La Normandie est célèbre pour ses bons produits du terroir : le lait, la crème, le beurre. Son produit star est sans doute le camembert. D’ailleurs, depuis 1996, le camembert de Normandie bénéficie d’une AOP, une Appellation d’origine protégée. Pourtant, tous les camemberts qui affichent des images de la douce Normandie ne se valent pas : eh oui, il y a une grande différence entre un camembert de Normandie et un camembert fabriqué en Normandie !
L’histoire du camembert de Normandie
Le camembert est une invention que l’on doit à Marie Christine Harel, fermière à Camembert en Normandie. Cette dernière fabriquait du fromage et aurait élaboré la recette définitive du camembert avec l’aide d’un prêtre réfractaire venu de Brie.
Elle l’aida à se cacher au Manoir de Beaumoncel et pour la remercier, celui-ci lui confia les techniques de fabrication du fromage de Brie, qu’elle appliqua alors à ses propres fromages. Elle transmit ce savoir-faire nouveau à sa fille et à son gendre Thomas Paynel qui en ont développé la commercialisation en le vendant sur les marchés d’Argentan et de Caen. La réputation de ce petit fromage dépassa les frontières régionales pour s’étendre à tout le pays et aujourd’hui au monde entier.
Comment reconnaître le vrai parmesan du faux ?
Les signes de reconnaissance
Le village de Camembert en Normandie – © Hindrik Johannes de Groot
En 1983, le Camembert de Normandie au lait cru et moulé à la louche bénéficie de l’AOC (Appellation d’Origine Contrôlée). L’aire d’appellation couvrait les 5 départements normands : la Manche, le Calvados, l’Orne, l’Eure et la Seine-Maritime. La zone se réduit petit à petit, afin de se recentrer sur les zones d’origine du camembert.
En 2008, une première révision du décret retire de la zone de l’AOC la Seine-Maritime, la plus grande partie de l’Eure (seule est conservée une petite zone à l’ouest limitrophe du Calvados et de l’Orne), le sud-est de l’Orne (Perche, Alençon compris), la plaine de Caen (avec une petite bande jusqu’à Argentan) et la petite zone du sud-ouest de la Manche.
Le camembert, un patrimoine à protéger
Depuis juin 1996, le Camembert de Normandie bénéficie de l’AOP, Appellation d’Origine Protégée. Créé en 1992, le label AOP protège « la dénomination d’un produit dont la production, la transformation et l’élaboration doivent avoir lieu dans une aire géographique déterminée avec un savoir-faire reconnu et constaté ». C’est un signe officiel européen témoignant d’un certain degré de qualité.
Outre l’aire géographique dans laquelle il est fabriqué, le camembert de Normandie obéit à un cahier des charges strict, qui décrit le fromage de la façon suivante :
» Le Camembert de Normandie est un fromage au lait cru, à pâte molle légèrement salée renfermant au minimum 45 g. de matière grasse pour 100 grammes de fromage après complète dessiccation et dont le poids total de matière sèche est supérieur ou égal à 115 grammes par fromage « .
Le Camembert de Normandie est caractérisé par les éléments suivants :
Le camembert de Normandie a une croûte fleurie – © Jpc-Prod
- la forme de cylindre plat d’un diamètre de 10,5 à 11 cm et un poids net indiqué à ’emballage au minimum de 250 grammes ;
- la croûte dite « fleurie », de couleur blanche, à moisissures superficielles constituant un feutrage blanc pouvant laisser apparaître des taches rouges ;
- la pâte de couleur ivoire à jaune clair ; affinée à coeur, elle est lisse et souple ;
- la saveur légèrement salée, d’abord lactée et douce puis plus franche et fruitée avec davantage d’affinage. »
Les vaches produisant le lait sont de race normande et pâturent au moins 6 mois dans l’année. Les conditions de fabrication sont exigeantes et les ateliers de camemberts sont soumis à des contrôles réguliers. Six fois par an, les fromages sont jugés par un collège d’experts, et notés sur les critères aspect, consistance et goût. Tout produit non conforme peut se voir retirer son AOP.
