Suite de notre « revue » des défis auxquels nous confronte l’explosion de la demande énergétique mondial : après le défi de l’habitat producteur d’énergie, après le défie l’efficacité des énergies renouvelables visant à la parité réseau et celui, crucial du stockage de l’énergie, voici un enjeu énorme. Celui de la récupération de l’énergie et des réseaux de chaleur.
Si on stocke l’énergie, il faut aussi la transporter et la distribuer « à point »
Réseau électrique haute tension classique
Avec des millions d’habitations produisant et stockant de l’énergie, le réseau de distribution électrique se complexifie et doit proposer des fonctionnalités nouvelles. Tout d’abord, il faut transporter l’énergie de là où elle est en surplus là où on en a besoin et pour cela il faut une « intelligence » dans le réseau pour détecter et gérer les besoins qui fluctuent en permanence entre des millions de points.
Signalons au passage, que ce ne sont pas seulement les habitations (ou des grosses centrales de production) qu’on envisage de rendre « productrices » d’énergies renouvelables. Les recherches actuelles portent sur la production d’électricité par tous les objets possibles et imaginables : les planches d’un dancing[1], la veste que vous portez, les semelles de vos chaussures de sport[2], les roues de votre voiture[3], … la production électrique va être à l’oeuvre à des échelles parfois minuscules mais partout. Et il va bien falloir la canaliser, la stocker, la répartir en fonction des besoins.
L’enjeu des réseaux de distribution
Sans réseau efficace, pas la peine de produire comme le montre l’exemple chinois. En 2011, 16 % de l’énergie éolienne ont été gaspillés selon la très officielle Commission nationale de contrôle de l’électricité. La cause de ce gaspillage est simple : les investissements dans le réseau ne suivent pas ceux des centrales de production.
La Chine, plus gros producteur mondial d’énergie éolienne, peine à absorber ses watts produits par le vent. En 2011, c’est 6,6 milliards de yuans (environ 835 millions d’euros) qui n’ont pas pu être consommés à cause des faiblesses du réseau électrique. 12 300GW.h supplémentaires auraient pu être produits si le nombre et la qualité des lignes de transmission avaient été suffisants.
Les réseaux intelligents ou smart grids
Ce sont les réseaux intelligents, ou smart grids en anglais, qui vont s’en charger. Ceux-ci sont donc comme un système nerveux qui régule en permanence et en temps réel l’équilibre entre la demande et la production. Chaque habitation, chaque usine ou bâtiment peut déverser son surplus énergétique dans le réseau central intelligent ou bien lui en acheter. Le réseau recense ce qui est consommé et anticipe les besoins : l’électricité est éventuellement déstockée puis canalisée vers là où on en a besoin.
Cette technologie qui existe bel et bien permet donc de rendre viable au niveau d’un marché, d’une économie globale, une production énergétique extrêmement localisée. Le réseau mémorise que telle usine débute sa production vers 6 heures le matin et que telle tour connait un pic de consommation vers 17 heures. Il sait que tel quartier résidentiel est en basse consommation de 9 à 17 heures. Ainsi, il peut « lisser » la production et limiter les pertes que connaissent les systèmes électriques classiques. Sans ces réseaux, impossible de coordonner des centaines de milliers de producteurs d’énergie utilisant des sources intermittentes (solaire, éolien, …).
Les boîtiers intelligents chez le consommateur
Depuis 2010, le réseau de distribution ERDF teste un nouveau compteur « communiquant », baptisé Linky. C’est ce genre de compteurs dont a besoin un réseau électrique intelligent pour collecter puis transmettre les informations de chaque unité d’habitation en termes de consommation ou de production. Pas de smart grid sans compteur intelligents.
Le Linky a pour particularité d’être pilotable à distance par ERDF au niveau des relevés de compteur, des changements de puissance ou (re)mises en service, via notamment un système d’alarme qui prévient de toute anomalie.
Transmettant ainsi l’évolution de notre consommation en temps quasi réel, Linky permettrait également d’éviter une sur-production au niveau des centrales thermiques, engendrant ainsi une pollution moindre. Après une phase d’expérimentation sur l’agglomération lyonnaise et en Indre-et-Loire, le compteur Linky pourrait être généralisé sur toute la France, remplaçant ainsi près de 35 millions de compteurs pour un montant de 4 milliards d’euro d’ici 2020.[4]
Les gains à attendre de cette intelligence de gestion énergétique sont énormes.
Aux Etats-Unis, le Département de l’énergie est bien conscient que les enjeux sont majeurs et estime que les smart grids pourraient améliorer l’efficacité du réseau électrique de 5 %.
Or, 5 % aux USA, cela représente un gain de 46 à 117 milliards de dollars d’ici à 2023 et l’équivalent de 53 millions de voitures ( !) en termes d’émissions de gaz à effet de serre.
Le projet européen Supergrid
Le projet supergrid est soutenu par l’Etat français à hauteur de 86 millions d’euros.