L’irradiation des aliments, ou ionisation des aliments, est aujourd’hui une pratique courante pour favoriser le développement des échanges internationaux. Cette méthode dite moins néfaste que d’autres modes de conservation des aliments, limite l’usage des produits chimiques. Cependant, les associations sont de plus en plus nombreuses à contester les avantages de l’irradiation, suspectant notamment des risques de cancérogénèses. L’irradiation, néfaste pour notre santé et l’environnement ?
Moins inquiétant que de parler d’irradiation , l’ionisation de certaines denrées alimentaires n’en reste pas moins un sujet assez tabou sur lequel le consommateur n’est que très peu informé. A l’heure où les langues se délient pourtant, où nous sommes demandeurs d’informations fiables et de communication transparente, peut-être est-il temps de ressortir les sujets qui ont pu faire polémique avant de retomber dans l’oubli.
Article écrit par Nolwen en 2014 et mis à jour par Sonia en octobre 2015.
L’irradiation, une technique qui a fait ses preuves mais…
L’origine de l’irradiation
Inventée dans les années 1940, l’irradiation est une technique devenue ordinaire de décontamination des aliments, tout en leur permettant une meilleure conservation. Pour cela, les denrées sont soumises à un rayonnement gamma (ou à un faisceau d’électrons) de très haute énergie. Il s’agit donc d’une technologie nucléaire(1).
Tout d’abord testée en laboratoire dans les années 1948 avec des rayons X , l’ionisation décolle vraiment en 1950 avec l’utilisation du Cobalt 60. Jugée sans danger par l’OMS en 1980 , elle entre alors dans son âge d’or avec son emploi à grande échelle sur les aliments dans de très nombreux pays.
Quels sont les avantages de la ionisation des aliments ?
Certains considèrent que la ionisation des aliments n’a pas de conséquence sur la santé © Shutterstock
Dès 2005, 7 centrales d’irradiation des aliments avaient été référencées en France : c’est une pratique courante. Pour mieux comprendre de quoi il est question, commençons par une définition : la ionisation, de par son rayonnement, permet d’éliminer une certaine quantité de micro-organismes et divers bactéries responsables de la dégradation des aliments, pouvant causer les fameuses intoxications alimentaires.
En d’autres termes, la ionisation des aliments améliore la salubrité de ces derniers en réduisant les charges microbiennes. Par ailleurs, les aliments ayant subi ce type de traitement ne sont en aucun cas radioactifs comme nous pourrions l’imaginer, mais irradiés.
Dans ce sens, les promoteurs de cette technique diront que la ionisation est un moyen efficace de lutter contre les maladies caractéristiques des aliments comme la salmonellose. Toujours selon ce point de vue, la ionisation représente une alternative sûre et propre à la fumigation chimique, et permet de réduire les pertes postérieures à la récolte.
- En dessous de 10eV (Électron-volt), les radiations sont non ionisantes, on y classe notamment les rayonnements ultra-violets et infrarouges.
- La ionisation n’est pas autorisée sur tous les types d’aliments.
Irradiation des aliments, quels dangers ?
Bien que l’irradiation soit efficace en termes d’alternative aux conservateurs chimiques, elle présente aussi des inconvénients assez lourds. En effet, l’irradiation entraîne la destruction d’une partie des nutriments et des vitamines que contiennent les denrées.
D’autre part, elle est responsable de la formation de radicaux libres, pouvant entraîner l’altération des caractéristiques organoleptiques des aliments. De plus, les aliments irradiés peuvent tromper le consommateur car ils sont sains en apparence, mais ne le sont pas toujours (une alternative douteuse au respect des pratiques sanitaires ?).
Ce fruit a-t-il été irradié ? Non, pas en Europe, grâce à la réglementation © Shutterstock
Enfin, sur le plan environnemental, les animaux de laboratoire nourris sur le long terme avec des aliments irradiés souffrent de plusieurs maladies génétiques comme les malformations, et l’irradiation faisant appel à l’industrie nucléaire, la pollution se manifeste à plusieurs niveaux (déchets, CO2, radioactivité, transport…).
Quels sont les principaux risques potentiels pour le consommateur ?
