La croissance positive moteur de la transition économique ?
Les entreprises elles-mêmes, y compris les plus « capitalistes » ou dans des secteurs très traditionnels (agroalimentaire, chimie, pétrole, …) se mettent à changer dans ce sens. Comme le souligne le Manifeste pour une société positive,[3] « Les entreprises sont les moteurs essentiels de la croissance positive », souligne et nombre d’entre elles « ont déjà fait profondément évoluer leurs pratiques au cours des trente dernières années. »
Et comme on l’a vu, un consensus s’est formé sur le périmètre de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) : désormais on s’accorde à penser que la RSE englobe les questions d’éthique, de souci du long terme et pas seulement une dimension économique.
Il faut dire que le public est en attente d’un implication accrue des entreprises, notamment sur le terrain de la solidarité et de l’insertion comme le montre une étude OpnionWay d’octobre 2014 [5]. On y voit que l’idée d’associer les affaires, le profit et la responsabilité sociale paraissent non seulement naturels aux Français mais est une réelle attente. Dans un contexte de chômage, la responsabilité de l’entreprise est également d’agir pour l’insertion des citoyens dans le marché du travail. Et la majorité des consommateurs (81 %) pensent que ce rôle n’est pas assez assumé actuellement :
- 80 % des Français attendent d’une entreprise rentable qu’elle ait aussi une mission sociale, notamment d’insertion.
- Attendez-vous d’une entreprise rentable qu’elle ait aussi une mission sociale, notamment d’insertion ? Oui à 80 %, non : 19 %
- 81 % pensent que l’entreprise ne joue pas suffisamment ce rôle aujourd’hui (vs. 18 %).
74 % pensent qu’une entreprise peut avoir pour coeur d’activité un but social, tout en étant
L’engagement pro-RSE s’est accru avec la mondialisation économique, les inquiétudes sur le réchauffement climatique et la raréfaction des ressources naturelles. Au-delà de la RSE l’économie du partage ajoute une nouvelle dimension aux plus classiques ESS et entrepreneuriat social.
L’entrepreneuriat social
Les premières formes d’entrepreneuriat social ont d’abord concerné des activités à utilité environnementale forte. Un exemple pris au Kenya : en 2007, l’entreprise Ecotact a été fondée en 2007 pour s’attaquer aux problèmes sanitaires et environnementaux des quartiers pauvres du Kenya. Afin afin de réduire les déserts sanitaires du pays, Ecotact commercialise des « Ikotoilets ».
Le créateur de l’entreprise, David Kuria, a reçu en 2007 le prix de la Schwab Foundation du meilleur entrepreneur social africain.
Puis, ce sont les activités strictement sociales qui ont été mises en avant par l’entrepreneuriat social : depuis 2003, l’entreprise américaine Better World Books lutte pour lutter contre l’illettrisme dans le monde.en récupérant et redistribuant des livres d’occasion.
Valoriser l’altruisme et le partage
L’essor actuel de l’économie du don avec les gratuivores, les sites de don entre particuliers comme consoRecup, et l’importance accordée aux nouveaux services collaboratifs mobilisent la bonne volonté et l’altruisme des citoyens. C’est surtout l’altruisme intergénérationnel qui est pris en compte : celle des générations actuelles qui prennent en compte la préservation des intérêts des générations futures. Il s’agit bien d’intégrer dans nos prises de décision économiques au quotidien un critère important, celui du long terme et de la préservation des ressources.
La consommation collaborative explose du coté du consommateur ; l’économie circulaire et l’écoconception, s’installent du coté des entreprises.
L’économie positive, elle veut prendre en compte l’altruisme qui n’est pas pris en compte dans la comptabilité économique classique. Dans la doxa économique classique, on postule plutôt que l’action individuelle est égoïste et que la somme de ces actions individuelles peut créer le bien collectif. Cette « fable des abeilles » n’est pas conforme au postulat de l’économie positive qui, a contrario, estime que c’est au niveau individuel que le bien se crée également, que ce bien est une valeur en soit. A l’instar du Bouthan qui veut remplacer l’indice du PIB par l’indice du Bonheur Brut, l’économie positive.
L’économie positive considère comme un gain l’acte de prêter, de donner ou de partager un bien, et pas seulement le fait de l’acheter ou le vendre. De fait, les appels à la prise en compte, au côté du PIB, d’autres indicateurs de qualité de vie et de développement durable se multiplient comme celui de Jean Pisany-Ferry, commissaire général à la stratégie et à la prospective de France Stratégie ou de certains députés.
Les entreprises aussi
Ce mouvement donne naissance à de nouveaux modèles plus sobres et qui vont globalement tous dans le même sens, c’est a dire vers une sociétés où la sobriété heureuse des consommateurs fait écho à l’économie circulaire pratiquée par les entreprises. Les entreprises ont mis en place des équipes consacrées à la mesure et à la prise en compte de leur RSE.
Cradle to Cradle, B Corps, Green bons, social bonds, …
quelques-uns des outils de l’entreprise responsable post-capitaliste
Même l’épargnant, en mettant ses billes dans l’investissement socialement responsable (ISR), participe à l’émergence de l’économie positive en tenant compte de ce paramètres éthiques ou environnementaux. Les fonds spécialisés ou avec des compartiments éthiques se développent régulièrement.
Selon Jean-Philippe Desmartin, responsable de la recherche ESG (3) du courtier Oddo S. : « En quinze ans, la part de l’investissement responsable (ISR et intégration des critères ESG est passée de 0,1 % à 10 % des capitaux investis en Europe, et je pense qu’on arrivera à 30 % d’ici à 2025 ou à 2030 ».
Le monde financier s’est progressivement doté d’indices permettant de signaler les véhicules vertueux disponibles pour l’épargnant, à coté du label ISR, d’autres plus financiers cohabitent.
Même les médias et les journalistes s’y mettent
Une nouvelle pratique (une mode ?) a vu le jour dans le champ des médias pour s’adapter à l’approche éco positive : « l’impact journalisme » qui a pour objectif de traiter les problèmes de société à travers les solutions et initiatives qui y répondent… c’est ce que consoGlobe fait comme M. Jourdain fait sa prose, sans le savoir mais en le faisant depuis 2005.
L’économie positive : une dimension politique ambitieuse
Comme l’écrit le rapport Attali, « L’économie positive vise donc à réconcilier la démocratie, le marché et le long terme ; à rendre compatibles l’urgence du court terme et l’importance du long terme. »
Loin d’une vision résignée, face au déclin, l’économie positive montre que partout dans le monde des graines de changement poussent…. pour le bien de la société et des hommes. Autant d’intiatives positives que nous nous efforçons de relayer ici….. la voix d’un monde nouveau.
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L’inclusive Business, quand l’entreprise s’attaque à la pauvreté
[1] Jacques Attali est à l’origine du Mouvement pour une économie positive et du LH Forum, une initiative de PlaNet Finance, organisation non gouvernementale de microcrédit qu’il a créée en 1998 avec Arnaud Ventura. Dans un manifeste publié le 10 septembre 2014, il propose un plan d’action en 17 points.
[2] Ces indicateurs ont été retenus suite à plusieurs enquêtes menées par des organismes internationaux tels l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la Charities Aid Foundation, le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l’Organisation des Nations unies, Transparency International, etc.
[4] ESG = économiques, sociales et de gouvernance
[5] Source : enquête réalisée par OpinionWay pour Envie, les 16 et 17 octobre 2014