Antienne des militants anti-éoliennes : les éoliennes tueraient – massivement – les oiseaux. Question importante que se posent aussi nos lecteurs. Qu’en est-il ? Une étude de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, que l’on ne peut suspecter de ne pas vouloir le bien des oiseaux, vient confirmer ce que révélaient de précédents travaux : les éoliennes sont bien la cause de morts additionnelles d’oiseaux, mais on est bien loin du massacre.
Quand on allumera la lumière en 2020, une grande partie de l’électricité proviendra des énergies renouvelables et, notamment, des éoliennes. C’est le sens des orientations officielles françaises qui prévoient 32 % d’électricité renouvelable d’ici 2030. Dans ce nouveau ‘mix’ électrique, l’éolien a le vent en poupe et les craintes doivent être dissipées : non, les éoliennes ne tuent pas les oiseaux en masse. Mais les tuent-elles plus que ce qui peut être acceptable ? C’est la question à laquelle de nouvelles études essaient de répondre, dont la première analyse globale et consolidée effectuée par la LPO sur tout le territoire national, publiée mardi 20 juin(1).
Les oiseaux tués, un argument classique des anti-éoliennes
Durant un an, la LPO a fait le nécessaire pour répondre à la question : elle a compilé et analysé 197 rapports de suivi, réalisés sur un total de 1.065 éoliennes réparties sur 142 parcs français. De fait, les chiffres auraient, pour le non averti, de quoi faire peur : pour une éolienne de 170 mètres de haut, la vitesse des lames en bout de pale peut atteindre 270 km/h. Le bon sens voudrait que les oiseaux ne soient pas en mesure de les éviter.
Heureusement, d’amas d’oiseaux au pied de chaque mât d’éolienne, vous ne verrez point. Verdict de la LPO : « Le nombre de cas de collisions constatées est extrêmement variable d’un parc à l’autre et apparaît relativement faible au regard de l’effort de prospection mis en oeuvre : 37.839 prospections documentées ont permis de retrouver 1.102 cadavres d’oiseaux. L’estimation de la mortalité réelle (prenant notamment en compte la durée de persistance des cadavres et le taux de détection) varie selon les parcs de 0,3 à 18,3 oiseaux tués par éolienne et par an, des résultats comparables à ceux obtenus aux États-Unis (5,2 selon Loss et al, 2013) ou au Canada (8,2 selon Zimmerling et al., 2013).«
Une mortalité à mettre en perspective
Soit bien moins que l’hécatombe causée par les lignes électriques ou les immeubles par exemple : une étude a ainsi estimé la mortalité des oiseaux aux Pays-Bas à 163 à 217 décès par kilomètre de ligne électrique à haute tension !(2). Selon les mêmes auteurs, l’estimation de la mortalité serait de 130 et 174 millions d’oiseaux par an par les lignes à haute tension aux États-Unis. Étonnant que les amoureux de l’avifaune se préoccupent des mâts d’éoliennes qui cachent la forêt des pylônes électriques, vous ne trouvez pas ?
Oiseaux et éoliennes © J. Marijs
Certes, les éoliennes sont responsables d’une certaine mortalité d’oiseaux et de chauves-souris. Les impacts des parcs éoliens sur la faune sont de trois types : mortalité par collision, dérangement, perte d’habitat, et sont variables en fonction des espèces, saisons, milieux, et taille des parcs éoliens, l’étude de la LPO montrant cette variabilité.
Les oiseaux empruntent les courants éoliens les plus forts et donc les plus favorables à la production d’énergie éolienne. Mais la menace représentée par les éoliennes serait bien plus faible que celle générée par l’utilisation massive des carburants fossiles, avec leur lot de conséquences directes et indirectes sur la mortalité des oiseaux (pollution atmosphérique et changements climatiques), ainsi que d’autres perturbations humaines à l’habitat de l’avifaune.
Point noir au tableau : la mortalité près des zones Natura 2000
La LPO relève toutefois dans son étude un souci particulier : « l’implantation des éoliennes dans ou à proximité des ZPS (Natura 2000) génère la plus grande mortalité« . La Ligue précise en effet que « la mortalité directe due aux éoliennes est au moins deux fois plus importante dans les parcs situés à moins de 1.000 m des Zones de Protection Spéciale (zones Natura 2000 au titre de la Directive Oiseaux) et elle y affecte bien plus qu’ailleurs les espèces patrimoniales« .
Elle recommande donc, « les parcs les plus anciens – ceux mis en service avant 2004 – étant plus souvent que les autres situés dans des espaces naturels et à proximité des ZPS« , de prendre en compte de manière très sérieuse les enjeux de biodiversité au moment du renouvellement de ces parcs éoliens.
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illustration : Oiseaux et éoliennes © J. Marijs
Références :
- http://eolien-biodiversite.com/IMG/pdf/eolien_lpo_2017.pdf (Cliquez sur cette source pour remonter)
- ERICKSON, W.P., JOHNSON, G.D. & YOUNG JR., D.P. 2005 : A Summary and Comparison of Birds Mortality from Antropogenic Causes with Emphasis on Collisions. USDA Forest Service, Technical Report PSW-GTR-191 : 1029-1042 (Cliquez sur cette source pour remonter)
- “Synthèse des sources de mortalité aviaire d’origine anthropique au Canada”, http://www.ace-eco.org/vol8/iss2/art11/ (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Benjamin Sovacool, “Contextualizing avian mortality : A preliminary appraisal of bird and bat fatalities from wind, fossil-fuel, and nuclear electricity”, https://ideas.repec.org/a/eee/enepol/v37y2009i6p2241-2248.html (Cliquez sur cette source pour remonter)
- The impact of free-ranging domestic cats on wildlife of the United States, Scott R. Loss, Nature Communications, 4, Article number : 1396 (2013) (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Étude menée pour Bat Conservation International, organisme installé à Austin (Texas) et consacré à la protection des chauves-souris. (Cliquez sur cette source pour remonter)
- « Synthèse des sources de mortalité aviaire d’origine anthropique au Canada », http://www.ace-eco.org/vol8/iss2/art11/ (Cliquez sur cette source pour remonter)
- Benjamin Sovacool, « Contextualizing avian mortality : A preliminary appraisal of bird and bat fatalities from wind, fossil-fuel, and nuclear electricity », https://ideas.repec.org/a/eee/enepol/v37y2009i6p2241-2248.html (Cliquez sur cette source pour remonter)