Banane de Côte d’Ivoire : GBH mise sur l’excellence environnementale

Confrontée à la concurrence, jugée déloyale, de l’Amérique latine, la banane de Côte d’Ivoire fait plus que résister, avec une hausse des surfaces cultivées, des rendements et de la production. Face au rouleau compresseur latino-américain, Banaci et Bacibam, les filiales du groupe Bernard Hayot (GBH), misent sur le bio et l’écoresponsabilité.
Dans une version revisitée de David et Goliath, la « guerre de la banane », opposant l’Afrique à l’Amérique latine, semble déséquilibrée. Soutenus par les puissantes multinationales fruitières des États-Unis, les producteurs d’Équateur, de Colombie ou du Costa Rica règnent sur le marché mondial, avec plus de 15 millions de tonnes produites. En Europe, leurs parts de marché atteignent désormais 80 %, contre 60 % en 1990.
Face à la déferlante latino-américaine, la banane ivoirienne résiste
Pourtant, malgré un environnement hyperconcurrentiel et de réguliers soubresauts, la banane de Côte d’Ivoire conserve une trajectoire de croissance – comme le confirme un article de recherche sur la filière, richement sourcé et documenté, dans le dernier numéro de la revue scientifique EchoGeo. En une décennie, la production a presque doublé, et dépasse désormais les 500 000 tonnes annuelles. La filière a étendu les surfaces cultivées de 6 000 hectares en 2013 à 9 000 en 2023. En modernisant et intensifiant ses pratiques, elle a atteint des rendements de 50 tonnes par hectare, jugés « excellents » par les chercheurs d’EchoGeo.
Premier exportateur africain de bananes, avec 40 % des volumes, la Côte d’Ivoire est le cinquième fournisseur de l’Union européenne. Sa part de marché y est passée de 4,4 % à 5,1 % entre 2015 et 2023. La filière a ainsi renforcé son rôle stratégique dans l’économie ivoirienne, puisqu’elle représente 2 % du PIB national et 8 % du PIB agricole. Elle génère environ 15 000 emplois directs et 30 000 indirects, ce qui en fait, selon EchoGeo, « le premier pourvoyeur d’emplois formels du secteur privé ».
Cette résilience s’appuie sur les stratégies différenciées des producteurs locaux. Si la majeure partie des acteurs avancent sur la même ligne de certifications écoresponsables (Fairtrade, Rainforest Alliance, GlobalG.A.P.) et de réduction des intrants, le Groupe Bernard Hayot (GBH), deuxième acteur du marché avec 25 % de la production nationale, va encore plus loin. En pleine croissance, ses deux filiales ivoiriennes Banaci et Bacibam misent sur un ancrage sociétal fort et l’agriculture biologique. Une exigence agronomique qui s’incarne notamment par le recours aux pièges à phéromones ou à encoches pour lutter contre les charançons sans recours aux pesticides, mais aussi par le fauchage mécanique des herbes plutôt que l’emploi d’herbicides.
Le positionnement de GBH prend ainsi le contre-pied des critiques adressées aux producteurs latino-américains : recours massif aux phytosanitaires avec une traçabilité insuffisante, non-respect des normes sociales, opacité des filières. Selon les chercheurs d’EchoGeo, les producteurs ivoiriens limitent, « pour des raisons écologiques », leurs pulvérisations aériennes de phytosanitaires, en en réalisant moitié moins que les producteurs d’Amérique latine.
Bacibam, vitrine d’une banane durable et responsable
Située près de Yamoussoukro, la plantation Bacibam incarne cette stratégie. Une vidéo de Nader Fakhry, un influenceur spécialiste de la Côte d’Ivoire, l’a récemment présentée comme un modèle. Premier producteur de bananes bio du pays, GBH y applique les principes de son « Plan Banane Durable », développé aux Antilles.

Bacibam a ainsi drastiquement réduit son utilisation d’intrants chimiques, privilégiant les engrais organiques et les pièges à phéromones pour lutter naturellement contre les insectes. Aujourd’hui, 100 % de ses surfaces sont certifiées bio. Tous les déchets agricoles sont recyclés, et des bassins de lagunage assurent un traitement naturel des eaux issues de la station de conditionnement, avec l’objectif, à terme, de pouvoir les réutiliser. Au moment de la conversion, des agrumes ont été plantés pour séparer les zones bio de celles en transition. Non exploités, ils participent à la biodiversité du site. Les ruches installées, sans rôle de pollinisation, traduisent la même volonté d’équilibre naturel et attestent de l’absence de pesticides.
L’engagement agronomique et sociétal de GBH
Par ailleurs, dans les zones non cultivées, des actions de boisement et de reboisement créent des biotopes propices à la faune et à la flore, renforçant la captation de carbone des sites de GBH.
Le groupe soutient également de nombreux projets sociaux en faveur des salariés et des villages environnants : cours d’alphabétisation, formation continue, accès à l’eau potable, construction de dispensaires, de logements et d’une école accueillant 200 élèves. Il contribue aussi à des microprojets économiques pour aider les familles à générer des revenus. Bacibam s’impose ainsi comme un modèle de développement intégré. Le ministre ivoirien de l’Agriculture a d’ailleurs choisi la plantation pour présenter la filière bananière à une délégation de ministres guinéens venus s’informer sur les pratiques agricoles du pays.
Des atouts pour séduire l’Europe ?
Ces efforts de durabilité pourraient constituer un facteur de distinction sur les marchés d’exportation. Dans un contexte où les consommateurs européens sont de plus en plus sensibles à l’origine, aux conditions de production et à l’impact environnemental des produits, la banane ivoirienne peut faire valoir des arguments solides.
Plus propre, plus respectueuse de la biodiversité et des normes sociales — en agriculture conventionnelle, et encore davantage en bio —, elle bénéficie aussi de sa proximité avec l’Europe : son transport engendre une empreinte carbone plus faible que celui des fruits d’Amérique latine. Ces différences qualitatives restent toutefois peu identifiées et mal valorisées sur les marchés européens. Mieux les faire connaître positionnerait la banane ivoirienne – en particulier bio – comme un produit de qualité, et inciterait davantage de consommateurs à la privilégier.
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