Faisons suite à notre revue des défis liés à la transition énergétique : après avoir constaté que la consommation d’énergies fossiles ne baisse pas alors que la demande énergétique mondiale explose, le premier défi de la révolution énergétique concerne l’habitat, appelé à devenir un producteur d’énergie, économe, propre et délocalisé. Le second défi concerne l’efficacité des énergies renouvelables. Explications
Deuxième défi énergétique : produire des énergies renouvelables efficaces et rentables
Le défi de l’efficacité

Le défi majeur des énergies renouvelables, c’est celui du coût de revient et donc de l’efficacité qui consiste à produire l’énergie de manière rentable. Autrement dit, il faut que les technologies de production d’énergie renouvelable continuent à progresser pour assurer leur diffusion à grande échelle.
Pourtant, la technologie ne pourra pas tout !
Car ce sont nos comportements qui en contrebalancent parfois les éventuels bénéfices. « Une grande partie des progrès sont effacés par l’augmentation de la taille des appareils », regrette Thierry Salomon. C’est par exemple le cas des écrans plats, plus sobres à taille égale que les tubes cathodiques, mais dont la consommation réelle s’envole car les consommateurs préfèrent les écrans géants. C’est aussi le cas des réfrigérateurs, qui grandissent presque aussi vite qu’ils font des progrès en terme de consommation. C’est aussi le cas des avions, dont les progrès sont effacés par la frénésie de déplacements.
« L’évolution des modes de vie – l’augmentation du nombre de divorces et de célibataires, le fait que les grands-parents ne vivent plus avec leurs enfants, par exemple – augmente la surface moyenne que chacun d’entre nous utilise, ce qui accroit les besoins de chauffage ou d’éclairage. Et les efforts – réels – de réglementation ne concernent que le neuf, soit 1 % seulement du parc immobilier chaque année », conclut Thierry Salomon.
A quoi ressemblera la production énergétique dans vingt-cinq à quarante ans ?
Probablement à ce qu’elle est aujourd’hui : encore beaucoup de pétrole et de gaz, bien que les futurs gisements, bien plus complexes et onéreux à exploiter, ne permettront pas de compenser la baisse des anciens puits où l’or noir et le gaz coulaient à flot. Mais aussi de charbon, au risque d’aggraver la surchauffe du climat. Avec un zeste de nucléaire.
Restent les énergies renouvelables, soleil et vent en tête, les seules capables d’assouvir complètement nos besoins énergétiques. D’ici 2050, on doit espérer qu’elles auront enfin pris la place qui leur revient, même si leur développement reste plus que jamais lié à l’audace des politiques publiques. L’Allemagne s’est engagée avec volontarisme dans la voie de l’énergie propre : elle prévoit de doubler la part des énergies renouvelables à 35 % de sa consommation en 2020, 50 % en 2030, 65 % en 2040 et 80 % en 2050.
Est-ce possible ?
L’exemple des Etats-Unis le laisse croire. Une étude très complète identifie précisément les conditions du basculement énergétique au sein de la première économie mondiale.(1) Elle détaille la faisabilité technique du déploiement de la production des énergies renouvelables (biomasse, géothermie, hydroélectricité, solaire, éolien…) avec différents scénarii de consommation et de production.
Conclusion : cette analyse suggère qu’un avenir à haute production d’énergie renouvelable est possible, et qu’une transformation du système électrique sera nécessaire. Pour y parvenir, les Etats-Unis devront :
- se doter d’un réseau de distribution électrique intelligent longues distances («supergrid») capable de transporter l’énergie et de réguler l’offre et la demande d’un bout à l’autre du territoire,
- être capable d’absorber les surcapacités de production pour répondre aux pics de demande quand la production renouvelable ne suit pas,
- déployer des capacités de stockage de l’électricité (de 20 GW en 2010 à 100-152 GW en 2050) notamment par de nouvelles installations de stockage de gaz naturel, ainsi qu’une capacité d’effacement (de 15,6 GW en 2009 à 48 GW en 2050),
- Inciter les habitants et surtout l’industrie à consommer en période de faible demande.
Le solaire photovoltaïque progresse
Régulièrement sont publiés à un bout ou l’autre de la planète des communiqués de laboratoires qui battent le record d’efficacité pour les cellules photovoltaïques : en 2008, le record de 40,8 % de rendement a été atteint par le laboratoire national sur les énergies renouvelables de Golden au Colorado et faisait suite à celui de Boing-spectrolab qui était de 40,7 %.

Depuis, Sharp a annoncé une efficacité de 43,5 %… Très récemment, une équipe vient d’annoncer avoir atteint un record de conversion avec une cellule photovoltaïque organique (9,31 %), un nouveau domaine de recherche !*
A très court terme, deux phénomènes peuvent masquer cette évolution inéluctable.
Tout d’abord, le recours accru à de l’électricité importée produite dans des centrales à gaz ou à charbon par l’Allemagne qui a brutalement renoncé au nucléaire en 2010. Puis, plus marquant encore, la soudaine « impression d’abondance » que donne l’explosion des carburants fossiles non conventionnels : outre les désastreux sables bitumineux, on pense aux énormes réserves de gaz de schiste. Il y a une quinzaine d’années, on ignorait comment exploiter ce gaz contenu dans ces formations géologiques. Ce gaz est aujourd’hui extrait en grande quantité aux États-Unis où il représentait déjà 12 % de la production locale de gaz contre seulement 1 % en 2000. Au cours de la dernière décennie, la mise en exploitation des gaz de schiste a permis une augmentation de 25 % de la production américaine de gaz naturel. Et cela change complètement les perspectives énergétiques de la première puissance économique mondiale.
Vers 2030, l’Amérique du Nord prévoit d’être autosuffisante sur le plan énergétique. Et au grand désarroi des défenseurs de l’environnement, les États-Unis exporteront même du gaz naturel ! Ils ne dépendront plus des pays producteurs du Moyen-Orient ou de la Russie. En avril 2011, l’Agence d’information sur l’énergie, un organisme public américain, a publié ses estimations sur les réserves exploitables de gaz de schiste. Plusieurs pays ont le potentiel pour devenir de grandes puissances gazières : le Canada, l’Argentine, l’Afrique du Sud, l’Australie, la Chine, la France, la Pologne, l’Ukraine. La géographie mondiale de l’énergie pourrait s’en trouver complètement bouleversée.
Mais en Europe et notamment en France, l’évaluation de ce type de ressources (non renouvelables) démarre à peine. Selon certains experts, les réserves mondiales de gaz de schiste seraient 4 fois plus importantes que les ressources en gaz conventionnel. (2) De quoi attiser bien des appétits notamment dans les pays à l’économie flageolante. Le gaz de schiste va donc contrarier les espoirs de ceux qui veulent passer le plus vite possible au « tout énergie verte ». Dans la production de gaz, les gaz non conventionnels, constitués par les gaz de réservoir compact « tight gas », les gaz de schistes et les gaz de charbon appelés « coal-bed methane » (CBM), sont amenés à occuper une place de plus en plus importante. Ils ne représentent que 13 % de la production mondiale de gaz en 2009, mais atteindront près du quart de la production mondiale en 2035.
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* Cette publication a été faite dans la revue Nature Photonics.
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