On soupçonne les aliments irradiés de subir des modifications génétiques qui pourraient provoquer des cancers. D’autre part – et là , le doute n’est pas de mise, la production de radicaux libres induite par cette technique de conservation a un rôle prépondérant dans le déclenchement du processus de dégradation cellulaire.
Les associations pointent du doigt la ionisation
Face à une telle polémique sur l’irradiation, qui se développe à travers le monde, des associations étrangères et françaises telles que Action Consommation, la Fédération Nature et Progrès ou encore Les Amis de la Terre n’ont pas tardé à réagir. Parmi leurs requêtes envers le gouvernement et la Commission européenne, on trouve :
- L’attribution de fonds pour une recherche, indépendante et transparente, sur les effets pour la santé de la consommation d’aliments irradiés,
- Une modification de la liste des aliments autorisés en France,
- Une mise en place d’enquêtes sur les fraudes,
- Des contrôles significatifs par les différents pays de l’Union Européenne, et la mise en place de sanctions.
Ainsi, campagnes, communiqués, pétitions et rencontres se multiplient pour inciter les consommateurs à la mobilisation contre cette pratique qu’elles considèrent des plus douteuses…Et vous ?
Irradiation – A savoir
- En France, la ionisation concerne les volailles, les fruits et légumes secs, les germes et flocons de céréales pour produits laitiers, les oignons, l’ail, l’échalote, la farine de riz, les cuisses de grenouilles et les crevettes.
- Dans l’Union européenne, plus de 15 000 tonnes de denrées alimentaires ont été ionisées en 2006(2).
- La Chine est passée de 7 unités d’irradiation en 2003 à 50 en 2006, l’Inde a prévu 25 nouvelles installations d’ici 2012.
Ionisation des aliments : où en est-on en 2015 ?
Irradiation – Quelles sont les réglementations ?
La Commission conjointe du Codex Alimentarius FAO/OMS associée à d’autres organismes de réglementation ont établi des principes fondamentaux pour l’irradiation des aliments en complément des procédures essentielles de contrôle.
En Europe, la directive européenne 1999/2/EC édicte les lois en matière d’aliments et d’ingrédients alimentaires traités par rayonnement ionisant. Actuellement, une seule catégorie alimentaire, celle des herbes séchées, épices et condiments végétaux, est évoquée sur la liste des produits alimentaires pouvant être irradiés.
Thym frais : on évite la ionisation…
Par ailleurs, la directive établit des dispositions comprenant la source du rayonnement ionisant, les contrôles sur le taux de radiation autorisé et les conditions d’étiquetage des produits alimentaires. Les conditions d’importation des produits alimentaires irradiés doivent également être indiquées.
Cependant, ces règlementations sont actuellement jugées inefficaces, de par un manque de contrôle évident et des données insuffisantes sur les risques sanitaires, sans oublier les fraudes de plus en plus fréquentes…
En Europe il n’y a malheureusement pas de consensus quant à l’autorisation de l’ionisation. Ainsi , huit pays – dont la France – autorisent cette pratique tandis que d’autres l’ont définitivement bannie.
Et le consommateur, dans tout ça ?
Là encore, le flou demeure. Bien que l’indication – logo à l’appui – de l’ionisation soit obligatoire , elle n’est absolument pas contrôlée et invite donc facilement à la fraude. Tout est fait pour berner le consommateur : le logo lui-même – une petite fleur enfermée dans un cercle – suscite pour le béotien un sentiment de confiance plutôt que l’angoisse et ce n’est pas parce que le fabricant promet que ses herbes sèches n’ont subi aucun traitement en France qu’elles n’en ont pas fait l’objet dans leur pays d’origine ! Le citoyen lambda est-il en mesure de recevoir une information sûre sans devoir passer par un parcours du combattant ? Difficile…
Pour avoir la certitude de consommer des aliments non ionisés, le label bio reste le seul garant sanitaire car il n’autorise pas l’irradiation des produits soumis à sa charte de qualité. Ouf !
Illustration bannière : Certains considèrent que la ionisation des aliments n’a pas de conséquence sur la santé © Shutterstock