Avenir des énergies renouvelables : interview de Jean-Marie Santander, PdG de Global EcoPower

Rédigé par Stephen Boucher, le 26 Mar 2015, à 18 h 29 min
Avenir des énergies renouvelables : interview de Jean-Marie Santander, PdG de Global EcoPower
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Economie et énergies renouvelables

La révision des modes de soutien financier aux énergies renouvelables en Europe est-elle de nature à faciliter la maturation et les investissements dans le secteur ?

C’est à mon sens un des sujets les plus importants de la transition énergétique. Récemment (le 16 janvier 2015) un rapport sur l’évolution des modes de soutien aux ENR a été publié. Il démontre que les modes de soutien doivent inciter les investissements, permettre d’atteindre les objectifs et évoluer dans le cadre du « canevas européen » découlant des aides d’Etat adoptées en 2014. Drôle de casse-tête !

Il faut également prendre en compte un élément nouveau que les responsables politiques européens ne « veulent pas voir » : les investisseurs dans les ENR peuvent intervenir en Europe mais également dans les pays émergents, en Chine, en Inde, aux USA, etc. Nous constatons l’intérêt récent de General Electric pour l’éolien en Éthiopie et d’autres agents économiques de référence pour l’Afrique subsaharienne, le Maghreb, la Chine, l’Inde, etc. Nos politiques européens doivent donc intégrer dans leurs réflexions un critère nouveau : la concurrence.

Si demain Global EcoPower devait arbitrer entre un pays émergent ou en voie de développement, qui offrira un contrat de 20 à 25 ans pour le rachat de l’électricité, avec la mise en place d’une garantie extérieure permettant de financer l’opération et la France, où les modalités seront moins attractives, nous choisirons le pays qui offrira le meilleur rendement stable.

Sans oublier que dans ces pays les conditions d’ensoleillement et/ou de vent sont bien meilleures et permettent ainsi de pouvoir vendre l’électricité moins chère… En effet, la rentabilité d’une opération, toutes choses égales par ailleurs, est directement liée au chiffre d’affaires. Or ce dernier, pour l’éolien et le photovoltaïque, est le produit du prix de vente d’électricité par le nombre d’heures de fonctionnement. Les critères de vent et d’ensoleillement deviennent donc majeurs.

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France et Europe tirent-elle leur épingle du jeu dans la course mondiale aux énergies renouvelables ?

Comme je vous l’indiquais précédemment, la France et l’Europe sont exposées au risque de la concurrence. Le nouveau développement des énergies renouvelables dans de nombreux pays va progressivement « catalyser » les investisseurs hors de France et plus généralement hors d’Europe. À mon sens, les Français et les Européens n’ont pas encore intégré le danger que représentent ces nouveaux pays, qui bénéficient de conditions naturelles (soleil et vent) meilleures et qui permettent aux investisseurs de se diversifier géographiquement.

Tout le monde sait que la pérennité dans les énergies renouvelables passe par la mutualisation des risques naturels et financiers.

L’Union de l’énergie proposée par la Commission européenne vous apporte-t-elle des perspectives de croissance à court terme ?

C’est une bonne idée. Mais sera-t-elle suffisante pour faire face à la concurrence dont j’ai parlée précédemment ? On peut en douter. L’enjeu est pourtant majeur car le développement des ENR est aussi un levier pour créer de la croissance et de l’emploi.

Face aux moins bonnes conditions climatiques dont jouit le continent européen, l’Union de l’énergie doit offrir d’autres avantages : rendre l’énergie renouvelable pérenne et durable, et ce, par-delà les frontières. Le développement des énergies renouvelables hors d’Europe va créer de nouveaux emplois et de nouvelles compétences permettant ainsi aux entreprises européennes d’exporter davantage et de booster leur croissance.

Si les perspectives à court terme seront portées par les décisions d’investissement évoquées précédemment, les constructions de centrales mettant en oeuvre des ENR en Europe à moyen et long terme risquent d’être fortement impactées par l’arrivée des nouveaux pays dans le monde des ENR.

Qu’attendez-vous de la loi de transition énergétique française ? Quels sont les principaux freins au développement des énergies renouvelables à lever aujourd’hui ?

J’attends qu’elle définisse les règles pour les trente prochaines années. Mais je ne suis pas optimiste. En effet, l’Europe est enfermée dans ses propres règles et les nouveaux pays s’intéressant désormais aux ENR et bénéficiant de conditions climatiques meilleures, vont venir concurrencer directement les Etats-membres européens.

Nous constatons déjà sur le terrain l’arrivée de majors de notre activité qui misent désormais sur les pays nouveaux. Cela devrait se renforcer et constituer un frein important pour le développement des ENR en Europe !

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Quelles perspectives de croissance voyez-vous pour Global EcoPower en France et en Europe dans les prochains mois ? Quels sont les principaux investissements dont les Français pourront bénéficier à court terme ?

Comme cela a été annoncé dans la presse, Global EcoPower anticipe son développement hors de France et a pris le contrôle de Nova Power pour pouvoir se développer dans les pays attractifs.

Pour pérenniser son activité, Global EcoPower anticipe que le développement du photovoltaïque se fera au détriment de l’éolien et a donc décidé de renforcer sa structure en prenant une part importante du capital du groupe industriel espagnol Enersol.

À court terme, Global EcoPower va renforcer sa présence en France dans l’éolien et va bâtir une force de croissance importante dans le photovoltaïque, hors de France. À moyen et long termes Global EcoPower va être très active dans le photovoltaïque hors de France.

Dans votre boule de cristal, quelles ruptures technologiques voyez-vous changer la donne, à court ou moyen terme, dans le domaine de la production ou du stockage d’énergies renouvelables ?

Je ne vois pas beaucoup de barrières technologiques mais plutôt des « barrières naturelles » avec la concurrence qu’offrent de nouveaux pays en termes de vent ou d’ensoleillement.

Certes le stockage d’électricité reste encore un problème au développement des ENR qui sont naturellement intermittentes. Il y a des avancées significatives et on parle d’un investissement d’une centaine de milliards d’euros dans les dix prochaines années.

Mais le stockage de l’électricité peut également se prévoir en stockant la vapeur, l’air comprimé, l’eau, l’hydrogène, etc. à vrai dire, le potentiel de développement est énorme dans tous les domaines !

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Stephen Boucher est anciennement directeur de programme à la Fondation européenne pour le Climat (European Climate Foundation), où il était responsable des...

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