Qui ne s’est pas déjà laissé tenter par une portion plus grande ou par une allégation « bon pour la santé » ? Qui n’a pas déjà associé une salade à un hamburger pour se donner bonne conscience ? Qui n’a pas déjà mangé plus de produits allégés en se disant qu’ils sont moins caloriques ? Peu de monde…
Les spécialistes du marketing le savent bien. Et ils en jouent, tout particulièrement depuis une vingtaine d’années, sous l’oeil attentif d’un autre spécialiste, dont voici le travail de décryptage.
Marketing alimentaire : les apparences sont trompeuses
© DR, Pierre Chandon
Le chercheur Pierre Chandon, directeur du Centre de recherches en sciences sociales de l‘Insead à Fontainebleau, s’est spécialisé dans l’étude du marketing en lien avec la nutrition. Il a présenté une synthèse de ses différents travaux sur le sujet lors du congrès Diétecom 2013 qui ont a lieu à Paris les 21 et 22 mars.
Il a identifié 3 grandes actions marketing nouvelles depuis 20 ans :
- l’augmentation de la taille des portions
- le développement de la communication nutritionnelle, avec notamment les allégations concernant la santé
- la combinaison dans un même plat ou repas d’aliments catégorisés comme « bons » et « mauvais » pour la santé
Des portions sous-estimées
Quand on choisit un aliment, c’est d’abord pour sa qualité. Pas du tout pour sa quantité !
Ce constat tout simple identifié par des chercheurs (1) se traduit par de nombreux comportements induits, que ce soit devant son assiette ou dans un magasin :
- la majorité des personnes pensent que pour perdre du poids, il est plus important de choisir la qualité de ce qu’on mange plutôt que la quantité. Résultat : ils finissent leur assiette, quelque soit la quantité de nourriture qu’elles contiennent (2).
- dans les supermarchés, la plupart des clients se basent sur le volume des conditionnements pour en estimer le poids.
>> Quasiment personne ne lit les informations écrites sur l’emballage pour en vérifier le poids exact (3).
© CC, Robyn Lee
Pour estimer le poids ou le volume des aliments, on s’appuie donc le plus souvent sur des indications visuelles.
Problème : elles ne sont pas fiables du tout, surtout dès qu’il s’agit de grandes portions !
Au cours des nombreuses expériences qu’il a pu mener (4), Pierre Chandon a constaté que quasiment tout le monde, même les professionnels de la nutrition, sous-estiment systématiquement les grandes portions. Plus exactement, personne n’arrive à donner le nombre de calories exactes de ces grandes portions : les chiffres sont toujours très en-dessous de la réalité !
Heureusement ce « biais de réalité », comme l’appelle le chercheur, n’est plus valable pour les petites portions. C’est donc là que se trouve la solution :
- pour connaître la quantité réelle d’un plat, il faut détailler chaque élément (la viande, les légumes, les féculents, la sauce), et les estimer chacun séparément.
- et pour connaître celle d’un produit, il faut simplement lire l’information sur l’emballage. Et avoir un repère pour pouvoir comparer. Exemple : les « anciennes » bouteilles de Coca en verre affichaient 25 cl. Certains gobelets dans les fast-food montent jusqu’au litre aujourd’hui, et les plus petits sont déjà à 33 cl…
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