Pollueurs industriels : aux États-Unis, le bilan carbone ne sera plus obligatoire

L’administration Trump envisage de supprimer le programme fédéral qui oblige plus de 8.000 entreprises industrielles à publier chaque année leur bilan carbone.

Rédigé par , le 15 Sep 2025, à 10 h 33 min
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Cette décision, présentée comme un allègement bureaucratique, pourrait bouleverser le suivi des émissions et compromettre les politiques climatiques des États-Unis.

L’administration Trump entend libérer les entreprises de contraintes inutiles

Le 12 septembre 2025, aux États-Unis, l’Environmental Protection Agency (EPA) a officiellement proposé de mettre fin au Greenhouse Gas Reporting Program (GHGRP), en place depuis 2009, qui faisait office de pilier du suivi climatique américain. Ce programme contraint chaque année des milliers d’installations industrielles — centrales électriques, raffineries, sites pétroliers, usines chimiques, fournisseurs de gaz — à rendre publiques leurs émissions de gaz à effet de serre. Or, selon l’agence, cette obligation représenterait aujourd’hui un « fardeau administratif » pour les entreprises, sans bénéfice sanitaire ou environnemental clair. L’administrateur de l’EPA, Lee Zeldin, a résumé cette position en qualifiant le programme de « paperasse inutile qui n’améliorerait en rien la qualité de l’air ».

Derrière ce virage réglementaire se trouve un argument économique. L’EPA estime que mettre un terme à ce système de reporting permettrait aux entreprises de réaliser jusqu’à 2,4 milliards de dollars d’économies sur dix ans, soit environ 303 millions de dollars par an entre 2025 et 2033. Dans un contexte de dérégulation assumée par l’administration Trump, cette mesure s’inscrit dans une volonté affichée de « libérer » les grandes entreprises de ce qui est perçu comme des contraintes pesant sur leur compétitivité.

Les émissions de CO2, une information essentielle

Cette décision suscite une levée de boucliers du côté des scientifiques et des ONG environnementales. Cette transparence est jugée essentielle, car elle permet non seulement de suivre l’évolution des émissions, mais aussi de concevoir des normes réalistes et adaptées. Supprimer cette obligation reviendrait, selon plusieurs anciens responsables de l’agence, à priver les pouvoirs publics de l’un de leurs rares outils fiables pour évaluer et réguler l’empreinte carbone de secteurs entiers de l’économie américaine.

Depuis sa création, le GHGRP a permis de documenter une baisse collective de 20 % des émissions de carbone dans l’industrie, une dynamique largement due à la fermeture progressive des centrales à charbon. Ce suivi détaillé a servi de base à de nombreuses politiques environnementales, qu’il s’agisse de l’élaboration de normes sur la qualité de l’air, du développement de projets de captage et stockage du carbone ou encore de la mise en place de mécanismes fiscaux liés aux émissions. C’est également grâce à ces inventaires que les États-Unis peuvent produire leurs rapports officiels dans le cadre de l’Accord de Paris. Rompre cette chaîne de données pourrait donc fragiliser non seulement les politiques nationales, mais aussi la crédibilité internationale de Washington sur le climat.

La disparition d’un bilan carbone public poserait également un problème démocratique. Les données collectées par l’EPA sont accessibles à tous, permettant aux chercheurs, aux collectivités et aux citoyens d’identifier les installations les plus émettrices et de demander des comptes. « Sans données, pas de responsabilité », résume Joseph Goffman, ancien haut responsable de l’EPA. Pour les riverains vivant à proximité de sites industriels, souvent exposées à des concentrations élevées de polluants, ce droit à l’information constitue un levier de pression et un outil de protection de leur santé. Le supprimer reviendrait à les priver d’un garde-fou essentiel.

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Le secteur pétrolier et gazier restera néanmoins soumis à l’obligation de reporting

L’EPA assure que certaines obligations de déclaration resteront en place, notamment pour les émissions de méthane du secteur pétrolier et gazier, afin de maintenir le calcul de la future taxe fédérale sur les pollutions excessives. Mais cette exception ne couvrirait qu’une fraction du spectre actuel des émissions industrielles. En pratique, une large partie des rejets de gaz à effet de serre échapperaient à tout suivi public, laissant aux entreprises le soin de décider, ou non, de publier leurs données.

Si cette proposition est adoptée, les États-Unis prendraient ainsi un virage à contre-courant de la tendance mondiale, alors que de nombreux pays renforcent au contraire leurs obligations de transparence climatique. Le démantèlement du GHGRP marquerait un retour en arrière inédit dans la politique environnementale américaine et pourrait rouvrir la porte à une hausse des émissions industrielles après plus d’une décennie de déclin. En choisissant de tourner le dos à ce bilan carbone, l’administration Trump joue une partie risquée, aux conséquences potentiellement durables sur le climat comme sur la capacité des citoyens à demander des comptes aux grands pollueurs.

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Journaliste de formation, Anton écrit des articles sur le changement climatique, la pollution, les énergies, les transports, ainsi que sur les animaux et la...

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