Suzanne Lee, une chercheuse du Central Saint Martins College de Londres, a développé une technique innovante pour produire des fibres de cellulose à partir de bactéries et de levures. Le résultat : un matériau biodégradable et résistant, qui ouvre une voie pour rendre l’industrie de la mode plus durable.
Actuellement, sur Terre, nous sommes dans l’urgence de trouver des ressources renouvelables et des techniques de production alternatives, n’entraînant pas de risques pour la nature et ne contenant ni pétrole, ni des substances chimiques nocives… Le défi est grand, surtout pour certaines industries comme la mode et le textile, pour lesquelles la dépendance, soit des fibres et teintures à base de pétrole, soit de l’exploitation de terres agricoles pour cultiver des fibres naturelles, est totale.
Une chercheuse du Central Saint Martins College of Art and Design de Londres pourrait bien avoir trouvé une solution. Suzanne Lee a en effet, réussi à développer un projet nommé « biocouture » qui permet la production de tissus à partir d’organismes tels que des bactéries, des algues, des levures ou des champignons. Grâce aux biomatériaux créés par ces organismes, elle est parvenue à fabriquer des tissus de cellulose, dont les propriétés ressemblent à celles du cuir.
Le matériau obtenu est complètement biodégradable, très résistant et peut être coloré à l’aide de teintures naturelles, tirées des fruits, du curcuma ou du curry, par exemple.
Blouson ‘biocouture’, imprimé avec des teintures naturelles / © House of Radon
La recette du textile « biocouture »
La formule pour réaliser ce type de fibres n’est pas aussi compliqué qu’il pourrait y paraître. Suzanne Lee utilise de gros récipients où, à une température inférieure à 30°C, elle mélange 30 litres de thé vert avec 2 kilos de sucre, des bactéries et des levures, et de l’acide acétique que l’on obtient lors de la distillation du vinaigre.
Le processus naturel de fermentation fait le reste. En se nourrissant du sucre, les bactéries filent de minuscules nanofibres de cellulose pure. Les fibres s’assemblent pour former des couches qui remontent à la surface. Au bout de deux semaines, on obtient une sorte de tissu qu’il suffit de découper, mouler ou coudre comme du cuir animal.
Ensuite, il faut les laisser sécher au soleil. Plus l’exposition au soleil est longue, plus les tissus deviendront fins et rigides.
L’écoconception va jusqu’au bout en prévoyant de teindre cette matière par le biais de processus ou produits naturels comme l’oxydation de fer qui donnera une couleur plus foncée, l’ajout de fruits et légumes pour créer des motifs colorés
Pour la fabrication de vêtements ou d’accessoires, on peut directement travailler et coudre les lamelles séchées, ou pour les formes particulières, on peut préalablement les faire sécher dans des moules, qui donneront une forme permanente à la matière.
Jupe ‘biocouture’ : une apparence proche au cuir / © House of Radon
Lee explique qu’il s’agit d’un processus de fermentation, dont le résultat rend un faux cuir, qui n’est ni animal, ni végétal. De plus, ce tissu de cellulose est 100 % compostable, tout comme les épluchures des fruits.
Les produits issus de la « biocouture » peuvent s’apparenter aux perles produites par les huitres ou encore à la fibre des vers à soie. Donc, lorsque l’on porte un « vêtement biocouture », ce n’est pas du tout de bactéries dont on s’habille, mais d’un matériau produit par leur activité.
Les fibres de cellulose peuvent être séchées dans des moules dont elles préservent la forme de façon permanente / © House of Radon
La biotechnologie au service de la mode et de l’environnement
Pour renforcer les propriétés de la « biocouture », Suzanne Lee envisage de colorer cette matière avec de l’indigo, une teinture naturelle qui a en plus, un effet anti-microbes.
Mais, son objectif est plus ambitieux quand elle se prend à imaginer des matériaux textiles composés d’organismes vivants, qui travailleraient en symbiose avec le corps humain pour le nourrir et même détecter les signes de maladies.
Suzanne Lee, la chercheuse qui a développé la biocouture/ © House of Radon
Préserver les ressources naturelles
Cette innovation pourrait bien révolutionner l’industrie textile que l’on sait polluante, et offrir une alternative intéressante aux matières premières utilisées qui épuisent les ressources naturelles.
L’un des avantages indéniables à développer ce genre de matériaux est l’absence totale de déchets : on ne fait pousser que la quantité nécessaire. Également, le processus ne nécessite aucune électricité. Enfin, le tissu ainsi formé est entièrement biodégradable : plus question de jeter sa vieille veste à la poubelle, il suffira de la mettre dans le compost.
Mais avant d’en arriver là, reste à résoudre le principal défaut de ce tissu « biocouture » : la résistance à l’eau. En effet, dans l’état actuel, les fibres de cellulose créées par les bactéries absorbent l’eau, donc en cas de contact avec la pluie, les vêtements « biocouture » deviennent très lourds, voire se décomposent. Pas très pratique !
En savoir plus sur : TED.com Suzanne Lee : Faites pousser vos propres vêtements