CG : vous faites partie des pionniers de l’habitat groupé en France ; en tant que tels, quelles sont, selon vous, les grandes étapes pour mener à bien un tel projet ?
Dans un premier temps, il faut constituer un groupe. Celui-ci doit être animé par des envies communes, guidé par les mêmes visions et doit partager les mêmes valeurs. D’abord, on se rencontre. Cela commence avec 2 ou 3 familles, puis la discussion s’ouvre à d’autres. Ensuite, on monte un projet commun. Cela peut être par exemple l’envie de créer un habitat groupé multigénérationnel. Le groupe « toitmoinous » à côté de chez nous est partie d’une réflexion sur le vieillissement. D’autres peuvent avoir envie de monter un projet autour de l’éducation des enfants, etc.
La 2ème étape consiste à déterminer le tronc commun du groupe : souhaite-t-on vivre en ville ou à la campagne, rénover de l’ancien ou construire, etc. Se poser la question de la dimension du terrain ou de la construction en paille doit arriver par la suite. Ce qui est important à déterminer dès le départ c’est ce qu’on veut réellement : souhaitons-nous monter un projet solidaire, un projet axé sur l’écologie ou quelque chose de tout autre ?
La seule volonté de construire durable par exemple n’est pas suffisante pour envisager de vivre dans un habitat groupé. Il faut impérativement une dimension sociale au projet.
Une fois le projet bien structuré, on peut passer à la partie pratique, ce serait la 3ème étape. Et c’est un gros morceau : trouver le terrain. Il est vraiment difficile de trouver un terrain pour des projets d’habitat groupé, surtout en ville.
Aujourd’hui, des initiatives comme le Réseau écohabitat groupé (www.ecohabitatgroupe.fr) simplifient les choses. Le réseau coordonne quantité d’initiatives locales. Chez nous, dans le Nord, la ville de Lille répond à ce genre de demandes. Elle dégage des terrains qu’elle vend en priorité pour la construction d’habitats groupés. Elle en a réservé plusieurs qu’elle cédera à des prix non spéculatifs. Ces terrains sont au départ destinés à des organismes parapublics. Ce type d’actions concrètes est vraiment encourageant.
Le côté négatif c’est que ce genre d’appels d’offre met en concurrence des groupes dont les projets sont de valeur égale.
Enfin, les projets doivent être crédibles, le plan de financement solide. Des projets comportant une trop grande proportion de parties communes paraît difficile à gérer à long terme. A un moment donné se posera la question de qui paie quoi, à quelle hauteur ? Chez nous, les parties communes ne représentent que 10 % du logement.
La 4ème et dernière étape consiste à définir le statut juridique. Jusqu’à maintenant, il n’en existe pas. Mais cet aspect risque de changer d’ici peu puisque depuis le 28/03/2013, l’habitat groupé est inscrit dans le projet de loi urbanisme et logement. Il pourra être de 2 types : soit des sociétés en autopromotion, soit des coopératives d’habitants.
Le statut d’autopromotion ressemble grosso modo à une SCI. Dans une coopérative d’habitants basée sur le principe « 1 homme, 1 voix », le coopérateur est locataire mais aussi propriétaire de parts sociales de la coopérative. Les 2 statuts représentent une réelle avancée pour l’habitat groupé en France, puisqu’ils reconnaissent l’habitat participatif et les locaux communs.
CG : selon vous, à quel type de difficultés peut-on s’attendre lorsque l’on souhaite créer un éco-habitat groupé ?
Comme je viens de l’évoquer, une fois que le groupe est constitué et qu’on a trouvé le terrain, une autre grande difficulté à laquelle peuvent être confrontés les groupes souhaitant se lancer est le cadre juridique. Nous avons opté à l’époque – c’était il y a 25 ans – pour la SCC, société civile de construction. C’est la SCC qui est propriétaire de notre habitat groupé. Chaque famille du groupe est propriétaire de parts qui correspondent à sa propre maison, une partie de la maison commune et une partie du terrain.
Nous gérons notre habitat groupé via une association loi 1901 et des cotisations trimestrielles. Il n’y a pas de président. Notre fonctionnement n’est pas construit sur un modèle hiérarchique. Il y a quand même une trésorière pour des questions de commodité : elle donne l’état des comptes mais ne prend pas de décision seule sur nos dépenses. Sinon, nous sommes tous également responsables. Les décisions pour chaque point sont prises collectivement lors de nos réunions mensuelles.
Si jamais un propriétaire souhaite revendre sa maison, il revend un lot qui englobe sa maison et ses parts de la maison commune et du terrain. Mais il ne revend pas son logement dans son coin. Il doit avertir toute la collectivité puisque c’est l’ensemble du groupe qui est concerné. Il faut que le nouvel acheteur rencontre tout le monde également. Cela peut être délicat, d’où le besoin d’un cadre législatif.
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