La transformation :
Les matières récupérées parlent d’elles-même. Ce sont leurs propres couleurs qui sont la base de ma palette. J’interviens dans le choix des associations colorées, des nuances avec lesquelles je travaille. J’ai adapté / détourné des machines existantes qui me permettent de produire mes lirettes.
La lirette est un moyen de recyclage textile utilisé depuis le 16ème siècle. Ce sont de fines bandes de tissus que l’on passe en fil de trame pour construire des tapis. J’ai commencé par enrichir et transformer la lirette pour concevoir un fil « unique », et ne plus l’utiliser comme fil de trame, mais comme fil de chaîne.
Le tissage :
Les fils sont installés un à un sur le métier à tisser. Pour assurer une solidité, l’étoffe est renforcée par un fil de polyester recyclé, qui lui apporte une tenue et une stabilité de la couleur. Une fois tissées, ces étoffes très colorées rappellent un décor d’un autre temps tout en étant agencées dans un design présent. Les variations de matières me permettent d’obtenir une pluralité d’aspects, de touchers. L’irrégularité créée devient matière unique, ces défauts faisant sa singularité, sa typicité.
Sac MÖUN #01 - Satchel
La complète transformation et réinterprétation des vêtements usagés ou passés de mode me permettent de proposer un produit « issu du réemploi » plus « noble ».
consoGlobe : Si vous créez en fonction des tissus dont vous disposez, cela signifie-t-il que chaque pièce est unique ? Quel est le processus qui amène à la création d’une pièce ? Entre le choix du tissu, le filage, la création, le tissage… Cela doit vous demander des heures de travail pour arriver à un produit fini ?
Olivia Clément : La naissance d’un sac Mashüt, c’est de 25 à 40 heures de travail.
Je commence par collecter la matière première, en sélectionnant des textures, des apparences diverses. Après en avoir fait une sauvegarde numérique la matière est dé-contextualisée, transformée, retravaillée / reconstruite, puis finalement tissée.
Je détermine les associations colorées avec lesquelles je vais travailler. Ce sont les couleurs originelles des matériaux qui sont la base de ma palette. Une fois la gamme de couleur posée, je prépare chaque lirette, chaque ruban qui sera mis sur le métier à tisser pour produire l’étoffe.
Le tissu se construit, patiemment, à raison de quelques centimètres par heure. Tout est tissé entièrement à la main. Une fois cette phase fabrication / ennoblissement réalisée , ce ne sont plus des matières / étoffes passe-partout, mais bien des pièces qui veulent faire « parler d’elles ».
En parallèle, je mets au point la forme du sac, sa « quincaillerie », ses accessoires, ses finitions. Les pièces sont découpées, assemblées, montées, cousues (le tout à la main), pour donner enfin naissance à un modèle unique. Chaque sac est identifié et numéroté, un livret raconte son histoire.
consoGlobe : Aujourd’hui, vous transformez des fripes, des tissus prêts à être jetés en sacs luxueux, travaillés. Comment envisagez-vous l’avenir, avez-vous déjà été repérées par des créateurs, des marques intéressées par le concept ?
Olivia Clément : J’espère pouvoir continuer à développer mon savoir-faire, enlever l’image parfois poussiéreuse et vieillotte que véhicule le tissage et surtout faire connaître et reconnaître mon travail auprès du public.
J’ai eu la grande chance de pouvoir collaborer avec Jean Paul Gaultier pour sa collection haute couture printemps/été 2001/2012 et le projet Mashüt a eu l’ honneur d’être récompensé du prix « vitrine d’or » du concours « vitrine pour un designer », ce qui m’a permis de nouer contact avec des professionnels et créateurs et de diffuser ce projet à la presse, mais il est bien trop tôt pour en dire plus.
Réemploi, recyclage, nouvelle vie, savoir-faire et fait-main… Une jolie marque pleine d’avenir et de bon sens à qui consoGlobe souhaite beaucoup de succès ! Et vous, qu’en pensez-vous ?
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