Longtemps, l’argument majeur en faveur de l’agriculture conventionnelle était la capacité d’obtenir de meilleurs rendements qu’en agriculture biologique. Plusieurs études récentes ont récemment démontré que si cet écart existe aujourd’hui, il peut être fortement diminué demain.
Récemment, deux agronomes, John Reganold et Jonathan Watcher, démontraient dans la revue scientifique Nature Plants que l’écart de rendement entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle pouvait être réduit à 9 % avec la polyculture, là où les estimations étaient plutôt de l’ordre de 20 % en 2012. Une nouvelle étude, publiée le 14 novembre 2017 dans la revue Nature Communications, explique que l’on peut atteindre une production agricole à 100 % biologique d’ici 2050, quitte toutefois à manger moins de viande.(1)
Rendements de l’agriculture biologique : une évidence tardive mais croissante
Longtemps, l’argument de la supposée moindre rentabilité de l’agriculture biologique a pesé dans les débats de société. Ce sont désormais de nombreuses études qui prouvent que cet obstacle peut être levé.
L’étude de Reganold et Watcher vérifiait déjà les conclusions de différentes études publiées en 2014, dont celle du Proceedings of the Royal Society, l’équivalent britannique de l’Académie des sciences française, ainsi que l’étude dirigée par Claire Kremen, professeur de sciences de l’environnement et codirectrice du Berkeley Food Institute de l’Université de Californie, dans laquelle 115 études de 38 pays, portant sur 52 espèces végétales et couvrant 35 années avaient été analysées.

Des coupables bien innocentes, dont il faudra réduire le nombre pour permettre à plus d’humains de vivre sans pesticides.
Ces études démontraient déjà qu’il était possible de réduire l’écart de rendement entre agricultures biologique et conventionnelle, tout particulièrement en utilisant la polyculture. Avec comme conclusion pour l’étude de Claire Kremen que « des investissements accrus en recherche agroécologique pourraient améliorer les productivités de l’agriculture durable, qui pourraient atteindre, voire dépasser celle de l’agriculture traditionnelle ».
Dans une approche différente, la dernière étude en date, menée par des chercheurs du Research Institute of Organic Agriculture (FiBL), en Suisse, conclue qu’une conversion « de 100 % à l’agriculture biologique a besoin de plus de terres que l’agriculture conventionnelle mais réduit l’utilisation de l’azote et des pesticides ». Et surtout, affirme : « en combinaison avec la réduction du gaspillage alimentaire et des aliments concurrents en provenance des terres arables, avec une réduction correspondante de la production et de la consommation de produits animaux, l’utilisation des terres en agriculture biologique reste inférieure au scénario de référence ».
Autrement dit : nous pouvons passer à 100 % de biologique, la pollution sera diminuée, et si nous combinons ceci à un changement de régime, la consommation de terres sera équivalente, voire réduite.
Condition essentielle : réduire la part des protéines d’origine animale de 38 à 11 %
Les chercheurs du FiBL soulignent que la « conversion à un modèle de production 100 % biologique sans mesures complémentaires conduirait à une croissance majeure de la demande en terres agricoles ». Les auteurs évaluent cette augmentation de la demande entre 16 et 33 %, en raison de rendements plus faibles. Une telle situation obligerait à accroître la déforestation de 8 à 15 % à l’échelle de la planète. Solution essentielle donc pour un avenir 100 % en agriculture biologique : les auteurs estiment que la part des protéines d’origine animale devrait au minimum passer, en moyenne, de 38 à 11 %.
La conversion à l’agriculture biologique peut répondre de façon durable à la demande alimentaire mondiale, mais seulement si le gaspillage alimentaire et la production de viande sont réduits.
FiBL,
Reganold et Watcher l’affirmaient également en 2016 : si nous voulons réussir à nourrir 9 milliards d’habitants en 2050, il sera nécessaire de « réduire le gaspillage alimentaire, améliorer l’accès à la distribution de l’alimentation, stabiliser la population mondiale, éliminer les conversion des cultures en biocarburants et nous orienter vers une alimentation plus tournée vers les végétaux ». Le FiBL estime quant à lui qu’il faut réduire le gaspillage alimentaire de 50 %.
Au-delà de meilleurs rendements, des bienfaits économiques et sociaux
Au-delà de cet écart de rendement qui se réduit, l’étude de Reganold et Watcher mettait en avant les multiples avantages de l’agriculture biologique face à l’agriculture conventionnelle. Plus efficace et résiliente en cas de sécheresse sévère, l’agriculture biologique permet aussi aux agriculteurs d’obtenir des rendements stables et ainsi de se projeter dans l’avenir malgré des conditions climatiques extrêmes.

Ensuite, sur le plan économique, les agriculteurs dégagent des marges plus importantes. Les produits se vendent en moyenne 32 % plus cher, leur assurant un revenu supérieur de 22 % à 32 % au revenu perçu en agriculture conventionnelle.
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