Les faux camemberts de Normandie
Comme c’est souvent le cas (on l’a vu pour les Herbes de Provence ou le savon de Marseille), on n’hésite pas à profiter de la bonne réputation liée à un grand savoir-faire pour commercialiser des produits de moins bonne qualité. Le camembert de Normandie, bien que protégé par son appellation, n’échappe pas à la règle.
La différence entre les vrais camemberts respectant un cahier des charges bien précis et les autres tient à peu de mots : un camembert fabriqué en Normandie n’est pas forcément un camembert de Normandie. C’est seulement sur ce dernier que vous verrez le fameux label AOP.
Un camembert de Normandie étant fabriqué à partir de lait de vache normande nourrie d’une certaine manière, dans un secteur géographique bien délimité et avec des techniques de fabrication bien définies, peu de producteurs le fabriquent : ce degré d’exigence a un prix. En effet, les contrôles bactériens exigés par l’utilisation du lait cru coûtent très cher.
Le prix de la qualité originale
Le camembert de Normandie est un peu plus cher, mais c’est le prix de la qualité – © Philipimage
» Produire un camembert de Normandie AOP ça coûte le double d’un produit de grande distribution. Alors choisir cette voie-là, ce n’est pas la voie de la facilité « confiait Bertrand Gillot le directeur de la fromagerie Réo, située à Lessay en Normandie à un journal belge. » Nous devons respecter des contraintes énormes, au niveau des éleveurs, au niveau sanitaire. Et nos rendements sont moins bons puisqu’il s’agit de fromages au lait cru « .
Au niveau du goût, cela n’a bien sûr rien à voir : un fromage au lait cru aura forcément plus de caractère qu’un fromage au lait pasteurisé.
Ainsi, les industriels fabriquant des fromages à grande échelle, dont un seul composant proviendra effectivement de Normandie apposent librement la mention « fabriqué en Normandie » sur leurs fromages. Ces derniers ne ressemblent que de très loin aux vrais camemberts de Normandie : fabriqués à base de lait pasteurisé, ils sont moins fragiles donc plus faciles à transporter et à stocker ; en outre, ils tiendront beaucoup plus longtemps au rayon frais des grandes surfaces.
Les camemberts de Normandie en supermarché ?
En 2007, Lactalis et la coopérative d’Isigny-Sainte-Mère décident de ne plus se plier aux exigences de l’appellation.
Après une tentative échouée d’inscrire la pasteurisation dans le cahier des charges du camembert de Normandie, les géants ont décidé de sortir en toute discrétion du système de l’AOP. Sachant que ces deux-là vendent 90 % des camemberts en France, le camembert de Normandie est devenu un produit rare ! L’AOP « Camembert de Normandie » regroupe aujourd’hui 500 producteurs de lait et seulement 9 producteurs de fromages.
La production du Camembert de Normandie ne représente que 4,2 % de la production totale des camemberts fabriqués dans l’hexagone.
Le camembert LePetit et camembert de Normandie, pas le même produit – © barmalini
Bridel, Lanquetot, LePetit et consort portent la mention « Fabriqué en Normandie » depuis quelques années. Cette mention à la limite de la légalité est source de confusion pour le consommateur selon les défenseurs du camembert AOP. Les « faux » camemberts empêchent de cette manière le bon développement des camemberts de Normandie. Ceux-ci sont soumis à la concurrence déloyale de camemberts industriels, dont le prix peut parfois être inférieur à 2€, alors qu’un camembert moulé à la louche et fabriqué dans les conditions du cahier des charges ne pourra jamais être commercialisé à moins de 3 euros.
La DGCCRF a donné raison aux producteurs AOP au milieu d’année 2020 : il n’est en théorie plus possible depuis le 1er janvier 2021 d’indiquer « fabriqué en Normandie » sur les boîtes de camemberts qui ne sont pas sous appellation d’origine protégée, ce qui a provoqué une forte opposition de Lactalis.
Pour déguster un vrai camembert de Normandie AOP, il vous faudra, comme d’habitude, bien lire l’étiquette !
Article mis à jour