On parle beaucoup des additifs présents dans les cosmétiques, en oubliant souvent que l’huile de palme, reine de la déforestation, est loin d’être réservée à la nourriture. Au contraire même, puisqu’elle se cache derrière bien des appellations dans la liste des ingrédients. Le point avec Anne-Marie Gabelica, fondatrice d’oOlution.
Réponses d’Anne-Marie Gabelica, fondatrice d’oOlution, première marque de cosmétiques 100 % sans huile de palme et dérivés
Le saviez-vous ? Comme une célèbre pâte à tartiner, nos produits de beauté sont remplis d’huile de palme : 24 % de la production mondiale d’huile de palme est utilisée par l’industrie cosmétique. Soit près d’un quart des forêts primaires d’Asie du Sud-Est, d’Amérique du Sud et d’Afrique qui, une fois détruites et transformées en palmeraies, se retrouvent dans nos crèmes ou shampooings.
Cette monoculture intensive de palmier à huile provoque bien-sûr de terribles conséquences[1], notamment la destruction de la biodiversité par exemple, avec des millions d’espèces végétales et animales en voie d’extinction, orangs-outans et tigres de Sumatra pour ne citer que les plus célèbres. Sans oublier les conséquences sur l’humain avec l’expropriation des paysans vivant sur les terres convoitées et accaparées par les industriels, les conditions de travail scandaleuses auxquelles sont soumis le personnel des palmeraies, l’usage massif de pesticides… la liste est longue !
Alors, comment éviter l’huile de palme dans nos cosmétiques ? Réponses d’Anne-Marie Gabelica, fondatrice d’oOlution, première gamme de cosmétiques garantis 100 % sans huile de palme [2].
Anne-Marie, pourquoi y a-t-il de l’huile de palme dans les produits cosmétiques ?
Émulsionnants, agents de texture, huiles estérifiées et hydrogénées, conservateurs… Autant d’ingrédients que l’on retrouve dans la majorité des produits cosmétiques et qui, très souvent, comportent des dérivés d’huile de palme. Ce n’est donc pas l’huile de palme elle-même qui est présente dans vos cosmétiques mais des molécules qui sont fabriquées à partir d’elle.
Pourquoi ? Parce qu’elle possède un avantage qui pèse fortement dans la balance chez les industriels : son rendement. Le palmier à huile est une plante oléagineuse qui permet d’obtenir l’un des plus grands rendements d’huile. Celle-ci est ainsi produite au prix le plus bas, ce qui en fait une huile de choix pour élaborer tous les ingrédients de remplissage des produits cosmétiques. Complètement inutiles à la peau, ces ingrédients ont pour avantage de réduire le coût de revient des produits. Voilà donc pourquoi les dérivés d’huiles de palme peuplent votre salle de bain.
Comment savoir si nos produits de beauté contiennent de l’huile de palme ?
C’est là tout le problème. Contrairement aux produits alimentaires dans lesquels il est facile de débusquer l’huile de palme cachée derrière les appellations « huile végétale » ou « matière grasse végétale », les ingrédients dérivés d’huile de palme ont des noms très variés et qui n’évoquent le plus souvent pas leur origine. Ce qui, forcément, limite la possibilité pour tout un chacun de savoir si ces ingrédients sont présents dans les produits cosmétiques qu’il utilise. A moins de fabriquer soi-même ces produits en s’assurant que les ingrédients fonctionnels (émulsionnants, conservateurs…) ne soient pas issus d’huile de palme, faire le choix de cosmétiques qui ne participent pas à la déforestation est donc quasi-impossible.
Dans ces conditions, comment s’y retrouver parmi tous les produits cosmétiques ?
Très rarement utilisée sous sa forme brute, nous avons vu que l’huile de palme est présente sous forme de centaines de dérivés différents aux appellations plus compliquées les unes que les autres. Heureusement, il suffit de connaître 7 suffixes et préfixes pour repérer les dérivés d’huile de palme dans la liste d’ingrédients de vos cosmétiques. Ainsi, si un ingrédient est composé avec le suffixe « capryl » ou des préfixes « lauryl », « cetear », « stear », « palm », « myr(ist) », ou « dodec », vous pouvez avoir la quasi-certitude qu’il s’agit là de dérivés d’huile de palme.
Ces ingrédients peuvent aussi potentiellement être synthétisés à partir d’huile de coco, qui possède une composition en acide gras relativement proche de l’huile de palme. Cependant l’huile de coco étant plus chère, elle ne remplace qu’à de très rares exceptions l’huile de palme dans la fabrication des molécules dont les noms contiennent l’un des 7 radicaux cités plus haut.
Pour vous y retrouver, une infographie très pratique sur le site d’oOlution explique comment éviter l’huile de palme dans les cosmétiques.
Si un ingrédient est composé avec le suffixe « capryl » ou des préfixes « lauryl », « cetear », « stear », « palm », « myr(ist) », ou « dodec », vous pouvez avoir la quasi-certitude qu’il s’agit là de dérivés d’huile de palme.
Et l’huile de palme durable dans tout ça ?
L’huile de palme « durable » à proprement parler n’existe pas. Il s’agit en réalité d’une habile tentative de greenwashing orchestrée par les lobbies de l’industrie agro-alimentaire sous le label « RSPO » (Roundtable for Sustainable Palm Oil). Composée de géants industriels tels que Monsanto ou encore Syngenta – des fabricants de l’agro-chimie au coeur d’innombrables scandales – ce groupe décerne trois niveaux de certifications dont les normes et les contrôles laissent planer de sérieux doutes.
L’huile de palme durable n’est en réalité qu’une pure et simple manipulation de la part de multinationales qui ne sont pas connues pour avoir à coeur de préserver la santé humaine et la biodiversité. Il ne s’agit là que de chercher un moyen de redorer son image pour ne pas avoir à se poser des questions de fond et surtout gagner toujours plus d’argent aux dépens du vivant. Un documentaire diffusé sur France 5 « L’huile de palme, une huile qui fait tache » en a fait une éclatante démonstration :
Voir le reportage vidéo EcoPlus TV :
Même problème concernant l’huile de palme « bio », essentiellement cultivée en Colombie, sur des terres appartenant au groupe Daabon qui ne recule jamais à faire appel à des forces armées à chaque fois qu’il lui semble bon de s’accaparer une parcelle de terre. Un groupe qui, d’après la réglementation locale, dispose du droit de cultiver des parcelles de terre non certifiées bio au milieu d’autres parcelles certifiées. Impossible, là encore, d’avoir confiance en cette prétendue alternative.
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