Les médias en parlent beaucoup depuis quelques temps : l’orthorexie est à la mode. Pourtant, ce trouble du comportement alimentaire est connu depuis longtemps. Les différents scandales alimentaires de ces dernières années l’ont mis en lumière et multiplié.
Il est un nouveau signe de panique devant notre assiette avec une règle stricte : faire attention à ce qu’on mange ! Une bonne chose, certes, mais pas quand elle est poussée à l’extrême…
Quand la – trop – bonne alimentation devient mauvaise…
L’orthorexique ne mange pas un fruit qui a été cueilli depuis plus de dix minutes. Il contrôle et trie en permanence son assiette. Il lit et relit les étiquettes par méfiance. Il refuse de manger ce qui n’a pas été préparé par ses soins.
Voilà quelques exemples du comportement de l’orthorexique décrit par le psychologue Patrick Denoux, auteur de La Peur au ventre (éd.Lattes).
On pourrait rajouter au tableau les points suivants : il passe au moins trois heures par jour à penser à son alimentation. Il planifie tous ses repas à l’avance.
Une obsession de la qualité alimentaire
En grec, « ortho » signifie droit et « rexis » appétit. L’orthorexie désigne donc l’obsession d’une alimentation correcte. C’est un médecin américain, le Dr Steven Bratman, qui a été le premier à le décrire, en 1997, en soulignant la contradiction entre la recherche d’une alimentation saine et ses conséquences négatives, voire mortifères, pour la santé. Il parle d’orthorexie nerveuse pour les cas plus graves.
L’orthorexie n’a pas été classée comme TCA à ce jour
L’orthorexie ne rentre – pas encore – dans la catégorie officielle des troubles du comportement alimentaires (TCA). Quand les boulimiques feront une obsession sur les quantités des aliments, les orthorexiques seront obsédés par la qualité de ce qu’ils mangent. Les aliments choisis devront être purs, sains et bons pour la santé. Jusque là, tout paraît plutôt normal. Sauf quand cette recherche est poussée à son paroxysme.
Manger s’apparente à se soigner pour les orthorexiques. « Les aliments sont considérés comme des alicaments », explique le Pr Gérard Apfeldorfer, dans un article dans Psychologies qui date déjà de 2004. Donc tout ce qui est mangé doit faire du bien et être bon pour la santé. Le goût n’a plus rien à voir ici.
Deux fonctions sur trois de l’alimentation sont perdues
Conséquence : il n’y a plus de plaisir à manger. Ni de convivialité, puisqu’il devient impossible de manger la même chose que les autres qui ne font pas attention, et donc qui s’empoisonnent. L’orthorexique se désocialise, à l’instar de tous ceux qui font des régimes stricts.
Ces deux fonctions de l’alimentation sont perdues. Il n’en reste plus qu’une : répondre à ses besoins vitaux en énergie.
Un tri maniaque des aliments
Les aliments sont catégorisés : les bons et les mauvais, pour la santé. Il faut mesurer les bienfaits et les désavantages nutritionnels de chaque nutriment qu’ils contiennent.
Pour la personne orthorexique, c’est rarement un seul aliment qui se retrouve sur la sellette, mais plus souvent une catégorie qui se voit taxée de néfaste : ainsi, les féculents ou bien la viande, voire les produits laitiers. D’où viennent-ils ? Comment sont-ils produits ? Que contiennent-ils vraiment ? Toutes ces questions tournent en boucle dans la tête de l’orthorexique, à chaque repas, à chaque achat.
La suspicion n’a plus de bornes et la phobie s’installe : si l’on mange de telles choses, ne risque t-on pas d’en mourir ? Alors, on les exclue. Mais le cercle vicieux est installé et peu à peu, tout finit par faire peur et il ne reste plus grand chose qui trouve grâce aux yeux de l’orthorexique et place dans son assiette.
Évidemment, les graisses et les sucres sont sur la sellette. Cela donne des raisonnements de ce genre : le bon gras ne fait-il pas autant grossir que le mauvais gras ? Les sucres à index
glycémique bas sont les meilleurs pour la santé, mais ce sont quand même des sucres, donc ils ne sont pas si bons.
Mais tous les autres nutriments sont aussi passés en revue à l’aune de leurs apports éventuels qui vont aussi dépendre de leur mode de production et/ou de fabrication.
Exemple : la pomme devra être mangée seulement dix minutes après avoir été cueillie sinon elle perd ses vitamines. Mais elle devra aussi être bio pour ne pas contenir de pesticides. Pas facile quand on habite en ville. Les considérations environnementales font aussi partie du discours des orthorexiques.
La mode des produits « sans », sans gluten, sans lait, sans aspartame, sans huile de palme, surfe sur cette vague qui fait un tri dans l’alimentation. Comme tous les régimes.
Au final, il ne reste plus grand chose à manger.
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