L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a jugé « improbable » le risque cancérigène du glyphosate, utilisé dans les pesticides. Un avis qui vient s’opposer à l’avertissement émis par l’OMS en mars dernier. Et qui va relancer l’affrontement entre les industries agro-chimiques et les défenseurs de l’environnement.
Le glyphosate cancérigène ? Les avis divergent…
Rappelez-vous, en mars dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait classé le glyphosate comme « cancérigène probable chez l’homme ». En juin, la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, avait même décidé d’interdire la vente aux particuliers d’herbicides qui en contenaient, dont le plus célèbre est le Roundup de Monsanto.
Selon le rapport(1) de l’EFSA, le glyphosate ne serait toutefois ni génotoxique, c’est à dire susceptible d’endommager l’ADN, ni une menace cancérigène pour l’homme. C’est pour cela que « les experts n’ont pas proposé que le glyphosate soit catégorisé comme cancérogène dans la réglementation de l’UE sur la classification, l’étiquetage et l’emballage des substances chimiques », comme le rapporte l’Autorité.
Cette surprenante divergence entre les expertises de l’EFSA et celle de l’OMS s’explique par le fait que ces deux agences ne parlent pas de la même chose. En effet, l’EFSA « évalue chaque substance chimique individuelle et chaque mélange commercialisé, de manière séparée », tandis que l’OMS a évalué les mélanges de glyphosate et de « coformulants », chargés d’améliorer son efficacité. Lors d’un point presse, le porte-parole de l’OMS a déclaré vouloir examiner attentivement l’étude et les conclusions de l’EFSA. Il leur reste jusqu’à juin pour prendre une décision en consultation avec les Etats membres.
L’exécutif européen doit prendre la décision de garder ou non le glyphosate sur la liste de l’Union européenne des substances actives autorisées, condition préalable pour permettre aux 28 pays de réévaluer l’autorisation des pesticides qui en contiennent sur leur territoire.
Alors qu’un comité d’experts des Etats membres s’est réuni le mardi 8 mars pour émettre un vote sur l’autorisation du glyphosate en Europe pour quinze années de plus. Il vient d’être différé en avril ou mai prochain, malgré le mécontentement des eurodéputés et une forte mobilisation des citoyens. Une pétition a même été lancé en février par Foodwatch, la Ligue contre le Cancer et Générations Futures contre l’autorisation du glyphosate.
Le glyphosate ne serait pas une menace pour l’homme
Pour les défenseurs de l’environnement, les réactions ont été immédiates, mettant en cause l’indépendance de l’EFSA, dont le groupe en charge du rapport est composé de scientifiques membres de l’autorité européenne et de représentants des organismes d’évaluation des risques de chacun des 28 Etats membres.
Pour Franziska Achterberg, chargée de la politique alimentaire dans l’UE chez Greenpeace, « les assurances de sécurité sur le glyphosate émises par l’EFSA soulèvent de sérieuses questions sur son indépendance scientifique ». Elle dénonce également le fait qu’« une bonne partie du rapport s’inspire directement d’études non publiées commandées par des producteurs de glyphosate. La preuve du préjudice est irréfutable mais l’EFSA défie le Centre international pour le cancer (CIRC) sur le cancer qui fait autorité dans le monde, pour faire plaisir à des sociétés comme Monsanto ».
Dans ses conclusions, l’EFSA établit tout de même un seuil de sécurité toxicologique intitulé « dose aiguë de référence », qui est la quantité qui peut être ingérée sur une brève période sans être nocive pour la santé. Elle est fixée à 0,5 mg/kg de poids corporel par jour. Cet élément servira de base pour la révision prévue en 2016 des limites de concentration de la substance dans ou sur des aliments destinés à notre alimentation ou celle des animaux.
Pour trancher cette question sur les formulations des désherbants, l’EFSA suggère que ce soit « aux Etats membres d’évaluer chaque produit phytopharmaceutique, chaque formulation, commercialisée sur leur territoire ». Une opération longue et coûteuse…