L’antenne néerlandaise de Greenpeace a mis en ligne lundi 2 mai des documents confidentiels sur le traité de libre-échange Tafta entre l’Union Européenne et les États-Unis. L’application du traité pourrait avoir des répercussions importantes sur la réglementation en termes de santé et d’environnement.
Les 248 pages de ce rapport, aussi appelé « TTIP Leaks », d’après le nom anglais du TAFTA, lèvent en partie le voile qui recouvre ces négociations très secrètes depuis leurs débuts mi-2013. Elles ont été obtenues lors de la treizième session des discussions la semaine dernière à New York.
Pour rappel, ce traité censé faciliter le libre-échange entre l’Union Européenne et les États-Unis fait face à une opposition très forte. Pour améliorer leurs échanges économiques, l’UE et les États-Unis devraient notamment harmoniser leurs normes pour faire correspondre leurs standards. Mais sur les questions environnementales et agricoles, beaucoup d’Européens craignent un alignement sur les normes américaines, bien moins strictes que la réglementation européenne.
« Ce traité met les intérêts des grandes entreprises au centre du processus de décision politique et législatif, au détriment des enjeux environnementaux ou de santé publique », a affirmé dans un communiqué, Jorgo Riss, le directeur de l’unité européenne de Greenpeace.
Une source diplomatique européenne a confirmé la véracité des documents à l’AFP, en assurant qu’il s’agissait d’une vieille version et que le texte avait évolué depuis.
Des négociations entre Européens et Américains sous tension
À première vue, ces documents révèlent qu’énormément de sujets restent en suspens, puisque de nombreux paragraphes sont inaboutis et entre crochets, c’est-à-dire voués à être modifiés. C’est assez révélateur de la tension qui émane des négociations.
Au-delà de ce détail, on remarque que les Européens semblent être bien plus investis dans la production de propositions pour trouver un compromis que les Américains. Ceux-ci semblent décidés à camper sur leurs positions.
En ce qui concerne l’un des sujets les plus controversés du TAFTA, les tribunaux d’arbitrage, les pourparlers ne font que commencer. Il s’agit de juridictions privées qui permettraient aux entreprises d’attaquer les États, si elles s’estiment lésées par une décision nationale. Sur ce point également, l’Europe a fait des propositions mais, à en croire les documents, elles n’ont pas été présentées aux Américains.
Le principe de précaution menacé
Sur la question de l’impact environnemental du traité, ces documents révèlent deux choses. D’abord, c’est la menace qui plane sur le principe de précaution. Formulé en 1992, il est ainsi énoncé dans la déclaration de Rio : « en cas de risque de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives visant à prévenir la dégradation de l’environnement. »
Ce qui ressort des documents, c’est que le traité prévoirait d’inverser la charge de la preuve. Les États-Unis veulent imposer que les réglementations visant la protection de l’être humain, des animaux et de l’environnement, soient étayées par des preuves scientifiques.
Pour résumer, cela revient à mettre un produit sur le marché, puis si l’on peut prouver qu’il est nocif pour ses consommateurs, alors seulement, il devra être retiré. Le principe de précaution volerait ainsi en éclats.
Les normes de protection agricoles au centre des tensions
L’autre grande question est celle des normes de protection agricole. Sur ce point, l’UE et les États-Unis sont en total désaccord. Si l’Union Européenne veut garder des normes restrictives pour assurer certaines garanties en termes de protection de l’environnement, de sûreté, d’éthique ou encore de santé publique, les États-Unis estiment qu’il s’agit d’un frein dans les échanges.
Le traité prévoirait d’autoriser notamment des pratiques agricoles interdites dans l’Union Européenne pour des questions de santé publique, comme la mise sur le marché de davantage d’OGM, ou de viande aux hormones.
Ces révélations mettent Bruxelles dans l’embarras. Elles montrent aussi et surtout que les négociations n’aboutiront probablement pas avant la fin de l’année 2016 comme le voulait Barack Obama. Reste à savoir comment les négociations évolueront après le départ du président américain.
Illustration bannière : Le TAFTA ou TTIP, une menace pour l’environnement ? – © Zerbor Shutterstock