurait minimisé bien des impacts environnementaux en terme de pollution atmosphérique et de traitement/recyclage des déchets. Cependant, les propriétés exceptionnelles du chanvre séduisent aujourd’hui à nouveau les industriels.
La renaissance d’une industrie du chanvre ?
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L’orobanche rameuse, seul parasite nuisible du chanvre. Dans des conditions optimales de culture, le chanvre n’a nul besoin d’apport de produits phytosanitaires. Seul un apport en azote permettra de fertiliser les plants.
Aujourd’hui, la hausse du prix du pétrole et le spectre menaçant de son épuisement, la toxicité de ses dérivés dans les matériaux de construction mais aussi la question gravissime de la gestion des déchets poussent les esprits à reconsidérer les techniques et usages anciens… le chanvre pourrait bien en profiter. Car l’homme peut encore exploiter cette plante et en tirer de multiples applications industrielles toujours dans l’ère du temps, en développant des aspects économiques plus qu’intéressants : tissus, cordages, papiers, mais également matériaux de construction, d’isolation, carburants et plastiques, sans compter les produits alimentaires et pharmaceutiques. Et les mentalités semblent changer, car la France est bien aujourd’hui la première productrice de chanvre industriel en Europe. L’aspect économique le plus fort est la réduction des coûts : la culture de chanvre ne nécessite pas ou peu de traitement phytosanitaire et n’appauvrit que très lentement les sols. Le traitement en tant que déchet d’un matériau à base de chanvre est bien moins lourd puisque par définition, la fibre se dégrade plus facilement qu’un alliage.
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