À Cordoue, en Espagne, des scientifiques planchent sur le gluten et plus précisément sur le gluten du blé. Le but de leurs recherches ? Traquer les gènes des gliadines et les éliminer en modifiant la plante. Alors à quand le blé GM sans gluten ?
Le gluten fait beaucoup parler de lui en faisant souffrir de plus en plus de personnes de ses effets pénibles sur le système digestif : la maladie coeliaque toucherait 1 à 2 % de la population française selon l’Association Française des Intolérants au Gluten (AFDIAG). Pour elles, manger sans gluten devient une nécessité, et les aliments contenant du blé, au même titre que du seigle, de l’orge, de l’épeautre ou de l’avoine (si celui-ci a été récolté avec du blé, ce qui est souvent le cas) sont à proscrire à vie. Des scientifiques espagnols ont donc choisi de se concentrer sur le blé pour que même les sensibles ou intolérants au gluten puissent eux aussi manger de la baguette.
Du blé GM utilisé pour faire du pain gluten free
Les chercheurs espagnols travaillent depuis plusieurs années sur la mise au point d’une alternative dans le régime sans gluten pour les consommateurs souffrant de pathologies qui lui sont liées : un pain de blé à faible teneur en gliadines, les principales coupables de troubles(1). C’est d’elles que l’équipe de Francisco Barro à Cordoue cherche à se débarrasser pour obtenir un nouveau type de blé sans gluten et en faire du pain.
Champ de blé © Subbotina Anna
Pour ce faire, ils ont d’abord utilisé une technique de modification génétique (interférence par ARN) permettant d’éliminer 90 % des gliadines contenues dans le blé. Toutefois les gènes des gliadines restant intacts, il y subsistait en théorie un risque de voir le blé recommencer à les reconstituer.
Alors ils ont poursuivi leurs efforts en utilisant le nouvel outil de génie génétique CRISPR/Cas9 qui permet de casser les gènes. Celui-ci offre par là-même aux industriels la possibilité d’altérer certaines particularités des semences, de les améliorer en bloquant le développement de parasites ou en améliorant de manière plus précise la résistance aux paramètres menaçant la culture du produit. Il s’agit d’une tâche énorme car on retrouve pas moins de 45 copies du gène de gliadine dans le blé, mais l’équipe de Barro affirme qu’ils auraient déjà réussi à en éliminer 35.
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Avant que la souche CRISPR ne soit tout à fait au point, les scientifiques se sont mis aussi aux fourneaux et ont déjà préparé un pain acceptable à partir de ce nouvel OGM.
Qui veut du pain de blé GM ?
En effet même débarrassées des gliadines, les nouvelles souches contiennent toujours certaines sortes de gluten, inoffensives celles-ci, qui leur permettent d’être utilisées pour faire du pain, puisque c’est la viscoélasticité du gluten qui donne sa texture au pain. Visiblement, il est difficile de faire des grosses miches, mais le résultat semble probant dans le cas des baguettes et des petits pains.
C’est le gluten qui donne la texture au pain © Africa Studio
Des essais à petite échelle sont en cours au Mexique et en Espagne sur respectivement 10 et 20 personnes atteintes de maladie coeliaque.
Pour Jan Chojecki, de PBL-Ventures au Royaume-Uni, qui travaille avec des investisseurs en Amérique du Nord dans le but de commercialiser des produits fabriqués avec ce blé OGM, le pain obtenu « est très bon, certainement meilleur que n’importe quel pain sans gluten qu’on retrouve dans les rayons « .
Mais les questions concernant les risques à manger des produits génétiquement modifiés restent toujours posées, et l’Europe réticente pour l’instant. Qu’on soit sans gluten ou pas, le principe de précaution doit s’appliquer.
Illustration bannière : Du blé et du pain – © Bluskystudio